Outremers360 poursuit sa série hebdomadaire sur les personnalités emblématiques qui ont marqué l’histoire des Outre-mer. À la veille du Congrès annuel des maires de France (du 17 au 20 novembre), avec le 17 novembre consacrée à la journée pour les Maires des Outre-mer, nous nous intéressons aujourd’hui au parcours du premier Antillais et Ultramarin maire d’une commune de l’Hexagone, le Martiniquais Raphaël Élizé, citoyen engagé et résistant à l’occupation nazie, décédé en déportation à Buchenwald en février 1945.
Raphaël Élizé naît le 4 février 1891 à Saint-Pierre, en Martinique. Petit-fils d’esclaves, il quitte son île à l’âge de 11 ans, après l’éruption dévastatrice de la montagne Pelée. Son père, Augustin, fonctionnaire des impôts, avait réussi à mettre sa famille à l’abri en les évacuant vers Fort-de-France et Le Diamant, juste avant la catastrophe. Il est ensuite affecté à Paris dans le cadre du dispositif d’aide aux sinistrés. Dans la capitale, Raphaël poursuit brillamment ses études. En 1910, il intègre l’École vétérinaire de Lyon, dont il sort diplômé et major de sa promotion en juillet 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale.

Installation à Sablé-sur-Sarthe
Mobilisé au 36ᵉ régiment d’infanterie coloniale, il sert d’abord comme soldat puis comme vétérinaire. Son courage au front lui vaut l’attribution de la Croix de guerre. En octobre 1919, Raphaël Élizé s’installe à Sablé-sur-Sarthe avec son épouse Caroline, elle aussi originaire de Martinique. Il devient alors le premier vétérinaire de la région, mais également le seul homme noir de la ville. Son arrivée marque une véritable révolution, à la fois sociale et médicale, dans une communauté où les habitants avaient jusqu’alors recours aux rebouteux pour soigner leurs animaux.
Dès son arrivée, Raphaël Élizé s’investit activement dans la vie locale et parvient rapidement à gagner la confiance des habitants, malgré quelques réactions de racisme. Son statut et l’étendue de sa culture impressionnent son entourage. Grand amateur de musique classique, il nourrit également un goût marqué pour les arts et la littérature. Photographe à ses heures, il consacre ses loisirs à réaliser des clichés artistiques qu’il développe lui-même.
.jpg)
Raphaël Élizé est aussi passionné de politique, et adhère en 1924 à la section locale de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), qui deviendra plus tard le Parti socialiste. Après un échec aux élections municipales de 1925, il devient maire de Sablé-sur-Sarthe en 1929. Au cours de son mandat, Élizé fait ouvrir une école, une pédiatrie, une maternité ainsi qu’une « Maison du peuple » destinée aux syndicats. Il fait construire également la première piscine de l’Ouest de l’Hexagone, conçue pour accueillir des compétitions sportives. Réélu en 1935, il représente la même année l’Association des maires de France en Martinique, lors des cérémonies commémorant le tricentenaire des Antilles françaises (1635‑1935).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Raphaël Élizé est incorporé en 1939 comme officier de réserve avec le grade de capitaine. Démobilisé en août 1940 après la reddition de la France, il retourne à Sablé-sur-Sarthe, occupée par les Allemands. Il veut naturellement reprendre sa fonction de maire, mais la Kommandantur lui écrit : « il est insupportable à l’administration militaire et à l’armée allemande de reconnaître comme maire en territoire occupé un homme de couleur ni de discuter avec lui. »
Engagement dans la Résistance
Destitué par le préfet collaborationniste de la Sarthe, Élizé s’engage dans la Résistance au printemps 1943. Grâce à sa maîtrise de l’allemand, il parvient à recueillir de précieuses informations. Mais en septembre de la même année, son réseau est démantelé et il est arrêté par la Gestapo. D’abord emprisonné à Angers, il est ensuite déporté à Buchenwald en janvier 1944. Le 9 février 1945, à quelques semaines de la libération du camp, il trouve la mort lors des bombardements alliés visant les usines du complexe concentrationnaire, à l’âge de 54 ans. Sa femme, Caroline, ne survivra pas longtemps à ce drame : elle s’éteint un an plus tard, accablée par la perte de son mari.
Le Martiniquais n’a pas été oublié. La place de la mairie de Sablé-sur-Sarthe porte son nom, de même qu’une autre place au Mans. En 2013, un timbre à l'effigie de Raphaël Élizé est créé par La Poste. La même année, un documentaire de 52 minutes retrace son itinéraire. Réalisé par Philippe Baron et intitulé Le métis de la République, il s’appuie sur de nombreuses archives visuelles. Le film revient sur l’histoire familiale d’Élizé, depuis son arrière-grand-mère Élise, née esclave avant d’être affranchie, à l’origine du patronyme, et s’enrichit des témoignages de ses neveux et nièces, d’anciens habitants de Sablé, ainsi que d’historiens et d’essayistes.
PM
► Retrouvez l’intégralité de notre série sur les grandes figures des Outre-mer























