Le 19 septembre prochain sortira aux États-Unis le film Waltzing with Brando, inspiré d’une histoire vraie. Le long-métrage retrace un épisode méconnu de la vie de Marlon Brando, lorsqu’il découvre l’atoll de Tetiaroa et rêve d’en faire un paradis écologique avant-gardiste. L’occasion pour le grand public de découvrir Ha’anui Bellais, 29 ans, dans son tout premier rôle au cinéma. Formé à l’école d’art dramatique de l’Atelier Blanche Salant & Paul Weaver, à Paris, l’acteur originaire de Papeete a un parcours atypique. C’est sur le tard qu’il décide de tenter le tout pour le tout afin de réaliser son rêve. Un parcours qui a pourtant commencé bien loin des projecteurs, au Canada.
Quand il quitte la Polynésie française à 18 ans pour poursuivre ses études au Canada, Ha’anui Bellais ne s’attend à rien de précis. « Il y avait, à l’époque, des accords avec le Canada. Tous mes amis partaient là-bas, et je pouvais étudier en anglais. » Il s’inscrit alors à HEC Montréal. Pour surmonter sa timidité à l’oral, il décide de suivre des cours de théâtre en soirée : « C’était pour m’aider à parler plus facilement devant la classe et me suis rendu compte que j’adorais ça. »
Pourtant, à cette époque, le théâtre n’est qu’un moyen pour extérioriser, une passion et absolument pas un potentiel métier. Diplôme en poche, il s’accorde une année en Australie pour perfectionner son anglais, voyager et vivre de nouvelles expériences. C’est là que, par hasard, il fait sa toute première apparition sur un plateau, en tant que figurant dans une série internationale, diffusée sur Netflix. « C’était ma toute première fois sur un tournage de grande ampleur. »
De retour à Tahiti, juste avant la pandémie, il enchaîne les emplois : cadre dans une entreprise, technicien installateur de fibre optique... Il développe aussi une activité de coach sportif indépendant, qu’il poursuit encore aujourd’hui. « J’ai toujours aimé aider les autres à se dépasser. Le sport m’a permis de rester discipliné, constant. » Mais pendant ces années à explorer d’autres voies, l’acting reste présent, en arrière-plan.
Une rupture amoureuse sera le déclencheur : « Je me suis dit : pourquoi pas moi ? À Tahiti, acteur, ce n’est pas un métier. Personne ne te dit que c’est possible. Mais après tout, j’avais 26 ans. C’était le moment ou jamais. » Ha’anui Bellais en parle alors à un ami, qui lui transmet le numéro de Vincent Cassel. Sans trop y croire, il le contacte. « Ça n’a pas duré très longtemps mais il m’a dit trois choses : pars de Tahiti, forme-toi, et montre-toi. Il était cash, mais c’est exactement ce dont j’avais besoin. Il m’a aussi conseillé sur les écoles. »
Quelques semaines plus tard, Ha’anui Bellais prend un aller simple pour Paris, sans plan B. « Je suis parti avec une valise, quelques économies et beaucoup de doutes. Mais j’étais décidé. J’avais enfin choisi de m’écouter. »
Apprendre, travailler, exister
À Paris, Ha’anui Bellais doit tout reprendre depuis le début. « Je pensais que j’étais déjà accepté dans l’école mais en fait, il fallait passer une audition. » Deux jours pour préparer un monologue : il choisit une scène de Fight Club et réussit à intégrer l’Atelier Blanche Salant & Paul Weaver. « C’était une école exigeante, très technique. J’ai appris à respirer, à poser ma voix, à me déplacer sur scène. À comprendre ce que c’est que jouer, vraiment. » Il y restera un peu plus de deux ans.
En parallèle, il enchaîne les castings. « En moyenne trois par mois. Et j’ai essuyé énormément de refus. C’est un métier où le non est la norme. Tu travailles une scène pendant une semaine, tu donnes tout… et tu n’as même pas de réponse. » Malgré tout, il persiste. « Chaque audition est un entraînement. Un pas de plus. » Son premier tournage, il le décroche pour un film fantastique polynésien produit par Sony, où il obtient un rôle secondaire. « Au départ, je devais avoir quatre répliques. Finalement, j’ai eu une trentaine de pages de dialogues. »
Puis vient Waltzing with Brando présenté en novembre 2024 au Torino Film Festival et qui sort ce vendredi 19 septembre aux États-Unis et au Canada. Ha’anui Bellais y incarne un capitaine de bateau pour quelques minutes dans ce film qui retrace le projet hôtelier de l'acteur Marlon Brando sur l'atoll de Tetiaroa. L'icone hollywoodienne y est incarnée par Billy Zane (Titanic), dont la ressemblance avec Brando est déroutante.
Ha'anui Bellais a également participé à un biopic historique sur le général De Gaulle, dans lequel il joue un jeune soldat espagnol. Le film sortira en 2026. Entre les tournages, il continue à se former et projette aussi de suivre une formation au combat à l’écran et au maniement d’armes. « Aujourd’hui, les castings pour les films d’action demandent des compétences physiques. Je veux pouvoir tout jouer. » S’il ne vit pas encore du cinéma, ses ambitions sont immenses. « Quitte à me lancer par passion dans ce domaine, autant viser les étoiles : si je n’y arrive pas, j’atterrirai au moins sur la Lune. »
Ne pas se laisser enfermer
Depuis ses tout premiers castings, Ha’anui Bellais s’interroge sur la façon dont il est perçu. « Beaucoup de mes premiers rôles étaient centrés sur la Polynésie. Je me suis posé la question trop souvent : est-ce que ça ne va pas m’enfermer dans une case ? J’en ai parlé à mon agent qui m’a répondu que la stratégie était pour l’instant de se faire connaitre. Que cela permettrait d’élargir les possibilités. »

Depuis, Ha’anui Bellais a déjà eu accès à des castings plus variés, pour des productions internationales ou françaises. « J’ai passé un casting pour jouer un cartel vénézuélien, pour une série produite par Fox, pour Plus belle la vie... » Pour autant, l’acteur ne renie pas ses racines. « Je n’oublie pas d’où je viens mais je ne veux pas me limiter. D’ailleurs, je veux accumuler de l’expérience et des connaissances, et le moment venu, j’aimerais ouvrir une école ou une formation pour les comédiens, les auteurs, les réalisateurs. Utiliser les contacts que j’aurai créés pour faire venir des intervenants et donner l’accès aux Polynésiens qui ont du talent mais pas les moyens de se former. »
L’acteur nourrit également une envie d’écriture. « Peut-être que le rôle de ma vie, ce sera moi qui l’aurai écrit. » Et il ne l’imagine pas comme une projection de lui-même, mais comme un personnage à contre-courant. « Quelqu’un de très dur, très sombre, qu’on déteste au début et qu’on finit par comprendre. »
En attendant, Ha’anui Bellais avance, patiemment. « Je sais que ça va être long. Et que peut-être je ne serai jamais connu. Mais ce n’est pas ça, le but. Le but, c’est de me sentir à ma place. Et si je peux inspirer, tant mieux. Je veux juste que les jeunes chez moi voient que c’est possible. Qu’on peut rêver. Et qu’on peut y aller. »