Le Venezuela a lancé mercredi trois jours d'exercices militaires sur l'île de la Orchila, dans les Caraïbes, alors que les États-Unis ont déployé des navires de guerre dans la zone, officiellement pour une opération anti-drogue.
Les États-Unis accusent Nicolas Maduro de diriger un cartel et offrent une récompense de 50 millions de dollars pour la capture du président vénézuélien. Caracas rejette ces accusations et dénonce une « menace ».
L'île, un territoire de 43 kilomètres carrés où se trouve une base de la marine vénézuélienne, se situe à 97 miles nautiques de l'État vénézuélien de La Guaira et près de l'endroit où les États-Unis ont intercepté un bateau de pêche vénézuélien pendant huit heures pendant le week-end.
« Aujourd'hui, notre commandant en chef (le président Nicolas Maduro, ndlr) nous a ordonné un exercice, une manœuvre de campagne baptisée « Caraïbes souveraines » (...). Il va y avoir un déploiement important de navires de la marine bolivarienne », a déclaré le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino Lopez, à la télévision nationale.
« Difficile à croire »
« Dans cette conjoncture, nous devons élever notre préparation opérationnelle à un scénario de conflit armé en mer », a-t-il précisé, évoquant le « grand déploiement de navires nord-américains, des destroyers équipés de missiles de croisière guidés avec une puissance menaçant le Venezuela, les Caraïbes et toute l'Amérique latine ».
La télévision publique a montré des images de bateaux amphibies, de pièces d'artillerie et de navires de guerre vénézuéliens déployés à La Orchila. « Nous avons 12 navires, 22 aéronefs, y compris des chasseurs (...) 20 petits bateaux de la milice spéciale navale », a précisé le vice-amiral de la marine, Irwin Raul Pucci.
Lundi, Nicolas Maduro a assuré à propos du déploiement américain qu'il y avait « une agression en cours à caractère militaire » de la part de Washington et que le Venezuela était « habilité par les lois internationales à y répondre ». Il a annoncé avoir positionné 25 000 soldats aux frontières tout en appelant la population à s'enrôler dans les milices pour « défendre la patrie ».
Un peu plus tôt dans la journée, le ministre de l'Intérieur Diosdado Cabello a mis en avant la lutte anti-drogue de son pays, accusé de narcotrafic par Donald Trump, se targuant d'avoir saisi plus de 60 tonnes de drogue en 2025, la plus grande quantité saisie depuis l'année 2010.Diosdano Cabello a jugé les accusations américaines « difficile(s) à croire », estimant que l'administration Trump cherchait un « changement de régime » au Venezuela.
Selon le président Trump, les États-Unis ont détruit trois embarcations contenant de la drogue qui étaient parties du Venezuela. Caracas a demandé une enquête sur le premier bateau attaqué la semaine dernière, et n'a pas fait de commentaire précis sur les deux derniers.
« Concernant les trois embarcations qu'ils mentionnent, on ne sait pas. On ne sait pas. Parce qu'ils disent qu'elles transportaient de la drogue, mais qui a vu la drogue ? Ils disent que le second transportait du fentanyl. D'ici, du Venezuela, du fentanyl ? C'est difficile à croire. Très difficile à croire », a déclaré Diosdado Cabello.
« Permis de tuer »
Mardi, un groupe d’experts de l’ONU a condamné Washington pour l' « exécution extrajudiciaire » de 14 personnes lors de frappes militaires « illégales » contre des bateaux de narcotrafiquants présumés en provenance du Venezuela. « Le droit international ne permet pas aux gouvernements d'assassiner purement et simplement des narcotrafiquants présumés », ont déclaré les trois experts indépendants de l'ONU dans un communiqué.
Une opération antidrogue en mer passe d'habitude par l'arraisonnement du navire, l'arrestation de ses occupants et la saisie de son chargement. Mais Donald Trump a choisi la manière forte, accusant les équipages de menacer la sécurité et les intérêts nationaux des États-Unis. Il « semble s'octroyer un permis de tuer en dehors de la loi », alerte auprès de l'AFP Brian Finucane, ancien conseiller auprès du gouvernement américain sur ces questions et désormais chercheur à l'International Crisis Group.
Le 2 septembre, l'armée américaine a tiré sur un bateau désigné comme appartenant à des trafiquants, tuant 11 personnes qui avaient quitté le Venezuela. Les États-Unis ont mené lundi une nouvelle opération de ce type et tué trois personnes, selon Donald Trump, qui a évoqué le lendemain une troisième frappe. Des attaques « très étonnantes et sans précédent », reprend l'expert Brian Finucane. Selon lui, le gouvernement américain « n'a pas démontré que c'était légal et n'a même pas vraiment essayé de défendre ses arguments sur ce terrain ».
« Les cartels violents qui font du trafic de drogue MENACENT la sécurité des États-Unis, sa politique étrangère et ses intérêts vitaux », a affirmé Donald Trump. « Balancer ici et là des termes de droit » ne constitue pas « un argumentaire juridique solide », tance Brian Finucane. Ces opérations dans les Caraïbes ont aussi été vivement critiquées au Congrès américain, par nombre de parlementaires de l'opposition de gauche, mais pas uniquement.
« Le président n'a légalement pas le droit de tuer des gens dans les eaux internationales en se fondant simplement sur des accusations dénuées de preuves, sans procédure en bonne et due forme », a ainsi écrit sur X l'élu démocrate Don Beyer. Le républicain Rand Paul s'en est pris lui au vice-président JD Vance, qui défend les opérations. « Quel sentiment ignoble et irréfléchi que de glorifier le fait de tuer quelqu'un sans procès », a écrit le sénateur.
Selon la professeure de droit Mary Ellen O'Connell, les embarcations visées par l'armée américaine ne remplissent « aucune condition justifiant légalement la légitime défense ». « Il est temps de cesser de manipuler le droit pour autoriser un permis de tuer », insiste auprès de l'AFP cette spécialiste de la question à l'université américaine Notre-Dame. « Le droit à la vie humaine exige le respect du droit en temps de paix, sauf s'il existe des conditions d'hostilités bien réelles. »