Pacifique : Six ans après, l’accord-cadre entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie va enfin être signé

Pacifique : Six ans après, l’accord-cadre entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie va enfin être signé

Alcide Ponga, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a été accueilli samedi soir à Tahiti-Faa’a par Moetai Brotherson. Les deux chefs d’exécutifs devraient signer, ce lundi, un « accord-cadre de partenariat », au centre de discussions entre les deux collectivités depuis 2019, et qui a sans cesse été repoussé par les troubles sanitaires ou politiques. Réflexion sur un marché commun, coopération administrative, mutualisations d’équipements ou de formation, échanges sur la santé, l’agriculture ou les transports… L’accord est large, mais des « secteurs prioritaires » doivent être rapidement désignés et faire l’objet de « conventions d’actions ». Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Alcide Ponga, président du gouvernement de la Nouvelle‑Calédonie, est arrivé samedi soir à Tahiti pour une visite d’une semaine. Un déplacement officiel attendu depuis longtemps et qui a encore été reporté de quelques jours, en raison de la venue à Nouméa de la ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou.

Durant son séjour, cet élu Kanak, longtemps maire de la commune minière de Kouaoua, sur la côte Est de la Grande Terre, président depuis 2022 du Rassemblement, parti non indépendantiste héritier du RPCR fondé par Jacques Lafleur, et élu en janvier président de l’exécutif collégial calédonien, a programmé plusieurs rencontres politiques et économiques. Mais le cœur du déplacement devrait être la signature, ce lundi, d’un accord-cadre de partenariat avec le président de la Polynésie Moetai Brotherson, qui était venu l’accueillir à l’aéroport samedi soir.

Déjà un « protocole d’entente » en 2019

Un accord qui ne sort pas de nulle part. Le renforcement du lien Papeete-Nouméa a régulièrement été discuté depuis 2014, et Édouard Fritch, avait signé, en décembre 2019 avec trois membres du gouvernement calédonien de passage à Papeete, un « protocole d’entente » posant les jalons d’une « relation de coopération et d’amitié » avec le Caillou. L’idée était claire : aboutir à la signature d’un accord-cadre « ambitieux » en présence d’Emmanuel Macron en avril 2020, moins de six mois plus tard. 

Formation commune dans l’hôtellerie ou les métiers de la mer, échanges entre établissements artistiques, politique de santé, normalisation des productions, transports… Beaucoup d’axes de travail sont déjà identifiés et certains parlent même, à terme, de créer une zone de « libre échange » d’un côté et de l’autre du Pacifique. Le Covid en avait décidé autrement, et le cycle référendaire calédonien, qui avait causé des troubles politiques et la paralysie de l’exécutif du Caillou pendant de longs mois en 2021, n’ont pas aidé à remettre le sujet sur la table. 

Mais il n’a jamais été réellement enterré. Courant 2022 après le passage en Polynésie d’une délégation menée par Vaimu’a Muliava -ancien membre du gouvernement calédonien-, et le déplacement d’Yvonnick Raffin -ancien ministre polynésien de l’Économie et des Finances- à Nouméa, c’est le président calédonien d’alors, Louis Mapou qui était attendu à Tahiti pour « passer au concret » dans le développement des relations économiques, commerciales, sociales, culturelles et environnementales. Là encore, les remous politique avaient eu raison de la signature.

L’heure du « concret »

L’arrivée au pouvoir du parti indépendantiste côté Polynésie n’a pas éteint la volonté de coopération entre les deux territoires : Moetai Brotherson dès la fin du mois de mai 2023, échange en Corée avec son homologue Louis Mapou, lui aussi indépendantiste, sur la finalisation du travail. Les tensions montantes sur le Caillou, et l’embrasement de mai 2024 à Nouméa ont, là encore, mis le sujet de côté.

Un an et demi plus tard, le nouveau président calédonien, élu en janvier, et toujours à la tête d’un gouvernement collégial composé d’indépendantistes et non indépendantistes, est donc en Polynésie pour du « concret », comme il l’a fait avec d’autres pays récemment.

« C’est un accord d’engagement des deux territoires pour travailler ensemble sur une vingtaine de secteurs », expliquait-il samedi soir à son arrivée à l’aéroport. « Et au même titre que ce que j’ai fait en Papouasie-Nouvelle-Guinée, que je ferai au Vanuatu également et que je ferai à Wallis – l’année prochaine –, je viens pour pousser un peu plus loin et qu’on puisse vraiment derrière travailler sur des secteurs cibles. Qu’on puisse ensemble choisir quels sont les secteurs prioritaires sur lesquels nos équipes respectives ont travaillé et qu’on puisse vraiment faire des conventions d’actions et qu’il y ait du concret qui soit fait sur le terrain. »

En attendant le « marché commun »

Le projet d’accord-cadre, outre les rappels des liens historiques, familiaux, culturels, et déjà, institutionnels (l’assemblée de la Polynésie et le Congrès coopèrent déjà depuis près de dix ans…) consacre un engagement général des deux collectivités à favoriser la coopération de leurs administrations et institutions partenaires, mais aussi à « unir leurs efforts » pour défendre leur « intérêt commun » auprès d’organismes tiers.

Notamment dans le dialogue régional -la Polynésie et la Calédonie sont devenus membres à part entière du Fip au même moment, en 2016- et dans leurs relations avec l’Union européenne. Surtout, elles s’engagent dans un « processus de coopération renforcée » dans un certain nombre de domaine.

Notamment commercial : la création d’un « marché commun », également ouvert à Wallis-et-Futuna, est de nouveau sur la table et les échanges doivent s’intensifier sur la régulation des marchés de l’énergie des télécommunications ou des transports. Il s’agit au passage pour les deux collectivités d’étudier une stratégie conjointe de renforcement de leur présence aérienne dans la région, en faisant travailler de concert Air Tahiti Nui et Aircalin, déjà partenaires sur la ligne Nouméa-Nadi-Papeete.

Des mutualisations de moyens et des assistances croisées sont aussi à l’ordre du jour du côté de l’agriculture, l’élevage, la biosécurité, le numérique, les ressources minérales, le tourisme, la transition écologique, mais aussi la valorisation internationale de la culture ou l’économie bleue. 

La coopération se veut aussi politique, avec des échanges sur les travaux fiscaux et budgétaires, la politique foncière, la modernisation de l’administration et même la protection sociale, l’aménagement du territoire, les politiques de santé ou d’emploi. Il est notamment question de programmes de recherche et de formation communs, et de mutualisation d’équipements médicaux malgré les 4 500 kilomètres d’écart. 

Le projet d’accord traite aussi d’habitat, de jeunesse et sport -probablement le sujet le plus exploré aujourd’hui dans la relation Polynésie-Nouvelle-Calédonie- et même de relations extérieures. Les deux collectivités devraient ainsi s’engager à se concerter pour « chaque fois que c’est possible », dégager une position commune dans les instances internationales, européennes ou régionales.

Comité de pilotage et conventions d’action

Aux deux présidents, pendant cette visite d’une semaine, de définir, parmi cette vingtaine de domaines, des secteurs prioritaires. À leur administration, ensuite, de faire vivre cet accord cadre, au travers des conventions d’action, de comité de coopérations ciblés et d’un comité de pilotage qui doit se réunir chaque année pour faire le point sur l’évolution du partenariat.

Il s’agit donc d’un travail pour augmenter la coopération régionale, hors de l’égide de l’État. « On a des soucis propres à nos collectivités, des défis communs entre nos territoires. Donc il faut qu’on réfléchisse ensemble à la façon d’améliorer ensemble nos collectivités et la vie nos populations », reprend Alcide Ponga, précisant que ce n’est pas non plus une exclusion de l’Hexagone : « Il y a certains points qui peuvent concerner notamment l’État. Donc on les intégrera dedans quand on travaillera sur les conventions précises. »

Radio 1 Tahiti