Originaire de Saint-Pierre, à La Réunion, Étienne Payet était loin d’imaginer qu’un jour, il ferait carrière dans le vin, et encore moins qu’il deviendrait l’un des visages du Château de Pommard, prestigieuse maison bourguignonne : « Ce n’était pas écrit, surtout en venant de Saint-Pierre de La Réunion », confie-t-il. Aujourd’hui Senior Trade Sales Manager pour le Château de Pommard, en charge des marchés France, Suisse et Outre-mer, il incarne cette nouvelle génération de talents ultramarins qui font rayonner leur savoir-faire au cœur des plus grandes maisons françaises. Pour Outremers360, il revient ici sur son parcours, ses rencontres, et la vision qu’il porte dans un secteur en pleine évolution.
Rattrapé par son destin
Depuis l’enfance, Étienne Payet portait en lui les fondations de ce qu’il est devenu. D’un côté, un héritage discret mais profond : son père, propriétaire du Kafé Vanille, le premier restaurant avec terrasses de Saint-Pierre, lui transmet dès l’enfance le sens de l’accueil, de la convivialité, et le goût des belles choses. De l’autre, une rencontre sentimentale l’emmène en Bourgogne, au cœur des grands terroirs, où il découvre les vins de Beaune, une révélation.
Touché par ce qu’il appelle lui-même « le virus du vin », il décide de quitter sa vie parisienne et sa carrière dans l’immobilier. En 2011, il intègre un centre de formation professionnelle pour adulte (CFPA) à Beaune, puis complète son apprentissage par une formation en commerce et marketing du vin à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI). Une année décisive, tant sur le plan humain que professionnel : « J’ai travaillé dur, mais j’étais porté par un véritable élan. Tout me semblait plus simple, plus évident. Le vin a été pour moi un véritable vecteur d’émotions » Sorti major de sa promotion, il poursuit depuis son perfectionnement avec des certifications reconnues dans le monde du vin : « Quand on est passionné, tout devient plus facile. » souligne-t-il.

Des rencontres fondatrices
Au fil de son parcours, Étienne Payet a croisé plusieurs figures décisives qui ont nourri sa passion et orienté ses choix professionnels. La première, c’est Laure de Metz Noblat, alors directrice marketing chez Les Vignerons de Buxy, qui lui fait immédiatement confiance et lui confie son tout premier stage dans le vin. Autre figure marquante, Jean-Luc Kisel, vigneron indépendant devenu son mentor, avec qui il partage des moments rares autour de grandes dégustations : « À chaque visite chez lui, il ouvrait des grands crus. Il m’a initié et m’a vraiment appris à déguster le vin. » Un lien profond s’installe entre eux, au-delà de la transmission technique : « Il compte beaucoup pour moi. C’est devenu un ami. »
Il rend hommage à sa belle-mère, restauratrice à Beaune pendant de nombreuses années. Une influence familiale qui fait écho à celle de son père.
Enfin, il évoque avec affection Christophe Gasparotto, son ami de toujours, une amitié née sur les bancs de l’école et jamais démentie. Aujourd’hui directeur général d’Espace Revêtements Réunion et vice-président du Club Export Réunion, Christophe a toujours été bien plus qu’un simple soutien moral, il a su reconnaître et valoriser ses qualités. Des années plus tard, les deux amis collaborent désormais sur des projets communs. Comme un clin d’œil du destin…
Face aux défis climatiques et économiques, une viticulture engagée
Dans un contexte international tendu, entre baisse de la consommation de vin en France et montée des préoccupations environnementales, Étienne Payet évoque les défis auxquels la filière doit faire face : « C’est un sujet très sensible dans le domaine où je travaille. Chez Château de Pommard, nous avons fait des choix forts : nos vins sont certifiés en agriculture biologique, mais aussi en biodynamie, ce qui est encore plus rare, surtout en Bourgogne. »
La biodynamie, peu connue du grand public, va bien au-delà du simple bio : « C’est une approche holistique : on tient compte du cycle lunaire, on utilise uniquement des préparations naturelles, comme la silice ou la valériane, dans une logique proche de l’homéopathie appliquée à la vigne. C’est très exigeant, mais passionnant. » Le domaine a même investi dans des chevaux de trait pour effectuer les labours de manière douce sur les 20 hectares du Clos Marey-Monge, le plus grand clos en monopole de Bourgogne.
Pour Étienne, ces engagements sont nécessaires mais coûteux : « Produire en biodynamie, c’est plus cher. Pourtant, sur le terrain, je constate que les consommateurs, notamment les plus jeunes, y sont de plus en plus sensibles. En revanche, pour la génération suivante, le prix reste souvent le critère numéro un. C’est dommage, car ces pratiques méritent d’être mieux reconnues. » Pour lui, la transition écologique passe par une évolution des mentalités : « Je crois beaucoup en la jeune génération. Elle est curieuse, responsable et plus en phase avec ce que notre modèle de production. »

Retours aux sources
Depuis 2021, Étienne Payet occupe le poste de Senior Trade Manager au Château de Pommard, au cœur de la Bourgogne. Il y développe une activité orientée BtoB, principalement tournée vers les professionnels du vin, cavistes, agents, distributeurs et le réseau CHR, cafés, hôtels et restaurants qui représentent à eux seuls 95 % de son activité. Son périmètre commercial est vaste, mais cohérent avec son histoire personnelle : la France, la Suisse, et les territoires d’Outre-mer.
En novembre 2022, il participe au salon Vinocité, organisé à La Réunion. Sur place, Étienne découvre un public à la fois curieux et passionné, mais encore peu habitué aux subtilités des vins de Bourgogne : « Les Réunionnais ont plutôt une culture des vins puissants, comme les Bordeaux. Le vin de Bourgogne, avec sa finesse et sa complexité, demande souvent un peu plus de temps pour être apprivoisé. Mais ce que j’ai vu, c’est une vraie envie d’apprendre, une ouverture. Le potentiel est énorme. »
Ce lien entre ses origines et son métier actuel prend ici tout son sens : « Revenir à La Réunion pour y développer le vin, c’est une évidence pour moi. J’aimerais pouvoir y aller plus souvent, y créer des ponts durables. C’est quelque chose qui me tient profondément à cœur. » confie-t-il, bouclant ainsi la boucle d’un parcours où passion, héritage et territoires dessinent un destin résolument français.
EG