Nommée ambassadrice du plan national Osez l’IA et du salon Big Data & AI Paris 2025, la Réunionnaise Anaïs Sery devient l’une des figures de proue de la stratégie française pour démocratiser l’intelligence artificielle. Objectif : accompagner la diffusion de l’IA dans toutes les entreprises d’ici 2030, former 15 millions de professionnels et soutenir l’innovation locale. Un défi majeur pour les Outre-mer, où la dirigeante entend conjuguer sensibilisation, formation et adaptation aux spécificités de chaque territoire.
Le 1er juillet dernier, le gouvernement a officiellement lancé le plan Osez l’IA, une stratégie nationale qui vise à accélérer la diffusion de l’intelligence artificielle dans toutes les entreprises françaises. Porté par Clara Chappaz, ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique, ce plan doit permettre de former 15 millions de professionnels d’ici 2030, de déployer un réseau de 300 ambassadeurs, et d’accompagner les entreprises dans leur transformation numérique grâce à des financements et des diagnostics personnalisés. Parmi ces 300 nouveaux représentants, la présidente de l’Association Intelligence Artificielle Réunion, Anaïs Sery. « Je n’ai pas attendu qu’on me donne ce rôle : cela fait déjà deux ans que je mène des actions de sensibilisation à l’IA avec le Medef, les CCI ou la French Tech. J’avais co-organisé le Tour de France de l’IA à La Réunion, l’année dernière, qui avait réuni plus de 300 inscrits. Le titre d’ambassadrice ne change pas ma conviction : je continuerai à sensibiliser et à former, parce que je crois profondément que l’IA peut aider nos territoires. Mais cette reconnaissance me donne une responsabilité supplémentaire : porter la voix des Outre-mer dans un débat national et international qui nous concerne directement. »
Le plan Osez l’IA fixe une ambition claire : d’ici 2030, former 15 millions de professionnels, amener 80 % des PME/ETI et 50 % des TPE à intégrer des solutions d’intelligence artificielle, et garantir que 100 % des grands groupes aient franchi le pas. Mais derrière ces objectifs nationaux, la question reste la même : comment convaincre les entreprises, souvent encore hésitantes, de se lancer ? Pour Anaïs Sery, la réponse tient en un mot : accompagnement. « La première barrière, c’est que beaucoup d’entreprises ne savent pas par où commencer. On me dit souvent : à quoi ça sert pour moi, concrètement ? C’est là que nous intervenons. » Le dispositif prévoit notamment des diagnostics Data IA, cofinancés par Bpifrance, permettant à une PME de bénéficier de dix jours d’expertise pour identifier ses usages potentiels. « On n’a pas tous besoin d’un chatbot », insiste l’ambassadrice. « Le plus important, c’est de proposer des solutions adaptées à la taille et aux besoins réels de l’entreprise. »

Des études pour remonter les réalités du terrain
À La Réunion, l’ARACT (Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail) a mené, en juin et juillet 2025, une première enquête sur les usages de l’IA par les entreprises locales. Les résultats, attendus le 16 septembre, permettront d’avoir une vision précise des attentes et des obstacles L’un des grands enjeux est de ne pas laisser les Outre-mer à l’écart :
« Si nous ne nous saisissons pas de l’IA, nous risquons de reproduire les mêmes erreurs que par le passé, avec Internet ou les réseaux sociaux, où nous avons pris du retard. Cette fois, je veux que nous soyons acteurs de la transformation. » Mais si Anaïs Sery agit depuis La Réunion, elle insiste : son rôle ne se limite pas à son territoire. « Nous ne sommes que deux ambassadeurs nommés dans les Outre-mer pour l’instant. J’espère sincèrement que d’autres territoires seront représentés, mais en attendant, je me sens investie d’une responsabilité élargie. » L’ambassadrice veut défendre une approche différenciée, qui prenne en compte les réalités insulaires de chacun. « La Réunion ne ressemble pas à la Guyane, Mayotte n’a pas les mêmes enjeux que la Martinique. Chaque territoire a ses forces et ses contraintes. Le rôle des ambassadeurs est justement de mettre en avant ces spécificités. » Elle cite l’agriculture comme exemple : « On pourrait optimiser les rendements, anticiper les maladies des cultures ou encore mieux gérer les ressources naturelles. » Anaïs Sery se voit comme une relayeuse d’informations : entre le national et l’ultramarin, entre les grandes ambitions de l’État et la réalité du terrain. « Mon rôle est de faire remonter nos besoins, mais aussi de montrer que nous avons des solutions, des talents, des projets qui méritent d’être mis en lumière. Les Outre-mer ne doivent pas être des spectateurs de la révolution IA, mais des acteurs à part entière. » À La Réunion, l’écosystème de l’intelligence artificielle est en pleine effervescence. « Partout, des initiatives émergent : des start-ups se créent, des associations s’organisent, des grandes entreprises s’impliquent. L’IA n’est plus un concept lointain, elle devient une réalité sur notre territoire. » Parmi les projets récents, plusieurs initiatives locales illustrent cette dynamique : Smartisia, plateforme de solutions numériques lancée le 1er août 2025, qui recense et met en valeur les offres locales ; un chatbot hébergé localement, garantissant que les données restent à La Réunion et répondant ainsi aux enjeux cruciaux de cybersécurité et de gouvernance ou encore les cafés de l’IA, qui proposent des espaces d’échanges ouverts à tous.

Des rendez-vous d’importance à venir
Cette effervescence autour de l’IA à La Réunion répond à une demande croissante des entrepreneurs locaux. « Beaucoup ont déjà compris que l’IA peut leur faire gagner du temps ou de la compétitivité. Ce qu’ils attendent, ce sont des outils adaptés et des dispositifs d’accompagnement. Nous avons la chance d’avoir une communauté motivée et des initiatives qui se multiplient. Mais pour passer à l’échelle, il faudra relier les acteurs entre eux, leur donner accès aux bonnes ressources et aux financements. C’est aussi ça, mon rôle d’ambassadrice : faire en sorte que cet écosystème se consolide et qu’il devienne un levier de développement pour tout le territoire. » Dès septembre, Anaïs Sery participera à l’un des plus grands rassemblements d’entrepreneurs en Europe : Big 2025, à Paris. En octobre, elle participera au Big Data & AI Paris en tant qu’ambassadrice officielle. « Ce sont des lieux où se dessinent les grandes orientations, où se rencontrent les acteurs majeurs du secteur, des start-ups aux multinationales. Être présente, c’est montrer que nos territoires ultramarins font partie de la dynamique, qu’ils ne sont pas en marge mais bien au cœur de la révolution IA. »
Toujours en octobre, elle interviendra avec la Chambre de métiers et de l’artisanat de La Réunion pour présenter le dispositif Osez l’IA aux artisans et petites entreprises. Enfin, un déplacement est prévu à Mayotte au dernier trimestre 2025. « Il est essentiel de parler directement aux acteurs économiques de terrain. Beaucoup d’artisans ou de petites structures pensent que l’IA ce n’est pas pour eux. Je veux leur montrer qu’il existe des solutions concrètes, locales, adaptées à leur réalité. »
Ces déplacements et prises de parole s’inscrivent dans une stratégie plus large du plan national, qui prévoit des rencontres mensuelles partout en France, organisées avec les CCI et Bpifrance.