C’est un moment historique qui s’est déroulé ce mardi 26 août 2025 au ministère de la Culture, à Paris. Conservés jusqu’alors au Muséum national d’Histoire naturelle, trois crânes sakalava, dont celui présumé du roi Toera, ont été solennellement restitués par la France à Madagascar. Aux côtés de Rachida Dati, ministre de la Culture, de son homologue malgache Volamiranty Donna Mara, ministre de la Communication et de la Culture de la République de Madagascar, et de Thani Mohamed-Soilihi, ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, se tenaient les représentants de la famille royale sakalava, des parlementaires, mais aussi les responsables des grandes institutions patrimoniales françaises. Cette restitution inédite traduit également la volonté d’une coopération patrimoniale durable.
« Grâce à cette restitution, nous avons fait face à l’Histoire. C’est un nouveau départ. Pour Madagascar, c’est une fierté, et nous sommes prêts à partager notre expérience avec d’autres pays. Ce n’était pas facile, mais nous y sommes arrivés. » C’est par ces mots que la ministre de la Communication et de la Culture de la République de Madagascar, Volamiranty Donna Mara, a conclu son intervention à l’issue de la cérémonie de remise matérielle des trois crânes sakalava, dont celui présumé du roi Toera, décapité par les troupes coloniales françaises à la fin du XIXᵉ siècle. « Nous ne parlons pas de simples objets de collection », rappelle la ministre, faisant référence au fait que, jusqu’alors, les trois crânes étaient conservés dans les collections nationales françaises et affectés au Muséum national d’Histoire naturelle. « Leur absence a été pendant plus d’un siècle une blessure ouverte. Aujourd’hui, la France referme cette blessure. »
À la question : « Vous parlez de blessure cicatrisée. Le président de la République française disait vouloir créer les conditions du pardon. Tout est pardonné aujourd’hui ? », la réponse reste néanmoins mesurée : « Il y a d’autres restes humains qui sont encore ici. Nous continuons les démarches et le travail se poursuit. Beaucoup reste à faire, mais nous avons ouvert la porte pour pouvoir avancer. »
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Un retour attendu
Les trois crânes sakalava ne regagneront pas immédiatement la Grande Île. Ils seront d’abord accueillis à l’ambassade de Madagascar à Paris, où la diaspora pourra leur rendre hommage pendant plusieurs jours. « C’est vraiment un moment inoubliable et nous voulons que tous puissent y être associés », a confié la ministre de la Communication et de la Culture, Volamiranty Donna Mara. Leur départ pour Antananarivo est prévu le 31 août, une date choisie en concertation avec la communauté royale sakalava car elle correspond à l’anniversaire de la mort du roi Toera. « Depuis la capitale, plusieurs cérémonies traditionnelles accompagneront ce retour, jalonnant le chemin jusqu’à sa terre d’origine, où les ancêtres retrouveront enfin leur sépulture. » Pour Volamiranty Donna Mara, cette restitution dépasse le simple geste diplomatique.
Le constat est le même pour la ministre française Rachida Dati. « Cette politique de restitution contribue à l’apaisement des mémoires et rattache ce travail mémoriel à la culture ; elle regarde le passé avec lucidité. Elle est aussi soucieuse de bâtir ensemble un avenir partagé où nos peuples, et nos jeunesses en particulier, pourront se reconnaître et poursuivre leur dialogue, avec un soin particulier apporté aux échanges culturels. Cela suppose aussi pour la France de regarder d’une manière renouvelée l’histoire de nos collections nationales et de leur constitution. »
Pour Thani Mohamed-Soilihi, ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, cette première restitution a une portée qui dépasse le seul cadre franco-malgache. « Cette cérémonie inaugure un nouveau chapitre de nos relations. Il ne s’agit pas seulement de rendre ce qui a été pris, il s’agit de bâtir ensemble une coopération patrimoniale et de transmettre aux générations futures une histoire plus juste et plus complète. » Cette nouvelle étape devrait également permettre d’approfondir les liens culturels et scientifiques entre les pays, mais aussi de renforcer la coopération dans les domaines muséal et universitaire.
Ainsi, si plus de trois ans se sont écoulés entre cette nouvelle demande de Madagascar et la restitution effective, ce délai reflète la complexité de l’enjeu. Encadrée par la loi du 26 décembre 2023, qui déroge au principe d’inaliénabilité des collections publiques, cette première opération jette les bases d’un processus durable. « Tout cela doit se faire avec sérieux et clarté, sans l’ombre d’un doute », a souligné la ministre de la Culture, Rachida Dati.
Ouvrir la voie à d’autres restitutions
Cette première cérémonie constitue le début d’un processus plus large. En effet, si la loi relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques a été adoptée en décembre 2023 et a permis de déroger pour la première fois au principe d’inaliénabilité du patrimoine national, un projet de loi a été présenté en juillet 2025, visant la restitution des biens culturels acquis illicitement. « Ce travail législatif va entrer dans sa troisième et dernière étape », a indiqué Rachida Dati. « Ce texte, très attendu par nos partenaires internationaux, a été transmis au Sénat. Nous aurons l’occasion d’en débattre dès le mois de septembre, afin de répondre là aussi à un objectif de réparation, matérielle et symbolique, du lien qui unit les États concernés à leur patrimoine et à leur mémoire. Ce projet de loi, dont je souhaite l’adoption, viendra ainsi parachever le travail d’adaptation de notre droit patrimonial afin de pouvoir déroger au caractère inaliénable des œuvres et des biens relevant des collections nationales. » Dans ce complexe travail de restitution engagé, des pays comme l’Australie sont dans l’attente. Des territoires ultramarins sont également concernés, à l’instar de la Guyane française. « Nous avons aussi une histoire complexe que nous devons regarder en face, y compris avec nos territoires d’Outre-mer », a reconnu Rachida Dati.
À la question sur les délais de traitement des dossiers et à savoir si les prochaines restitutions pourraient aller plus vite, la ministre de la Culture a tenu à préciser : « Que cela ait pris du temps, je ne le regrette pas. Ce délai a permis de tout mettre sur la table, avec transparence et lucidité, pour arriver à un apaisement. »
La France n’est pas le seul pays engagé dans cette démarche de restitution. En Europe, d’autres États ont ouvert des discussions autour de la question des restes humains ou d’objets issus de la colonisation, marquant l’avènement d’une nouvelle ère dans les rapports qu’entretiennent les nations. « Cette cérémonie n’est pas un aboutissement, mais le début d’un chemin que nous emprunterons avec d’autres pays, dans un esprit de dialogue et de respect mutuel », a confirmé en guise de conclusion le ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, Thani Mohamed-Soilihi.