Polynésie : le futur Centre de mémoire des essais nucléaires suscite des tensions

© DR

Polynésie : le futur Centre de mémoire des essais nucléaires suscite des tensions

Un rapport préparatoire au futur Centre de mémoire des essais nucléaires en Polynésie française, que l'AFP a pu consulter mercredi, provoque des dissensions parmi les experts chargés de son élaboration.

 

Ce document, remis le 30 septembre au président indépendantiste polynésien Moetai Brotherson, doit servir de base au Centre de mémoire des essais nucléaires, dont l'ouverture est prévue au plus tôt en 2030 à Papeete.

Réclamé depuis 2005 par les élus polynésiens, le projet avait reçu le soutien de l'ancien président François Hollande en 2016, puis d'Emmanuel Macron, qui avait ordonné l'ouverture des archives liées aux 193 essais nucléaires réalisés entre 1966 et 1996 sur les atolls de Moruroa et Fangataufa.

Mais le rapport, confié en août 2024 à un groupe de 28 personnalités issues du monde académique et de la société civile, peine à faire consensus. Selon les informations de l'AFP, deux chercheurs ont rapidement démissionné et d'autres contributeurs se sont mis en retrait.

Plusieurs membres de la société civile ont déclaré à l'AFP s'être sentis "laissés de côté, pas écoutés" par les universitaires. La plupart ont requis l'anonymat en raison d'une clause de confidentialité. "Je ne veux pas faire honte à mes enfants en participant à un projet qui va dédouaner l'État de ses responsabilités", a confié l'un des contributeurs. À l'inverse, un autre a dit craindre que le projet "aille trop loin dans la repentance à des fins politiques".

Après plusieurs mois de travail et le retrait successif de nombreux contributeurs, la déléguée au suivi des conséquences des essais nucléaires (DSCEN), Yolande Vernaudon, a rédigé presque seule une grande partie du rapport.

Le document propose la création d'un centre d'interprétation, lieu de mémoire vivant destiné à offrir "des outils permettant à chacun de trouver ses propres réponses aux questions laissées en suspens par les héritages" des essais nucléaires, notamment sur leurs conséquences sanitaires, environnementales et sociales.

Ce sont surtout deux annexes – le "dossier mémoires" et le "dossier scientifique" – qui cristallisent les critiques. Plusieurs universitaires (historiens, géographes, sociologues) estiment que leurs contributions ont été insuffisamment prises en compte. 

"C'est de l'IA ou une copie d'énarque, ce qui est un peu la même chose", a ironisé auprès de l'AFP un chercheur. La DSCEN reconnaît qu'"un consensus n'a pas été trouvé" et que "la consolidation du dossier scientifique doit impérativement se poursuivre". 

Contacté par l'AFP, le président Moetai Brotherson, qui validera le projet, n'a pas souhaité s'exprimer.

Le futur centre d'archives, d'information et de documentation sur les essais nucléaires sera installé face au haut-commissariat de la République en Polynésie française à Papeete, sur un ancien terrain militaire de 3.200 m2 cédé gratuitement par l'État en mai 2020.

Avec AFP