Le Sénat a approuvé mercredi, dans l'urgence, le report au printemps 2026 des élections provinciales prévues en Nouvelle-Calédonie en novembre, première étape nécessaire à la mise en place du fragile accord de Bougival sur l'avenir institutionnel de l'archipel.
La chambre haute a très largement adopté - 299 voix contre 42 - cette proposition de loi transpartisane, soutenue par le gouvernement. Le texte est désormais transmis à l'Assemblée nationale qui l'examinera elle aussi au pas de course, dès le mercredi 22 octobre. Il s'agit d'un premier pas dans la difficile réforme institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, archipel meurtri par de graves violences au printemps 2024.
L'accord signé à Bougival le 12 juillet 2025 entre l'État et les délégations indépendantistes et non-indépendantistes calédoniennes prévoit notamment la création d'un « État de la Nouvelle-Calédonie » inscrit dans la Constitution française ou encore la reconnaissance d'une nationalité calédonienne. Sa mise en œuvre passera par l'adoption prochaine d'un projet de loi constitutionnelle, déposé mardi en Conseil des ministres.
Mais en attendant, une urgence s'impose : celle de reporter les élections provinciales. Déterminantes pour la composition du Congrès et du gouvernement locaux, elles sont actuellement prévues d'ici au 30 novembre. Or l'accord de Bougival prévoit d'élargir le corps électoral spécifique à ces élections locales.
Actuellement, seuls certains habitants peuvent voter, notamment ceux établis sur le territoire avant 1998 et leurs descendants, ce qui ulcère le camp loyaliste. Mettre en place ce « dégel » du corps électoral est incompatible avec la tenue d'élections provinciales fin novembre, d'où la nécessité d'un report fixé par le Sénat au 28 juin 2026 « au plus tard ».
« Reporter les élections, ce n'est pas différer la démocratie, c'est lui redonner des fondations solides, c'est choisir la lucidité plutôt que la précipitation », a insisté la nouvelle ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, qui faisait ses premiers pas devant le Sénat mercredi soir.
Les opposants au texte estiment au contraire que le gouvernement veut passer en force pour faire appliquer l'accord de Bougival, alors que ce dernier a été rejeté depuis sa signature par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), principale coalition indépendantiste.
« Ce report est basé sur un accord qui n'existe pas ! » a regretté l'écologiste Mélanie Vogel. « Il est dangereux » que l'archipel « devienne l'otage de calculs politiques ou de décisions hâtives dictées par le calendrier parisien », a pesté le sénateur indépendantiste calédonien Robert Xowie -membre de l’Union calédonienne, parti cofondateur du FLNKS.
Les groupes communiste et écologiste se sont opposés au texte, ainsi qu'une poignée d'élus ultramarins et Rassemblement national.
Avec AFP