Interpellé ce mercredi par le sénateur LR de Nouvelle-Calédonie Georges Naturel, Manuel Valls a dit espérer « un rapprochement des points de vue » et, pour l’heure, refuse de s’avancer sur une date exacte pour l’organisation des prochaines élections provinciales, et encore moins sur la question du corps électoral.
Parti de Nouvelle-Calédonie sans accord politique conclu avec les partenaires calédoniens, mais en ayant mis sur la table un projet institutionnel pour l’avenir de l’archipel, le ministre des Outre-mer était attendu, ce mercredi, en séance des questions au gouvernement, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat.
Le sénateur calédonien Georges Naturel a notamment interrogé le ministre à la fois sur la date des élections provinciales et l’épineuse question du corps électoral provincial : « le gouvernement envisage-il de déposer préalablement à ce scrutin un projet de loi organique permettant d’ouvrir partiellement le corps électoral provincial, notamment à tous les natifs de Nouvelle-Calédonie et aux petits-enfants des citoyens calédoniens afin de rendre plus démocratiques les prochaines élections provinciales ? ».
Gelé depuis 2007 par une loi organique, l’ouverture partielle du corps électoral avait fait l’objet en 2024 d’une réforme constitutionnelle, contre la volonté des groupes indépendantistes, adoptée au Parlement au mois de mai dernier, jour pour jour. Une adoption qui avait alors embrasé la Nouvelle-Calédonie, la plongeant dans une crise politique, économique et sociale comme elle n’en avait jamais connu depuis 40 ans.
Malgré l’échec d’un accord la semaine dernière à l’issue du « conclave » de Deva en Nouvelle-Calédonie, « les points de convergence entre les partenaires politiques pour l’avenir méritent d’être étudiés et peuvent tracer un chemin commun » estime Manuel Valls. Toutefois, un « nouveau report » des provinciales -scrutin qui renouvelle les assemblées des trois provinces, le Congrès et le gouvernement calédonien- est « difficile politiquement et juridiquement » concède le ministre. Ces élections doivent, même sans accord, avoir lieu au plus tard le 30 novembre prochain.
« Mais j’ai bon espoir que les discussions se poursuivent. (…) Il faut un accord, l’accord est indispensable, incontournable si l’on veut la stabilité et la paix (…). Ainsi, je ne veux pas m’avancer tout de suite, ni sur une date d’organisation des élections, ni sur la question du corps électoral. Je considère que nous avons encore un peu de temps pour permettre le rapprochement des points de vue » a-t-il déclaré.
Une recommandation tout de même aux partis politiques calédoniens susceptibles de présenter ou défendre une proposition de loi organique visant à dégeler le corps électoral : « Comme on ne peut pas faire un référendum sans les Kanak, on ne peut pas faire une réforme du corps électoral contre les Kanak ».
Un peu plus tôt, le ministre des Outre-mer avait été invité par le sénateur socialiste Rachid Temmal à s’expliquer sur le projet institutionnel qu’il a présenté aux partenaires politiques calédoniens. Projet que l’intergroupe Les Loyalistes-Le Rassemblement qualifie « d’indépendance-association » en contradiction avec les résultats des trois référendums d’autodétermination.
« J’ai proposé une voie, sans prononcer de formule particulière, qui concilie l’aspiration d’un maintien d’un lien fort avec la France et l’achèvement du processus de décolonisation » a expliqué Manuel Valls, qui répète que « ce dialogue va se poursuivre ». « La rupture de confiance » en Nouvelle-Calédonie « trouve son origine dans une histoire ancienne qu’il nous faut regarder en face », a ajouté le ministre. « Tant que nous n’aurons pas réglé la fin du processus de décolonisation et l’exercice du droit à l’autodétermination, nous n’aurons pas les conditions du dialogue et de la paix civile ».
Plus tôt encore, à l’Assemblée nationale, et dans un registre plus véhément, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (Liot) a dénoncé un « largage » de la Nouvelle-Calédonie, dans un parallèle « hasardeux » selon le ministre, avec Mayotte, la Polynésie « et les autres Outre-mer ». « Les Calédoniens ont exprimé clairement, par trois référendums successifs, leur attachement indéfectible à la République », a-t-elle rappelé.
Mais pour Manuel Valls, si « les trois référendums ont refusé l’indépendance », « cela ne signifie pas la fin du processus de décolonisation et d’autodétermination, incontournable si on veut la stabilité et la paix ». « Les accords de Matignon et de Nouméa cherchent à concilier la recherche d’un lien fort avec la France et l’aspiration à la souveraineté. C’est mon choix, c’est notre choix : un partenariat solide et durable avec la France » a assumé le ministre.
« Le dossier calédonien est traité avec un amateurisme mettant en danger l’unité de la Nation » a renchéri le député UDR Olivier Fayssat quelques minutes après Estelle Youssouffa. « N'instrumentalisons pas la Nouvelle-Calédonie à des fins de politique intérieure » a rétorqué Manuel Valls, dénonçant les « bruits politiques et médiatiques » qu’a suscité le dossier calédonien à l’échelle nationale.