Le directeur général de l’Institut d’Émission d’Outre-mer était en Nouvelle-Calédonie pour son Conseil de surveillance. L’occasion pour Ivan Odonnat de prendre le pouls économique de l’archipel qui se relève lentement de la crise de mai-2024, mais qui reste encore dans l’attente d’un horizon institutionnel stable.
Les conseils de surveillance de l’IEOM ont lieu deux fois par an. Mais tous les deux ans, ceux-ci sont déployés dans l’un des trois territoires d’action de l’Institut : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française ou Wallis-et-Futuna.
Cette année, c’est donc à Nouméa que s’est tenu ce conseil de surveillance, en présence notamment d’Agnès Bénassy-Quéré, seconde sous-gouverneur à la Banque de France. « C'était l'occasion d'aller à la rencontre des acteurs économiques et des autorités du territoire » indique Ivan Odonnat qui cite « les jeunes entreprises », les banques, le Haut-commissariat, le Congrès et le gouvernement.
Lors de son conseil de surveillance, l’IEOM a d’abord validé le « projet de rénovation de grande ampleur » de son agence nouméenne, « qui a démarré et qui va s'achever en 2028 ». L’autre grande décision concerne la politique monétaire de l’Institut dans ces trois territoires et notamment le « dispositif de refinancement des banques ».
« On a ce qu'on appelle des lignes de refinancement, c'est-à-dire des prêts qu'on accorde aux banques contre des garanties à différents horizons : 6 mois, 18 mois, 24 mois, 36 mois pour les lignes existantes » explique Ivan Odonnat. « On a confirmé, pour l'ensemble de l'année 2026, la poursuite des opérations bimestrielles à 6 mois ».
Pour le directeur général de l’IEOM, la poursuite de ce programme de refinancement permet aux banques de bénéficier d'un refinancement régulier. « Les montants ne sont pas fixés ou connus à l'avance, pour les adapter en fonction des besoins des établissements ». Ce dispositif répond plus particulièrement à la situation calédonienne, « où on constate une relative faiblesse de la production de crédit ».
Des lignes budgétaires plus courtes pour « regagner de la flexibilité »
« Eu égard au contexte, on voit que les banques n'ont pas besoin d'autant de liquidités que ça a pu être le cas avant mai 2024 » poursuit Ivan Odonnat. « On demande aux banques de nous indiquer leur maximum de financement dont elles ont besoin. Cette modalité-là permet de caler au mieux la liquidité qui leur est prêtée ».
« Il y a un deuxième type de décision qu'on a prise, et qui concerne les lignes budgétaires de maturité plus longues » indique encore Ivan Odonnat. « Sur le premier semestre, deux lignes budgétaires à 36 mois viennent à échéance. On va les remplacer par des lignes un peu plus courtes, pour regagner de la flexibilité et adapter notre fourniture de liquidités à la dynamique de l'économie ».
« Un des enjeux, c'est la question de la reprise économique en Nouvelle-Calédonie et du timing de celle-ci ». Si à date, l’économie calédonienne est encore au ralentit, Ivan Odonnat observe un optimisme pour l’horizon 2027, « et à ce moment-là, si c'est le cas, on verra la demande de crédit augmenter à nouveau ». « L'idée, c'est qu'on veut être prêt à ce moment-là, et le fait de raccourcir, de ne pas s'engager sur des durées trop longues, permet d'ajuster le montant de la liquidité fournie pour bien répondre aux besoins du territoire ».
« Les banques ont reçu un calendrier qui précise exactement les différents appels d'offres, les maturités qui seront offertes, les dates auxquelles ça se fera » assure encore le dirigeant de l’IEOM. « Ce qu'elles ne connaissent pas encore, ce sont les montants. On les annonce un peu plus tard, lorsque techniquement l'appel d'offres est lancé. C'est aussi une façon de bien ajuster les montants en fonction de ce qu'on observe dans la conjoncture économique et des besoins de l'économie ».
Des entreprises qui « recommencent à investir » malgré une incertitude institutionnelle
Sur la conjoncture économique d’ailleurs, après la chute de l’indicateur du climat des affaires (ICA) lors de la crise de mai 2024, l’IEOM constate qu’il « se redresse lentement ». D’après les dernières enquêtes à disposition de l’Institut, l’ICA traduit toujours « un sentiment négatif », une « activité encore basse » qui « n'a pas retrouvé son niveau d'avant mai 2024 ».
« Mais l'économie n'est pas en chute libre » tempère Ivan Odonnat qui constate sur place « un certain nombre d'entreprises recommencent à investir, ont des projets à deux voire trois ans sur le territoire, et sont dans une dynamique plutôt de confiance et d'investissement ». L’autre constat optimiste, c’est la création de 600 emplois sur le premier trimestre 2025. « Clairement, on n'arrive pas à rattraper les 12 000 emplois qui ont été perdus, mais c'est un signe léger, faible, qui montre qu'il y a une résilience ».

Les « mécanismes de soutien qui demeurent » permettent aussi de limiter les défaillances d’entreprises, « et donc vous avez des petits signes de reprise de cette nature ». « On n'en est pas encore sur une économie qui reprend. Vous avez des secteurs qui sont toujours très touchés (…) mais la situation se stabilise progressivement ».
« La question ensuite, c'est comment est-ce qu'on relance ? », interroge Ivan Odonnat. « C'est la question que vous entendez beaucoup dans la bouche des chefs d'entreprises ou des banquiers, c'est l'attente, la perspective de relance ou de reprise (…). Cette incertitude pèse sur leur confiance et donc leur volonté d’investir ».
Ivan Odonnat souligne l’importance de « la stabilité politique et institutionnelle » dans cette reprise. « On a l'impression que les deux horizons ont du mal à s'ajuster, il y a toujours une grande incertitude au plan institutionnel », constate-t-il, évoquant un « décalage entre les besoins de l'économie qui sont assez immédiats et l'horizon institutionnel qui paraît encore incertain, voire un peu plus lointain ».
« Il y a des gens qui y croient, il y a des chefs d'entreprises qui prennent le risque, il y en a qui se redéploient » poursuit Ivan Odonnat qui cite l’ancien Biscochoc, dont l’usine a été détruite durant mai-2024 mais qui, devenu « Les Cacaos du Pacifique », a décidé de s’exporter dans la région. « Ça montre qu'il y a encore des choses possibles et que ce territoire a beaucoup d'atouts ».
« Il y a eu un choc très brutal qui a créé de l’incertitude avec des pertes d'emplois, des pertes financières, des pertes de marché. Mais face à ce choc, une réaction assez forte de la part des autorités, de l'État et des collectivités locales pour aider les banques qui ont joué un grand rôle dans la résilience du territoire, en accordant aux entreprises et aux ménages un certain nombre de dispositifs pour reporter des échanges bancaires » souligne Ivan Odonnat.
À Wallis et Futuna pour « s’assurer que les banques commerciales disposent des moyens pour répondre à la demande de crédits »
Ivan Odonnat n’est pas uniquement resté en Nouvelle-Calédonie lors de ce séjour dans le Pacifique puisque le dirigeant de l’IEOM a pu se rendre jusqu’à Futuna, afin de voir sur place des projets d’infrastructures et « faire le point avec la délégation préfectorale sur le programme d'investissement qui concerne cette partie de l'archipel ».
On parle notamment d'un nouveau quai pour l'accueil des bateaux qui approvisionnent l'île, un projet d'allongement de la piste avec la nécessité de reloger des habitants qui sont à proximité de l'aéroport et un projet de reconstruction d'une partie du réseau routier. L’IEOM, qui « n'intervient pas directement dans ces projets », veut « s’assurer que les banques commerciales disposent des moyens pour répondre à la demande de crédits », et donc de contribuer à financer ces projets.























