"Le miel est le produit le plus fraudé au monde" affirme Mouhamadi Ambdillah, apiculteur et formateur à la Chambre d’agriculture de Mayotte. D’où l’importance d’en produire de qualité. Si des études ont longtemps affirmé que l’île hippocampe n’était pas une île propice à l’apiculture, le développement du miel mahorais et sa qualité, notamment au niveau du goût, les ont vite détrompées. Détails avec notre partenaire Mayotte Hebdo.
L’apiculture mahoraise se développe à partir d’essaims sauvages seulement depuis 2015. La priorité pour Mouhamadi Ambdillah, fondateur de l’exploitation Le Secret du Miel ? Ne pas aller trop vite et privilégier la qualité et la quantité, la qualité représentant un atout non négligeable du miel mahorais. " On préfère laisser l’abeille faire seule, elles sont souvent plus aguerries que nous. " D’autre part, beaucoup d'essaims sauvages élisent domicile chez des mahorais. Plutôt que de créer des colonies artificiellement, l’apiculteur préfère aller chercher les abeilles directement chez les gens pour multiplier les colonies.
À l’entrée de l’exploitation Le Secret du Miel, un panneau " Attention, abeilles ! " avertit de potentiels visiteurs inopportuns. " Beaucoup de gens ont peur des abeilles. Ils se méfient donc ils laissent les ruches tranquilles… En réalité, si on ne s’agite pas, elles ne piquent pas. " À l’instar des hommes, quelques prédateurs peuvent tuer des abeilles comme les lézards et certaines espèces d’oiseaux, mais ils ne représentent pas une menace notable pour le moment. D’autres dangers guettent pourtant les abeilles mahoraises.
" On a perdu 60% des ruches après Chido, pas à cause du cyclone en lui-même mais du manque de nourriture. " En réponse à cette perte, la dure loi de la nature reste la même. Mouhamadi Ambdillah favorise la sélection naturelle. " Les plus fortes tiennent, les autres non. " Chaque apiculteur qui avait au moins une ruche déclarée a pu recevoir 5000 euros d’aide.
Au sein de la ruche, un système complexe et organisé où la hiérarchie tient une place importante. La reine, élue parmi les larves de moins de trois jours, sera nourrie à la gelée royale fabriquée par les ouvrières. Les autres larves, devenues ouvrières, se contenteront du pollen. Lors de leurs trois dernières semaines de vie, elles quitteront la ruche pour devenir butineuses. Chaque butineuse peut produire environ 2 cuillères à soupe de miel.
L’apiculture mahoraise : une technique en développement
À Mayotte, les anciens s’étonnent de cette génération d’apiculteurs. " Avant, les abeilles étaient très sauvages. Ils n’ont pas l’habitude de les voir domestiquées. " Dans ce territoire où l’apiculture est née il y a seulement 10 ans, les expérimentations se poursuivent. Mouhamadi Ambdillah développe trois sortes de ruches : la 1ère est agrémentée d’un étage, pour bloquer la reine en bas et ainsi séparer plus facilement le bon miel du mauvais ; la 2nde est en forme horizontale, conformément aux zones qu’ont l’habitude de fréquenter les abeilles à Mayotte ; alors que la 3ème adopte la forme triangulaire courante au Kenya. " Ça fait moins de poids donc la barrette du bas, celle qui contient le miel, a moins tendance à tomber. "
Les ruches se conservent à 34,5 degrés. Il faudra quelques minutes aux abeilles mahoraises pour récupérer cette température quand une ruche est manipulée. En métropole, une manipulation peut leur demander 48 heures d’efforts. Une fois récolté, Mouhamadi Ambdillah utilise un système à pressoir spécifique à l’île. " On découpe les gaufres. La machine presse tout ça et en retire du miel qui sera récolté dans un seau. Les déchets sont ensuite transformés en cire. C’est très apprécié par les femmes pour la cosmétique, les massages ou l’huile pour les cheveux. "
Le miel mahorais traditionnel a un goût particulièrement savoureux, le miel sauvage est légèrement plus sucré alors que le miel récolté dans les mangroves, le plus rare, rappelle celui du caramel. " Le miel de baobab, de jujubier, et de mangrove sont les plus intéressants. " À Mayotte, l’espèce dominante reste l’abeille noire de Ouessant qui a eu du mal à travailler cette année, faute d’une quantité suffisante de nectar.
L’exploitation Le Secret du Miel reçoit beaucoup d’écoles et d’associations. Le développement de l’apiculture recèle des bénéfices majeurs dont le premier est écologique. Avec la pollinisation des plantes, l’abeille favorise l’équilibre des écosystèmes, la préservation des sols et de l'eau, et la qualité des produits issus de l’agriculture. Les abeilles sont aussi réputées pour être des sentinelles de la biodiversité, leur déclin indique une dégradation globale de l’environnement. Au-delà des questions écologiques, l’apiculture encourage le développement économique d’un territoire avec la production de miel et de produits dérivés.
Le développement de l’apiculture mahoraise pourrait ne pas se limiter au miel ou à la cire. La propolis, utilisée par les abeilles pour aseptiser les ruches, s’avère très utile dans le domaine médical comme anti-inflammatoire. Mouhamadi Ambdillah ne l’extraie pas encore car ses vertus restent peu connues à Mayotte alors même que des chercheurs ont confirmé qu’il était plus pur ici. " Pour vendre un produit, il faut d’abord un marché, une demande. Sur l’île, on utilise surtout la propolis dans les tisanes pour apaiser les maux de gorge. "
Par Mayotte Hebdo