À Mayotte, après la destruction des bidonvilles, les familles s'éparpillent

Destruction du bidonville "Talus 2" en mai dernier ©Mayotte Hebdo

À Mayotte, après la destruction des bidonvilles, les familles s'éparpillent

La résorption de l'habitat insalubre, un des objectifs de l'opération Wuambushu menée par le gouvernement à Mayotte, bute sur le manque structurel de logements dans l'île, faisant de l'hébergement des habitants des bidonvilles détruits un casse-tête.

Le 26 mai, les 162 cases en tôle du quartier Talus 2, à Koungou, au nord de Mamoudzou, étaient détruites. Parmi les habitants, 70 familles, en situation régulière, avaient droit à une proposition de relogement de la part de l'État. Selon Psylvia Dewas, chargée de la résorption de l'habitat insalubre à la préfecture, « 40 de ces familles ont accepté une proposition » de relogement, au moment de la destruction du quartier informel. Les autres se sont débrouillées.

Parmi les personnes relogées par la préfecture, Anfara, qui ne souhaite pas donner son vrai prénom, et son fils de 13 ans ont trouvé refuge au centre d'hébergement d'urgence et d'insertion Coalia, à Tsoundzou 2. « J'habitais à Talus 2 depuis 2004. J'y ai élevé mes quatre enfants. Ici, ça change un peu », confie la mère de famille de 45 ans, qui partage son logement de deux pièces avec une autre femme. 

Dans le centre d'hébergement de 224 places, 163 personnes sont hébergées pour six mois, « renouvelables au cas par cas », précise Anlaïna Chibaco, responsable de l'association Coalia. Sur l'île, d'autres hébergements provisoires, gérés par l'État, permettent de loger les familles issues des bidonvilles. « Nous avons des structures d'hébergement d'urgence, d'insertion et des dispositifs d'intermédiation locative, gérées par des associations », énumère Psylvia Dewas.

Cependant pour beaucoup d'autres anciens habitants de Talus 2, c'est la débrouille. Fatima Youssouf, 56 ans, s'est installée dans son restaurant avec son mari et ses trois enfants. Daoud Abdouroihamane a trouvé un « local » à proximité de son ancien quartier. Quant à Zenabou Souffou, elle a pris une location à 600 euros par mois, financée par quatre de ses enfants travaillant dans l’Hexagone, car « le logement proposé était trop petit ». Mais la plupart des autres familles sont introuvables.

« Il y a une pression énorme sur ce parc immobilier. L'offre n'arrive pas du tout à suivre la demande », constate un architecte spécialisé dans la résorption d'habitat insalubre, souhaitant rester anonyme. Selon le schéma d'aménagement régional de Mayotte, pour résoudre le problème de l'habitat insalubre, « près de 25 000 logements sont nécessaires », dit-il. Or, en 2021, la société immobilière de Mayotte (SIM), principal opérateur et aménageur immobilier de l'île, disposait d'un parc de 2 433 logements.

Libérer du foncier

A la préfecture, Psylvia Dewas relève que « les opérations de destruction servent également à libérer du foncier pour construire des logements sociaux ». Un projet expérimental est sorti de terre, sur le terrain d'un ancien quartier informel, à Koungou : 30 HLM conçus à bas coût pour proposer des loyers de 50 à 100 euros par mois, dont une partie accueillent désormais des familles expulsées de Talus 2.

« Mais pour que ces projets permettent de reloger au fur et à mesure les familles expulsées, il faut qu'ils puissent être livrés rapidement. A Koungou, le chantier a pris beaucoup de retard et a duré deux ans et demi », indique l'architecte spécialisé dans la résorption de l'habitat insalubre. Et pour ceux qui n'obtiennent pas de place dans ces hébergements, les difficultés s'enchaînent. 

Andjibou, qui ne souhaite pas donner son vrai nom, est arrivée de Grande Comores en 2014. Expulsée de son logement en 2016, elle a ensuite reconstruit une case dans le quartier informel Doujani, avec son mari mahorais et ses trois enfants de nationalité française. En janvier, son logement a de nouveau été détruit. Depuis, elle est hébergée au centre Coalia, mais l'échéance approche et elle va bientôt devoir partir. « Mon mari est décédé, je n'ai plus aucune ressource (...), je ne sais pas où aller », désespère-t-elle. Pour l'association qui gère le centre d'hébergement, l'objectif est d'insérer les familles, de les accompagner dans leurs démarches administratives et leur recherche de logement.

Les barrières sont nombreuses. « Les mères doivent s'occuper des enfants et ne peuvent pas toujours travailler, les pères sont parfois absents car ils ont d'autres femmes. Puis les loyers ne cessent d'augmenter », énumère Anlaïna Chibaco. Dans ce cas, les familles sont orientées vers le 115.