Présidée par Pierre Barros (Groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste – Kanaky, Val d’Oise) avec pour rapporteur Christine Lavarde (Les Républicains, Hauts-de-Seine), la Commission d'enquête du Sénat sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État a publié son rapport le 3 juillet. Dans son volet relatif aux Outre-mer, il reconnaît les particularités de ces territoires nécessitant des politiques publiques et administratives différenciées, sans justifier cependant l’instauration de structures spécifiques.
Dans son constat d’ensemble, la commission d’enquête observe que les agences étatiques se sont développées de manière dispersée et sans vision stratégique globale. Elle recommande donc un renforcement du pilotage par l’administration centrale afin que l’État s’exprime d’une voix unifiée, avec un nouveau modèle simplifié de relations entre les citoyens, les collectivités, les entreprises et l’État, en réduisant le recours systématique à la multitude d’organismes existants. Le rapport suggère des réorganisations, telles que des fusions ou des réintégrations au sein de l’appareil d’État, tout en soulignant que ces changements structurels ne généreront que des économies limitées tant que les politiques publiques resteront inchangées.
En ce qui concerne les Outre-mer, la commission concède que « les spécificités ultramarines nécessitent une mise en œuvre différenciée des politiques publiques comme de l’organisation administrative, constat général qui devrait s’appliquer également à l’action des agences ». Elle reconnaît ainsi l’utilité de l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (LADOM), structure créée en 2016 pour mettre en œuvre des actions relatives à la continuité territoriale, l’insertion professionnelle des Ultramarins et la gestion de certaines aides pour le compte des collectivités territoriales. « Il s’agit en effet de questions spécifiques aux Outre-mer, qui ne se posent pas dans les mêmes termes pour les autres territoires », souligne le rapport. Mais ce dernier ajoute que « ce constat ne justifie pas pour autant la création de structures spécifiques à ces territoires ».
Dans le viseur de la commission, l’Office de développement de l’économie agricole d’Outre-mer (Odeadom, pour le versement des aides agricoles). Pour la commission, l’Odeadom ne se différencie guère de FranceAgriMer, établissement public placé sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, dont l’Odeadom « utilise les locaux et les fonctions support », écrit-elle. Reprenant une affirmation de la Cour des comptes, le rapport déplore « l’absence de taille critique de l’établissement et la faiblesse de sa gouvernance », « d’autant que l’Odeadom n’assure pas l’instruction et le paiement de l’ensemble des aides à l’agriculture ultramarine, une partie étant confiée à FranceAgriMer et à l’Agence de service et de paiement (ASP) ».
La commission se félicite par contre que des agences de l’État couvrent les Outre-mer tout comme l’ensemble de l’Hexagone. Elle cite en exemple l’Agence de services et de paiement, présente dans les cinq départements et régions d’Outre-mer (DROM), l’Office français de la biodiversité (OFB), avec cinq délégations territoriales chapeautant l’ensemble des Outre-mer et six services départementaux ultramarins, et le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), qui a créé en juillet 2021 une direction déléguée consacrée à l’Outre-mer et s’est implanté à La Réunion, à Mayotte et en Guyane.
Le rapport a cependant relevé des difficultés spécifiques liées à la prise en compte des réalités locales par des agences trop éloignées du terrain ou peu concertées avec les élus. L’accès à leurs services reste souvent plus complexe dans les territoires isolés, notamment aux Antilles, dans l’océan Indien et le Pacifique, où l’offre est aussi moins bien connue en raison de la dispersion géographique. « En matière d’offre de santé, par exemple, on ne peut pas calquer sans modification les modes d’action hexagonaux dans des territoires îliens, et plus encore archipélagiques », note le document.
Par ailleurs, la disparition de l’ingénierie publique autrefois assurée par les services de l’État — un point fréquemment souligné par la commission d’enquête — a été particulièrement marquante dans les Outre-mer. Elle contribue à expliquer une période prolongée de sous-investissement dans les réseaux, comme l’a récemment rappelé la Cour des comptes dans son étude sur la gestion de l’eau potable et de l’assainissement dans ces territoires. Aussi, le rapport préconise « une meilleure prise en compte des spécificités de l’action en Outre-mer par les agences et propose, pour s’en assurer, que cette prise en compte soit prévue systématiquement dans leurs contrats d’objectifs, et précisée dans les lettres de mission adressées à leurs directeurs généraux ».
PM