Elle n’a que 26 ans, mais elle voit grand ! Ylang Totele est cheffe d’entreprise, restauratrice, communicante, spécialiste du marketing et bien plus encore. Infatigable entrepreneure, la Wallisienne rêve de franchiser son restaurant japonais installé à La Samaritaine, d’exporter son agence de communication à l’échelle internationale et, à terme, de faire résonner le nom de Wallis-et-Futuna sur la carte du monde.
Quand on l’écoute retracer son chemin, on comprend vite que l’entrepreneuriat n’a rien d’un hasard pour Ylang Totele. Après le baccalauréat, elle étudie les langues étrangères appliquées à la Sorbonne Nouvelle. Curieuse et passionnée, elle en pratique neuf. De quoi la destiner à une carrière académique… mais l’idée ne l’a jamais effleurée. Ce qu’elle voulait, c’était être indépendante, et vite. Elle enchaîne alors les petits boulots et choisit l’alternance pour financer ses études. Cette expérience dans le monde de l’entreprise lui laissera pourtant un goût amer : « Le patron me jetait des affaires au visage. Il disait encore moi je veux ci, moi je veux ça, je suis le manager. Ce jour-là, je me suis dit : c’est terminé, plus jamais je ne travaillerai pour quelqu’un. Le respect doit exister à tous les niveaux, même à la plus petite échelle. »
Des coques de téléphone aux prémices de l’indépendance
Avant cela, Ylang Totele avait déjà commencé son aventure entrepreneuriale. Tout est parti de coques de téléphone, alors qu’elle est encore en BTS. « Je savais que mes besoins augmentaient, que je ne pouvais pas toujours frapper à la porte de papa et maman. Alors je me suis dit : trouve une idée, trouve ton argent toi-même. » Sa curiosité l’amène à observer les tendances du moment : la montée en puissance des animés japonais et l’explosion du e-commerce. Elle contacte alors directement des fournisseurs en Chine, négocie des prix serrés et soigne les packagings. « Même la façon dont le ticket devait être posé dans le colis, je l’avais pensée. Je voulais que, lorsqu’un client recevait sa commande, ce soit esthétique et soigné. »
Le pari est gagnant : près de 8 000 coques vendues en quelques mois « J’ai compris qu’il y avait un marché énorme : les fans d’animés n’étaient plus vus comme des geeks, mais comme une communauté tendance. Ça a marché très fort. » Au-delà des chiffres, cette première aventure lui apporte une véritable école de l’indépendance. « C’est là que j’ai appris à négocier, à gérer la logistique, à analyser la demande. J’étais seule, mais je pensais déjà comme une entrepreneure : anticiper, comprendre le client, aller chercher les opportunités. »
Pourtant, après plusieurs mois, Ylang choisit de tourner la page. « Ce business fonctionnait bien, mais il fallait sans cesse se renouveler, suivre les modes, courir derrière les tendances. Moi, j’avais envie de quelque chose de plus concret, de plus physique. » C’est à ce moment-là qu’elle s’oriente vers l’alternance. De la vente en ligne aux open spaces, des boutiques aux grandes entreprises, elle enchaîne les expériences, observe, apprend. « J’ai tiré du positif comme du négatif. Et je me suis toujours dit : le jour où j’aurai mes propres équipes, je ne reproduirai jamais ces erreurs-là. »
Une rencontre va changer la donne. Alors responsable de boutique, elle découvre qu’en face, un jeune restaurateur tient un établissement. Elle y déjeune régulièrement, l’amitié se crée. « Il est devenu mon associé », sourit-elle. Ensemble, ils montent un projet solide et décrochent une implantation prestigieuse : La Samaritaine, au cœur de Paris.
Objectifs : Paris, Dubaï… et demain le Pacifique
Ouvert en 2023 à La Samaritaine, le café-restaurant Hayaku propose une carte variée et s’impose comme une adresse de street food japonaise à connaître. « On voulait une carte hybride, japonaise mais aussi française, pour respecter l’esprit de La Samaritaine. » De quoi nourrir les ambitions de la jeune cheffe d’entreprise, qui voit déjà plus loin. « Un deuxième établissement est en préparation, et la franchise est un objectif à long terme. Je veux construire vite et bien. D’ici mes 30 ans, j’espère pouvoir lever le pied… au volant d’une Corvette C7 », glisse-t-elle avec malice.
En parallèle, la Wallisienne développe une autre corde à son arc : la communication. Avec une amie photographe, elle fonde Tsarine Agency, une agence marketing spécialisée dans l’accompagnement des restaurateurs. « Qui de mieux qu’une restauratrice pour accompagner un restaurateur ? », réplique-t-elle. Moins de deux ans après sa création, l’agence revendique déjà plus d’une cinquantaine de clients. L’expertise des réseaux sociaux, le storytelling culinaire, la création de contenus adaptés : tout est pensé pour donner de la visibilité à des commerces souvent fragiles. « Beaucoup d’agences facturent 3000 € pour des prestations hors sol. Nous, on s’adapte au budget réel, parce que je connais les marges et les contraintes du terrain », insiste-t-elle.
Entre deux missions, Ylang Totele ne cache pas son envie de mettre en avant des produits des Outre-mer. « J’ai pensé au café de Nouvelle-Calédonie mais, pour l’instant, la production locale ne permet pas d’exporter à grande échelle. Mais le jour où ce sera possible, je veux être de celles qui feront connaître ces richesses. » Elle espère néanmoins contribuer à faire mieux connaître ces territoires. « Je ne me dis pas ambassadrice, mais je veux que Wallis, Futuna, la Calédonie résonnent davantage. On ne peut pas se limiter à dire que les jeunes n’ont pour horizon que l’armée ou l’enseignement. Un autre avenir est possible. »
Cet avenir, l’entrepreneure est bien partie pour le construire à son image. Parmi les événements à venir : l’ouverture prochaine d’un deuxième Hayaku à Paris, mais aussi une possible implantation de Tsarine Agency à Dubaï. « Je construis aujourd’hui de solides bases. Tôt ou tard, mes racines rattraperont mes business. Et ce jour-là, je saurai comment mettre en avant Wallis et Futuna sur la carte du monde. »
Abby Said Adinani