Le Parlement a définitivement approuvé mercredi le report à 2026 des élections provinciales prévues en novembre en Nouvelle-Calédonie, une première étape avant la relance des débats sur une réforme institutionnelle d'ampleur, très sensible dans un archipel meurtri par de graves violences au printemps 2024.
La proposition de loi organique, adoptée de justesse mardi à l'Assemblée et plus largement mercredi au Sénat, reporte les élections provinciales, cruciales localement car elles déterminent la composition du Congrès de Nouvelle-Calédonie.
Ce vote arrive in extremis: seule une promulgation du texte dans les tout prochains jours permettra de reporter au 28 juin 2026 "au plus tard" ce scrutin provincial qui devait initialement se tenir en novembre.
La ministre des Outre-mer Naïma Moutchou a salué ce vote. "C'est une étape pour donner du temps, du sens et une direction claire au dialogue qui est engagé en Nouvelle-Calédonie", a-t-elle indiqué.
Car derrière ces questions d'agenda se joue surtout le sort du fragile accord de Bougival sur l'avenir institutionnel de l'archipel, signé en juillet. Il prévoit notamment la création d'un "État de la Nouvelle-Calédonie" inscrit dans la Constitution, et intègre aussi la question ultrasensible du "dégel" du corps électoral de ces élections provinciales. Actuellement, seuls certains habitants peuvent voter, notamment ceux établis sur le territoire avant 1998 et leurs descendants, ce qui ulcère le camp loyaliste. C'est en partie au nom de ce "dégel" que les partisans du texte prônent le report des élections provinciales.
La loi sur le report des élections pourrait donc être une première étape vers l'adoption d'une autre loi, constitutionnelle cette fois-ci, qui permettrait de transcrire l'accord de Bougival.
Quel avenir pour Bougival ?
Mais le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), principale coalition indépendantiste en Nouvelle-Calédonie, a finalement rejeté l'accord de Bougival après sa signature et s'oppose désormais à ce report.
Une manifestation du FLNKS est d'ailleurs prévue vendredi à Nouméa face au haut-commissariat, en plein centre-ville, pour marquer son opposition au report des élections.
Pour les opposants à la réforme institutionnelle, le report des élections est le signe que le gouvernement souhaite avancer au pas de course sur la réforme constitutionnelle.
"Reporter n'apaise pas. Reporter prolonge l'incertitude, délégitime les exécutifs en place et enfonce le pays dans la défiance", s'est insurgé mercredi Robert Xowie, sénateur indépendantiste de Nouvelle-Calédonie. "Chaque fois que nous avons voulu décider depuis Paris, sans consensus, nous avons ravivé les tensions" a-t-il ajouté.
La veille, c'est Mathilde Panot, cheffe du groupe LFI à l'Assemblée, qui avait accusé le gouvernement de vouloir "imposer" Bougival.
"Aujourd'hui, la confiance en l’État est clairement entamée", a prévenu le député indépendantiste de Nouvelle-Calédonie Emmanuel Tjibaou.
Nombreux sont les parlementaires qui craignent un "passage en force" gouvernemental, susceptible d'entraîner un nouvel épisode de violences sur l'archipel comme au printemps 2024, qui ont causé la mort de 14 personnes.
En inscrivant le projet de loi constitutionnelle à l'agenda du Parlement dès le mois de janvier mardi matin, avant de se raviser quelques heures plus tard, le gouvernement a lui-même suscité une certaine confusion.
Naïma Moutchou, attendue samedi sur le Caillou pour un déplacement ministériel, a prôné "l'apaisement" devant les sénateurs: "Ce texte ne reporte pas pour retarder, il reporte pour apaiser", pour "donner une chance supplémentaire au consensus".
Elle a reconnu que l'accord de Bougival méritait "certainement d'être éclairé, précisé". Mais "nous ne pouvons pas faire comme si l'accord n'était pas soutenu par toutes les autres forces politiques locales" à l'exception du FLNKS, a-t-elle souligné.
"Bougival n'est pas une fin en soi, mais une base solide de négociations pour trouver le consensus souhaité par une grande majorité des Calédoniens", a appuyé la sénatrice Agnès Canayer, issue du groupe Les Républicains. "Les discussions ne pourront pas et ne devront pas se faire sans le FLNKS", a alerté la sénatrice socialiste Corinne Narassiguin.
Au Parlement, le soutien des socialistes a été décisif pour l'adoption de ce texte, qui s'est joué à une quinzaine de voix à l'Assemblée nationale. Le bloc central et la droite ont voté pour, tandis que le reste de la gauche et le Rassemblement national ont voté contre.
Avec AFP























