« Il y a un vrai appétit entrepreneurial » en Polynésie, dit le président du Medef Patrick Martin

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« Il y a un vrai appétit entrepreneurial » en Polynésie, dit le président du Medef Patrick Martin

Patrick Martin, président du Medef, était l’Invité de la rédaction de notre partenaire Radio 1 ce lundi. Il veut défendre la défiscalisation dans les Outre-mer face à des parlementaires nationaux qui connaissent mal son contexte. Il déplore le paradoxe français d’un débat politique « anti-entreprises » alors que l’opinion fait aujourd’hui davantage confiance aux patrons qu’aux élus. Comme Steve Hamblin qui préside le Medef au fenua, il récuse l’idée que les salaires devraient mieux compenser la perte du pouvoir d’achat post-Covid. Enthousiaste sur le développement que peut porter l’arrivée de Google, il se dit toutefois attentif à la question de la souveraineté numérique, et pense qu’une « exploitation raisonnée » des fonds marins n’est pas à exclure. Son message aux patrons : « Il faut être fier de ce que l’on fait ».

 

Après quelques jours en Nouvelle-Calédonie, Patrick Martin qui préside le Medef depuis juillet 2023, est en Polynésie pour venir à la rencontre du patronat local. Ses premières impressions ? « Je sens qu’il y a un vrai appétit entrepreneurial, mais en même temps, une grande frustration parce qu’il y a, je veux dire, à ma manière, une forme d’inertie du côté des institutions qui freine cette dynamique entrepreneuriale », dit-il.

Alors que la défiscalisation nationale est menacée d’une sévère cure d’amaigrissement, Patrick Martin veut croire que rien n’est encore perdu, et que le texte peut encore être modifié par voie d’amendement, « parce que pour le meilleur ou pour le pire, je dirais, tout reste complètement ouvert. Donc on est au combat, en concertation étroite avec nos amis ultramarins, d’une manière générale, polynésiens en particulier pour remettre l’église au milieu du village, parce qu’on mesure parfaitement combien ces dispositifs de défiscalisation sont essentiels, j’allais dire existentiels, pour l’économie. »

« Il y a une forme d’urgence parce que même si les données macroéconomiques ne sont pas si mauvaises que ça pour la Polynésie française, on voit bien qu’il y a des facteurs de fragilité. Donc, ce n’est certainement pas le moment de venir altérer ce qu’il y a d’intéressant en matière de défiscalisation », poursuit Patrick Martin, qui convient « qu’il y a une méconnaissance de beaucoup de nos parlementaires de ce que sont nos territoires ultramarins (…) qui sont trop souvent perçus comme des problèmes parce que les médias nationaux ont tendance à n’en parler que quand il y a des difficultés. »

Le président du Medef, qui venait d’apprendre la prolongation par l’Assemblée nationale de la surtaxe sur les plus grosses entreprises, souligne le paradoxe français : « L’image de marque des entreprises et des patrons eux-mêmes n’a jamais été aussi bonne dans l’opinion publique, 82% de nos concitoyens nous font confiance. C’est un peu par défaut, et on doit s’en inquiéter sur le plan démocratique, ils font de moins en moins confiance à nos élus politiques. Il y a un débat politique qui est très anti-entreprises en matière de fiscalité, de charges sociales, anti-actionnaires également. »  Une inquiétude partagée par Steve Hamblin, président du Medef-PF.

Inflation et rattrapage salarial ? « Il faut d’abord que les entreprises se développent »

Sur la question de la revalorisation des salaires du secteur privé, qui peine à compenser la perte de pouvoir d’achat, Patrick Martin estime qu’il ne faut pas « raisonner à l’envers » : « Il faut d’abord que les entreprises se développent elles-mêmes, investissent, créent des emplois pour augmenter les salaires. On a une fâcheuse propension en France à vouloir distribuer avant d’avoir créé. Commençons par encourager la dynamique économique et ensuite les entreprises assumeront leurs responsabilités. Elles le feront d’autant plus qu’il y a de plus en plus de difficultés de recrutement sur des compétences de plus en plus pointues. »  Steve Hamblin renchérit, en rappelant le niveau de l’inflation mondiale et notre dépendance aux importations : « 5% à l’international, 1,6 % localement, qui a fait l’effort ? Les entrepreneurs ont su rogner sur leurs marges pour justement s’adapter à la baisse du pouvoir d’achat polynésien. »

Droit de la concurrence :  « les entrepreneurs polynésiens ne sont pas dans les ententes »

Quant aux inquiétudes que pourrait soulever l’atteinte au droit de la concurrence contenue dans le projet de révision de la taxe de développement local, Steve Hamblin affirme que « les entrepreneurs polynésiens ne sont pas dans les ententes, (…) Donc moi je ne m’attarderais pas sur ce sujet, on a d’autres enjeux importants, on croule sous des procédures qui nous écrasent, que ce soit dans le droit du travail ou que ce soit dans les services administratifs. Ce qu’on aimerait bien c’est qu’on nous laisse travailler. »  Les entreprises « n’ont pas intérêt à se mettre l’APC à dos », assure-t-il, mais si le texte passe en l’état, elles ne risqueront plus rien et le droit de la concurrence sera sérieusement amputé. « Et c’est tant mieux », lâche Steve Hamblin.

Numérique : attention aux questions de souveraineté

Sur le tournant que va représenter la construction du « hub » de câbles Google en Polynésie, Patrick Martin pense qu’il faut « aller plein pot » dans le développement du numérique, mais ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier :  « On a des opportunités incroyables, je pense qu’il y a une forme de génie français dans tout ce qui touche au digital, dont l’intelligence artificielle. Après, sur l’arrivée de tel ou tel opérateur, bien sûr qu’il faut être vigilant. Je pense que c’est aux pouvoirs publics de mesurer, en termes de souveraineté, pour appeler les choses par leur nom, si ça présente un risque qu’on se livre en quelque sorte à des puissances qui, à ce jour, pour certaines d’entre elles en tout cas, sont amicales, mais pourraient ne plus l’être demain. Après, ça veut dire qu’il faudrait qu’on ait une offre alternative au niveau européen. C’est ça, le vrai sujet. »

Ressources minières sous-marines : « On doit pouvoir imaginer des conditions d’exploitation raisonnées »

Alors que le Tavini lui-même est partagé sur la question de l’exploitation des ressources minières sous-marines, Patrick Martin qui connait bien les industries extractives du pétrole et du gaz, pense que « ça n’est pas binaire et on doit pouvoir imaginer des conditions d’exploitations raisonnées. Il faut aussi regarder ce que font les autres. » Il reconnaît que « l’environnement est une cause essentielle, particulièrement ici, notamment parce que c’est un facteur d’attractivité touristique, il faut être très prudent. Mais il ne faut pas non plus être dogmatique. »

En conclusion, le président du Medef veut dire aux patrons : « il faut être fier de ce que l’on fait. Il ne faut pas se résigner à cette espèce de discours dominant dans lequel nous serions les vilains petits canards. Soyons mieux conscients que finalement, on tire toute l’économie. »

Par Radio 1