A l'approche des élections locales en France, des élus s'inquiètent d'un déséquilibre des pouvoirs entre les deux institutions de Martinique, qui fait de l'Assemblée le parent pauvre, obligé de mendier financement et personnel au Conseil exécutif. Dans cette collectivité territoriale, le Conseil Régional et le Conseil Général ont fusionné en 2015 pour donner naissance à une Collectivité Territoriale, composée de deux organes, l'Assemblée et le Conseil exécutif, sur le modèle de la Corse.
Alors que l'Hexagone votera les 20 et 27 juin pour les élections départementales et régionales, les Martiniquais éliront une nouvelle équipe dirigeante, après une première mandature qui a montré les faiblesses du système choisi par la Martinique lors du référendum de 2010, avec un déséquilibre entre les deux institutions. Pour y remédier, élus et sénateurs ont déposé des amendements en vue de modifier le texte qui régit cette collectivité, trop soumis à l'interprétation selon eux.
Alors que les deux présidents doivent être au même niveau de salaire et d'influence, l'essentiel des pouvoirs s'est finalement concentré entre les mains du président du Conseil exécutif, Alfred Marie-Jeanne, au détriment de l'Assemblée dont il a refusé d'exécuter certaines délibérations. Pour Claude Lise, le président de l'Assemblée, il est capital « qu'on procède, le plus rapidement possible à certaines précisions et mises en cohérence de certaines dispositions du texte» qui « comporte des failles qui permettent une interprétation non conforme à l'esprit du texte».
Le législateur prévoit en effet que le Conseil exécutif soit seul ordonnateur du budget et qu'il gère le personnel. « L'Assemblée est sous tutelle», déplore Claude Lise, qui explique devoir « solliciter le président pour avoir une rame de papier, ou pour changer l'ordinateur d'un élu. Alfred Marie-Jeanne n'a pratiquement rien donné à l'Assemblée. C'est ainsi que, en ce qui concerne le personnel, j'ai 3 membres de cabinet» , alors que son homologue corse, Jean-Guy Talamoni, compte une dizaine de collaborateurs.
Le président de l'Assemblée assure avoir déjà interpellé le gouvernement et même le président de la République sur le « système d'hyper-présidence de la Martinique», en vain selon lui. Avec la sénatrice Catherine Conconne, également conseillère territoriale, il a déjà rédigé une série d'amendements et compte profiter du projet de loi 4D (Différenciation, Décentralisation, Déconcentration, Décomplexification), présenté mercredi dernier en Conseil des ministres, pour modifier le texte initial. « Là où par exemple il y a écrit "peut", il faudra remplacer par "doit", et ne pas laisser l'option à la simple appréciation d'un démocrate qui ne l'est pas», déclare-t-elle.
Un problème politique
Accusé d'avoir plombé le fonctionnement de la CTM et ralenti la mise en oeuvre du programme, le Conseil exécutif se défend: «Nous avons la conscience tranquille. Nous avons ce souci de ne pas dépasser les limites prescrites» , assure son porte-parole, Daniel Marie-Sainte. Mais pour Justin Daniel, professeur de Sciences Politiques à l'Université des Antilles « le problème est moins d'ordre juridique que d'ordre politique» .
Les deux présidents élus sur la même liste viennent de deux partis différents. En 2015, ils avaient mené la bataille ensemble. « Et puis par la suite, on a vu qu'il y avait une certaine conception des institutions qui fait que le président de l'Assemblée, parce qu'il n'était pas tout à fait du même bord politique que le président du Conseil exécutif, a été graduellement mis à l'écart» , détaille le politologue. Avec des relations plus « harmonieuses» et « cohérentes», les deux têtes de la CTM auraient donc pu s'entendre.
Pour Justin Daniel, « il n'est peut être pas besoin de remonter jusqu'au niveau du législateur pour demander de prendre en considération ce type de détails. Sans doute cela peut être réglé dans le cadre d'un règlement intérieur qui serait repensé».
Reste à voir comment la nouvelle mandature appliquera les textes. Si les amendements sont votés, ils le seront après l'élection.
Avec AFP