Économie en Outre-mer : Une reprise présente mais « contrariée » en 2021, avant un nouveau choc conjoncturel, selon l'IEDOM-IEOM

Économie en Outre-mer : Une reprise présente mais « contrariée » en 2021, avant un nouveau choc conjoncturel, selon l'IEDOM-IEOM

Emploi, confiance des entreprises, tourisme, consommation : l’année 2021 a connu une « reprise significative » dans les Outre-mer, mais freinée par la pandémie au second semestre. En outre, « la résilience des économies ultramarines aux chocs externes sera à nouveau mise à l’épreuve en 2022 », notent les Instituts d’Émission d’Outre-mer (IEDOM-IEOM).

Au premier semestre 2021, l’activité connaît une reprise significative dans l’ensemble de l’Outre-mer, ont fait savoir les dirigeants des Instituts d’émission d’Outre-mer, Marie-Anne Poussin-Delmas et Stéphane Foucault lors d’une conférence de presse ce jeudi à Paris. Ces évolutions se traduisent sur l’indicateur du climat des affaires par une hausse nette et globale, après la chute de 2020. Cette reprise s’est poursuivie au second semestre, mais à un rythme moindre, signe d’une « reprise contrariée » à la fois par la recrudescence de la pandémie à mi-année et par les conséquences de la reprise mondiale sur les approvisionnements et les prix de l’énergie et des matières premières.

Cette reprise globale est toutefois à nuancer pour la Nouvelle-Calédonie particulièrement. En effet, l’archipel « est la seule géographie ultramarine qui n’a pas encore enregistré en 2021 de rebond post-covid ». En cause : l’incertitude institutionnelle liée au troisième référendum d’autodétermination, la stratégie zéro covid qui a eu pour conséquence une fermeture drastique des frontières, les tensions lors du rachat de l’usine du Sud ou encore, l’absence de président du gouvernement collégial pendant plusieurs semaine. 

Cette reprise est également moindre pour le tourisme « qui peine à redémarrer faute de visibilité, ce qui a pénalisé, les Antilles et surtout la Polynésie française qui en est fortement dépendante ». Enfin, « la Guadeloupe a enregistré un net repli de l’activité au 4ème trimestre qui est la conséquence directe des mouvements sociaux de fin d’année ». Mais on insiste : « globalement pour l’Outre-mer, cette reprise contrariée se traduit néanmoins par une croissance qui permettra d’effacer en moyenne entre la moitié et les 3⁄4 de la perte d’activité de 2020 et même la totalité pour ce qui concerne l’Océan indien ».

Et c’est d’abord sur l’emploi que cette reprise se fait sentir. « Dans la majorité des territoires ultramarins, le marché du travail retrouve en 2021 sa dynamique d’avant crise, même si les taux de chômage ultramarins restent à un niveau élevé à l’exception notable de Saint-Pierre-et-Miquelon où il atteint 3,4 % après trois années de baisses consécutives ». En glissement annuel, l’emploi salarié privé progresse de 5,6 % à La Réunion, ce qui en fait la région française la plus dynamique sur la période. En Guyane (+4,0 %) et dans une moindre mesure en Martinique (+3,1 %) et en Guadeloupe (+2,7 %), l’emploi salarié privé retrouve également une progression proche du rythme enregistré avant la crise sanitaire. En comparaison, l’emploi salarié privé croît de 3,5 % au niveau national. Les Instituts d’Émission d’Outre-mer notent même un chômage historiquement bas en Martinique (10%).

Dans l’ensemble des DOM (hors Mayotte), le nombre de salariés privés comptabilisés avant la crise sanitaire est dépassé au cours de l’année 2021. Toutefois dans les deux principaux territoires du bassin Pacifique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, « le marché du travail peine à retrouver une dynamique positive et l’emploi salarié privé reste inférieur à son niveau d’avant crise ». À Wallis-et-Futuna, l’emploi déclaré localement est en légère hausse, principalement tiré par le secteur du BTP. Côté création d’entreprises, celles-ci sont essentiellement à la hausse, surtout dans le secteur des services mais sauf en Nouvelle-Calédonie. À La Réunion, on avoisine les 11 000 entreprises créées en 2021, illustrant « un dynamisme entrepreneurial ».   

Si l’inflation s’est installée en Outre-mer comme dans l’Hexagone dès la fin 2021, celle-ci reste inférieure dans les territoires : 2,6% contre 2,8% dans l’Hexagone. Elle est toutefois plus marquée dans les Outre-mer de la zone euro (+3%) que dans le Pacifique (+1,4%). Une inflation qui, selon les Instituts, s’explique par « la croissance marquée des prix de l’énergie, après la forte baisse de 2020 ». Pour les autres grands postes -alimentation, services et produits manufacturés-, la hausse des prix est restée, en moyenne sur 2021, inférieure ou égale à 2 % dans la plupart des géographies.

Au 31 décembre, le total des concours bancaires consentis dans les Outre-mer s’élève à 77,4 milliards d’euros, soit en progression de 3,2 % sur un an, indiquent encore les Instituts. L’impact positif des PGE sur les crédits a perduré en 2021, mais dans une plus faible mesure. « Ce dispositif a connu un vif succès auprès des entreprises ultramarines » : près de 21 000 d’entre elles bénéficient d’un PGE, pour un montant total de 3,7 milliards d’euros. Ainsi, le nombre de bénéficiaires ultramarins représente 3 % du nombre total de bénéficiaires de PGE, pour un montant s’établissant à 2,6 % de l’encours total des PGE. À titre de comparaison, le PIB ultramarin représente 2,4 % du PIB de la France entière.

Apparue en 2020 avec les restrictions mises en place pour lutter contre la pandémie, l’épargne « forcée » constituée en 2020 par les ménages n’a pas été consommée en 2021, comme le montre la croissance toujours dynamique des dépôts, à nouveau comparable aux années pré-Covid. Le total des actifs financiers collectés par les établissements de crédits ultramarins s’élève à près 58 milliards d’euros, soit une hausse de 4,3 % (après 13,0 % en 2020). L’épargne se concentre sur des produits fortement liquides, comme les dépôts à vue, ce qui signifie que le surplus d’épargne est un réservoir potentiel de consommation et de croissance pour 2022.

Concernant plus particulièrement le tourisme, moteur économique aux Antilles ou en Polynésie, le secteur est encore loin du redressement d’activité et loin de retrouver son niveau pré-crise sanitaire. C’est d’ailleurs dans ce secteur que l’on retrouve 18% des entreprises ultramarines vulnérables, c’est-à-dire, qui sont plus endettées et qui ont besoin de plus de temps pour rembourser leurs dettes (avec le secteur primaire à 19%). À noter toutefois que le taux d’entreprises vulnérables en Outre-mer est de 7%, soit relativement bas et à peu près égal à l’Hexagone, illustrant un tissu « globalement résilient ».

Malgré tout, les premiers mois marquent un frémissement du tourisme : aux Antilles, la levée des restrictions sanitaires en avril a permis au secteur d’enregistrer une bonne affluence, notamment pour le week-end pascal. Dans le Pacifique également, les perspectives redeviennent plus favorables avec la réouverture progressive des principales liaisons aériennes et même la création de nouvelles liaisons. Pour autant, le secteur de la croisière ne repartira pas avant fin 2022 et la hausse des prix des carburants se traduit d’ores et déjà par une hausse des prix des billets d’avion entre l’hexagone et les DCOM zone euro, qui est de 13 % entre mars 2021 et mars 2022, ce qui ne favorise pas la reprise du secteur.

Pour ce qui est des leçons de la crise sanitaire, et si les habitudes alimentaires tendent à changer dans les Outre-mer, les importations de produits agricoles ne traduisent pas encore les changements comportementaux. Elles augmentent même très fort aux Antilles-Guyane et dans l’Océan Indien, passant de près de 90 millions d’euros de produits importés à 153 millions d’euros aux Antilles-Guyane et 156 millions d’euros à La Réunion. Naturellement, c’est deux bassins importent essentiellement de France hexagonale et d’Europe, quand le Pacifique s’approvisionne principalement dans son bassin régional. Certaines filières démontrent néanmoins une autonomie alimentaire bien amorcée, c’est le cas des œufs, des fruits et des légumes.  

« Alors que les perspectives 2022 se présentaient initialement comme celles d’une poursuite de la sortie de crise pour les Outre-mer, le conflit russo-ukrainien et la dégradation de la situation sanitaire en Chine marquent le début d’un nouveau choc conjoncturel », préviennent les Instituts. Si les répercussions directes du conflit sont relativement limitées dans les Outre-mer, sauf en Guyane en raison de l’aérospatial et en Nouvelle-Calédonie en raison des cours du nickel, les impacts indirects sont beaucoup plus marqués. Les tensions inflationnistes apparues en fin d’année 2021 risquent en effet d’être plus durables, particulièrement sur les produits énergétiques, les matières premières ainsi que sur certaines denrées alimentaires.

« La hausse du prix des matières premières, du transport aérien et du fret maritime constitue une source d’inquiétude majeure pour les chefs d’entreprise ultramarins », notent encore les Instituts. Interrogés sur ces questions, 72 % d’entre eux déclarent devoir faire face à une hausse de leurs coûts depuis le début de l’année. Cette proportion s’élève à 90 % dans les secteurs de la construction, de l’industrie et de l’agriculture. Alors que, fin 2021, 80 % des chefs d’entreprise envisageaient déjà̀ de répercuter la hausse des coûts sur leurs prix de vente, cette proportion pourrait encore s’accroître avec les risques de perturbation des circuits commerciaux en lien avec les récents évènements mondiaux. 

« La résilience des économies ultramarines aux chocs externes sera donc à nouveau mise à l’épreuve en 2022 » concluent les Instituts, tout en listant quelques recommandations : « poursuivre la réalisation des grands projets d’infrastructure inscrits dans les plans de relance national et territoriaux qui sont la clé du développement et de l’attractivité des territoires, adapter les mesures de soutien public, qui s’inscrivent désormais dans la durée, préserver la cohésion sociale dans un contexte d’inquiétudes croissantes des ménages sur leur pouvoir d’achat et développer le tissu entrepreneurial pour permettre à la masse des jeunes en recherche d’emploi de trouver des formations et des débouchés professionnels ».