Neuf des onze prévenus jugés début novembre pour la destruction en 2020 de quatre statues datant de l'époque coloniale en Martinique ont été relaxés par le tribunal correctionnel de Fort-de-France, et les deux autres dispensés de peine.
Les onze militants anticolonialistes, cinq femmes et six hommes âgés de 24 à 54 ans, étaient notamment poursuivis pour « dégradation de biens d'utilité publique » après les déboulonnages de statues jugées symboles du passé colonial et esclavagiste de l'île.
Les deux condamnés, une femme de 33 ans et un homme de 41 ans, ont été reconnus coupables d'avoir participé au déboulonnage de deux statues de Victor Schœlcher à Fort-de-France et dans la commune voisine de Schœlcher, le 22 mai 2020, « date officielle » de la commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique.
Pour les militants, ces déboulonnages visaient à dénoncer des symboles jugés trompeurs de l'histoire coloniale : Victor Schœlcher, célébré comme abolitionniste, était aussi à leurs yeux un représentant du pouvoir colonial, favorable à l'indemnisation des anciens propriétaires d'esclaves après 1848. Ils ont été dispensés de peine « au regard des circonstances particulières des infractions commises », a déclaré la présidente du tribunal, Cécile Lony.
Les militants étaient également poursuivis pour les déboulonnages des statues de Joséphine de Beauharnais, épouse de Napoléon Bonaparte originaire de l'île, et de Pierre Belain d'Esnambuc, pionnier de la colonisation française aux Antilles, détruites à Fort-de-France le 26 juillet 2020.
Concernant ces dernières, « les agissements reprochés se sont inscrits dans une action politique ou militante entreprise dans le but d'alerter sur un sujet d'intérêt général », a noté la présidente, évoquant « la présence, dans l'espace public de la Martinique, d'une statuaire commémorative du colonialisme et de l'esclavagisme, crimes contre l'humanité ». Les prévenus avaient clamé leur innocence, assurant qu'ils n'étaient pas identifiables sur les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, tout en réaffirmant leur opposition à la présence de ces statues dans l'espace public.
Le tribunal a compris que la destruction de ces statues « n'était pas un délit de droit commun », a déclaré à l'AFP Me Alik Labejof-Lordinot, avocat de l'un des militants. « Il ne s'agit pas de délinquants, mais de personnes militantes qui réfléchissent », a-t-il ajouté. « C'est un raisonnement juridique qui va se hisser à la hauteur de l'histoire », s'est félicité son confrère Me Eddy Arneton.
Le procès s'était tenu sur trois jours, du 5 au 7 novembre, le parquet ne requérant pas de peine à son issue. Ces déboulonnages avaient suscité de vives réactions jusqu'au sommet de l'État, Emmanuel Macron condamnant « avec fermeté » ces actes « qui salissent la mémoire » de Victor Schœlcher.
En 2020, d’autres statues étaient au cœur des revendications militantes anticoloniales. À Cayenne, la statue de Victor Schœlcher avait aussi été déboulonnée et maculée de peinture rouge, mi-juillet. Dans l’hexagone, la statue de Colbert fait souvent l’objet d’actions anticolonialistes, l’ancien ministre de Louis XIV étant reconnu comme le père du « code Noir », rédigé en 1685 et qui a légiféré sur l’esclavage dans les colonies françaises.
Avec AFP























