Nouvelle-Calédonie : Vale NC annonce la vente de l’Usine du Sud sur un fond de mobilisation tendue

Nouvelle-Calédonie : Vale NC annonce la vente de l’Usine du Sud sur un fond de mobilisation tendue

Le groupe brésilien Vale a annoncé mercredi la vente de l’Usine du Sud en Nouvelle-Calédonie à un consortium calédonien et international, incluant le négociant en matières premières Trafigura, qui suscite sur place une forte hostilité des indépendantistes et des autorités kanak.

« Le consortium mené par la direction et les employés de Vale Nouvelle-Calédonie, (…) avec Trafigura comme actionnaire minoritaire, est heureux d’annoncer qu’il a conclu un accord ferme aujourd’hui pour l’achat des parts de Vale Nouvelle-Calédonie, détenues par Vale Canada Limited, une filiale de Vale S.A », a indiqué mercredi dans un communiqué Vale-NC.

L’industriel précise que « cette solution de reprise assurera la poursuite de l’exploitation et du développement de l’usine (sud de l’archipel) dans le respect de ses responsabilités sociétales et environnementales par une nouvelle société (baptisée) Prony Ressources, détenue à 50% par des investisseurs calédoniens ». « Le projet d’entreprise de Prony Ressources permettra de garantir plus de 3000 emplois directs et indirects », a déclaré Antonin Beurrier, actuel président de Vale Nouvelle-Calédonie, qui devrait prendre la tête de Prony Ressources.

Cette annonce est intervenue après plusieurs jours de barrages, de blocages et d’affrontements avec les forces de l’ordre, en raison de « la totale opposition » des indépendantistes du FLNKS, du collectif « Usine du sud : usine pays » et de l’Instance coutumière autochtone (ICAN) à cette reprise avec Trafigura.

Blocages et tensions sur le terrain

Sur le terrain, la tension est montée d’un cran en début de semaine, après un weekend confus. Jeudi dernier, l’État, les élus politiques et les coutumiers avaient conclu un accord demandant notamment à Vale NC de repousser la date d’officiliasition de la vente de son usine, prévue initialement le 4 décembre. Il s’agissait notamment de permettre à Korea Zinc, industriel de l’offre concurrente de la Sofinor défendue par les opposants à Trafigura, d’effectuer une expertise sur place. En échange, les manifestants acceptaient de lever les blocages.

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Toutefois, le collectif « Usine du Sud : Usine Pays » et les indépendantistes du FLNKS se sont inquiétés du délai de quelques jours accordé par Vale NC. Ces derniers avaient demandé un délai de trois mois temps nécessaire au groupe Korea Zinc pour réaliser une expertise en bonne et due forme des lieux, et formuler ainsi une offre définitive. Par conséquent, les opposants au projet Prony Ressources ont repris les mobilisations et des affrontements violents ont eu lieu ce lundi. De son côté, « eu égard à la situation », Korea Zinc a décidé de retirer son offre, sans pour autant décourager la Sofinor.

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Mercredi, les violences sont montées d’un cran avec des barrages tenus par ces opposants et des contre-barrages dressés par des loyalistes à Païta, au nord de Nouméa. L’initiative a été lancée par l’ancien maire de la commune Harold Martin et sur les réseaux sociaux, des internautes ont pointé du doigt la présence à certains endroits de partisans munis d’armes à feu. Le Haut-commissaire a signé un arrêté visant à interdire le port et le transport des armes. Dans la nuit, une station-service a également été incendiée au Mont-Dore, par conséquent, les gérants de stations-services ont décidé de rester fermés pour la journée de jeudi.

Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu doit réunir jeudi en visioconférence les principaux acteurs politiques calédoniens sur ce dossier, mais les indépendantistes ont indiqué qu’ils boycottaient le rendez-vous. Le dialogue avec les partenaires politiques avait été renoué lors du déplacement du ministre au lendemain du 2ème référendum. « Nous poursuivrons inlassablement le dialogue (…) jusqu’à parvenir avec l’ensemble des acteurs, à une solution négociée » a déclaré Jean Castex devant l’Assemblée nationale.

Face aux tensions sur place, Antonin Beurrier demande « de prendre connaissance des engagements que nous sommes prêts à prendre au nom de l’entreprise, de sa direction générale et de ses employés afin de retrouver la paix civile et le chemin du dialogue ». « Le schéma de reprise confirmé ce jour est abouti et robuste », assure-t-il. « Il représente la seule alternative à la mise en sommeil du site et à la destruction de milliers d’emplois et d’un savoir-faire industriel unique dans le pays. Il permet justement cette ouverture et un rapport nouveau avec la société civile calédonienne ».

Vale NC a annoncé l'officialisation de la reprise de l'Usine du Sud alors que la situation est tendue sur place ©Caledonia

Vale NC a annoncé l’officialisation de la reprise de l’Usine du Sud alors que la situation est tendue sur place ©Caledonia

« Cette signature marque une étape supplémentaire dans la procédure tout en gardant des marges de discussions importantes, entre autres sur l’actionnariat calédonien », a salué de son côté la coalition Les Loyalistes, qui « rappellent que leur priorité reste le sauvetage des 3000 emplois qui dépendent directement de l’usine ». « Les Loyalistes appellent le FLNKS et ses différents responsables à condamner et à faire le nécessaire pour que cessent ces actions de déstabilisation », ont-ils ajouté, appelant à la « responsabilité de chacun ». Cette coalition de partis non indépendantistes avec notamment le Rassemblement national appellent à la mobilisation ce samedi contre les barrages.

Pour l’heure, ni l’ICAN, ni le collectif et ni les composantes du FLNKS n’ont réagi à l’officialisation de la vente de l’Usine du Sud. En revanche, dans un communiqué, le Mouvement nationaliste, indépendantiste et souverainiste (MNIS) appelle « au calme afin de ne pas céder à la provocation et à haine » ; à la réunion des élus indépendantistes « pour organiser de nouvelles élections statutaires (…) pour élire une assemblée constituante » et à « renverser le gouvernement ».

De son côté, le Comité des Sages demande « instamment aux responsables des partis politiques de retrouver sans délai le chemin d’un véritable dialogue, concept trop souvent galvaudé ces temps-ci. Seul celui-ci, disent-ils, peut garantir une issue par le haut de la gestion de la crise actuelle ». « Nos élus ne doivent pas toujours tout rejeter vers l’État », a précisé son président Elie Poigoune. « On sait ce que ça a donné dans les années 1980 de ne pas dialoguer. Ça a donné les événements ».