Polynésie : Manuel Valls « celui qui ouvre le chemin» en Calédonie et ... aux Marquises ?

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Polynésie : Manuel Valls « celui qui ouvre le chemin» en Calédonie et ... aux Marquises ?

Le ministre des Outre-mer, en visite à Hiva Oa, a reçu le nom marquisien de Te hakaiki vahi a’a nui, « celui qui ouvre le chemin et montre la voie ». Une référence à l’accord de Bougival sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie dont il a dirigé les négociations. La visite a été l’occasion pour les maires de l'archipel des Marquises de rappeler leur attachement à la France, leur volonté de montée en compétences. Et pour Manuel Valls d’appeler à l’unité entre la République, les Marquises et la Polynésie, qui « pourront choisir leur destin quand le temps viendra ». Détails avec notre partenaire Radio 1. 

C’est une tradition bien ancrée aux Marquises et un folklore généralement apprécié des officiels nationaux, nombreux à faire un détour par la Terre des hommes dans leur visite polynésienne. Emmanuel Macron avait été nommé Te hakaiki taaoa, « le grand chef qui marche », lors de sa visite « historique » de 2021. Gérald Darmanin avait reçu le titre de Te toa hakaiki, le chef de guerre, pour celui qui était ministre des Outre-mer mais surtout de l’Intérieur. Manuel Valls s’est vu rebaptisé par Joëlle Frebault Te hakaiki vahi a’a nui, « celui qui ouvre le chemin » ou « celui qui montre la voie ».

Une référence à l’accord que l’ancien Premier ministre, dont c’est le tout premier déplacement au fenua, est parvenu à arracher, après 10 jours d’intenses négociations et des mois de pourparlers, aux indépendantistes et loyalistes calédoniens. Un « accord de Bougival » qui trace une nouvelle route institutionnelle, inédite et pour l’instant très incertaine, pour le Caillou qui deviendrait un État, doté d’une nationalité, au sein de la République.

L’accord calédonien sera « étudié » par les hakaiki

« Puissiez-vous ouvrir aussi un chemin pour nous les Marquisiens » a lancé Joëlle Frébault, lors d’une grande cérémonie à Atuona, point d’orgue d’une journée de visite depuis les tombes de Brel et Gauguin jusqu’au paepae de Upeke. Comme son homologue de Nuku Hiva Benoit Kautai, la maire de l’île a longuement rappelé que la grande majorité des Marquisiens « souhaitent rester dans la République » pour « construire un avenir harmonieux fidèle à leur culture et à leur environnement ». Et qu’ils n’avaient aucunement l’intention, quelles que soient les intrigues politiques à Tahiti, de « couper les amarres » avec l’État, un partenaire qui « ne nous tournera pas le dos ».

La forme de fédéralisme proposé en Nouvelle-Calédonie, avec une autonomie très avancée des trois provinces, a-t-elle de quoi intéresser Henua Enata ? Il intrigue en tout cas Benoit Kautai, qui explique que les hakaiki vont « étudier de près » ce texte toujours loin de l’application. Le président de la Codim explique toutefois que les élus de la Terre des hommes s’accrochent pour l’instant à leur demande de « communauté d’archipel ».

Rien n’indique que ce projet de communauté d’archipel, plusieurs fois soutenu devant les élus nationaux mais pas vraiment mis en avant dans les discours ce jeudi, ait commencé à faire son chemin à Paris. Ou que Manuel Valls y soit sensible d’une façon ou d’une autre. Mais les élus marquisiens voient quoiqu’il arrive dans l’ancien Premier ministre, qui a multiplié les déclarations sur la « refondation du lien » entre la France et ses outre-mer ces derniers mois, un vecteur de changement. D’abord en soutenant la révision de l’article 43-2 du statut actuel, qui doit permettre aux communes d’exercer certaines compétences aujourd’hui propres au Pays – en matière de développement économique, agricole ou de culture et patrimoine, notamment – sans la validation systématique de Tarahoi. « On en a beaucoup discuté, et on a dit au ministre : peut-être que d’autres communes ne sont pas prêtes mais nous ça fait dix ans qu’on attend », martèle le président de la Codim.

Un engagement qu’a pris Manuel Valls devant les hakaiki, avant de lancer, à la tribune, un message d’unité qui laisse la porte ouverte à des évolutions futures. « Au fond, à travers ces trois drapeaux, vous dites que s’entremêlent dans une unité incroyable les Marquises, la Polynésie et la France. Ne les opposons jamais, elles sont complémentaires, elles marcheront ensemble, elles feront leur chemin, elles pourront choisir leur destin quand le temps viendra, mais c’est ensemble, au travers une culture millénaire et des rapports que nous construisons tous les jours que nous construirons ce magnifique destin. »

Moetai Brothersoln appelle à dépasser les conflits de compétences

Interpellé, en creux, dans les discours marquisiens, en tant que président du Pays et comme indépendantiste, Moetai Brotherson n’a pas cherché, dans son discours, à débattre. Il s’est limité, dans une allocution brève, à assurer les quelques centaines de personnes rassemblées en fin de journée sur la grande place d’Atuona de son respect et même de son attention particulière – « J’ai été conçu ici, aux Marquises », a-t-il assuré à la tribune. Tout en appelant à dépasser les conflits de compétences, surtout attribués au « mille-feuille administratif ».

Un mille-feuille dans lequel les élus marquisiens aimeraient donc tracer un nouveau chemin, et faire avancer leurs nombreux projets, expliqués pendant toute la journée au ministre des Outre-mer : transition énergétique, avec 3 milliards de francs à investir dans les prochaines années pour atteindre 75% d’électricité d’origine renouvelable, développement économique, avec de nouvelles infrastructures touristiques, desserte internationale à travers l’aéroport de Hiva Oa, potabilisation de l’eau, dont Hiva Oa veut être une pionnière… Ou protection environnementale et rayonnement culturel, au travers de l’Unesco qui n’est « pas une fin en soi », et nécessite, comme les autres projets le soutien de l’État pour s’inscrire dans la durée.


 

Par Radio1