Nouvelle-Calédonie : Le Congrès vote la création d’un fonds spécial pour permettre aux entreprises de s’auto-assurer

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Nouvelle-Calédonie : Le Congrès vote la création d’un fonds spécial pour permettre aux entreprises de s’auto-assurer

Face au désengagement massif des compagnies d’assurance calédoniennes depuis les émeutes, les élus du Congrès ont adopté, ce jeudi, une proposition de loi permettant aux entreprises de placer une partie de leurs bénéfices dans un fonds défiscalisé, mobilisable en cas de sinistre. Une disposition qui vise notamment à leur offrir les garanties suffisantes pour emprunter auprès des banques. Précisions avec Les Nouvelles Calédoniennes.


Le constat est le même, plus d’un an après la crise insurrectionnelle : les entreprises calédoniennes peinent à s’assurer correctement. La garantie "émeutes et mouvements populaires", retirée de tous les contrats d’assurance au lendemain des premières violences, n’a jamais été réintroduite. Pire encore : "certaines entreprises et patentés, exerçant leurs activités dans des quartiers fortement impactés par les émeutes, se voient refuser la couverture pour des risques de base, tels que le dégât des eaux ou encore le risque incendie", révèle un rapport présenté au Congrès. Un niveau de couverture réduit, qui n’a pas pour autant fait baisser le montant des primes d’assurance que ces dernières continuent de verser. Les conséquences sont connues : impossibilité de recourir à l’emprunt bancaire par manque de garanties, incapacité à investir, arrêt de l’activité…

Éviter les effets d’aubaine

Pour pallier ce "déficit assurantiel", les élus du Congrès ont adopté à une large majorité (47 pour et 1 abstention), ce jeudi 28 août, la proposition de loi portée par Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement, visant à créer un "fonds de réserve spécial". Ouvert à toutes les entreprises et les patentés, il vise à leur permettre de constituer une épargne destinée à couvrir les risques qui ne sont pas pris en charge par les assurances. Le dispositif, basé sur le principe de l’auto-assurance, consiste au versement d’une fraction des bénéfices de l’entreprise sur un compte dédié, mobilisable en cas de sinistre. La somme versée sera entièrement défiscalisée.

Pour éviter les effets d’aubaine et l’ouverture de cet outil à l’optimisation fiscale, le texte prévoit de limiter le montant versé chaque année sur ce fonds à 5 % de la valeur totale des actifs qu’il est censé couvrir. Ce qui signifie qu’il faudra vingt ans à une entreprise pour placer la somme suffisante en cas de destruction totale de son outil de production. "Mais il est assez rare, lors d’un sinistre, que 100 % de l’actif soit détruit, relativise Virginie Ruffenach. Dès trois-quatre ans, les entreprises pourront déjà bénéficier de 15 à 20 % de couverture."

Quelques garanties supplémentaires ont été introduites dans la proposition de loi pour éviter les abus. En cas de prélèvement par l’entreprise de la somme placée, sans survenue d’un sinistre, celle-ci sera redevable de l’impôt auquel elle a échappé, majoré d’une pénalité de 5 %. Initialement, cette majoration avait été fixée à 15 %, un taux jugé confiscatoire par le Conseil d’État. "Le seul cas où l’entreprise ne paiera pas l’impôt, c’est celui où elle utilise cette somme précisément pour s’indemniser d’un sinistre et reconstituer les actifs de la société qui auront été détruits", insiste la rapporteure du texte.

Solution transitoire

La constitution d’un tel fonds devrait apporter une sécurité suffisante aux établissements bancaires dans l’octroi de crédits, affirme la présidente du Rassemblement. "Nous avons auditionné le président de la Fédération des banques en commission, qui a été tout à fait favorable au dispositif et estime que cette disposition apporte les garanties nécessaires à l’accompagnement des entreprises." Chaque situation sera néanmoins examinée "au cas par cas", nuance Virginie Ruffenach. "Ce texte ne règle pas tous les problèmes, mais j’espère qu’il viendra apporter une bouffée d’oxygène à ceux qui sont actuellement sans solution."

En réalité, la proposition de loi est une réponse transitoire, dans l’attente de la création d’un fonds de garantie de l’État qui peine à voir le jour. En effet, une réflexion est en cours depuis 2024 entre le gouvernement calédonien et Bercy, pour que l’État puisse jouer un rôle de réassureur auprès des compagnies d’assurance, afin de les inciter à réintégrer l’ensemble des risques aux contrats souscrits par les entreprises calédoniennes. Un système qui existe déjà dans l’Hexagone, notamment sur le risque terroriste. "C’est la vraie solution, estime Virginie Ruffenach. Mais il y a des difficultés juridiques, et les démarches sont très longues. À ce stade, rien n’a abouti."

Par Les Nouvelles Calédoniennes