Une délégation de 31 personnes de Polynésie française, regroupant trois ministères du gouvernement local, le CESEC, le Contrat de Ville, la communauté de communes Tereheamanu, le Consulat du Liban et l’AFD en Polynésie, ont participé au Forum mondial de l’ESS à Bordeaux la semaine dernière, suivi d’entretiens avec les principaux acteurs de l’ESS dans l’Hexagone à Paris. L’occasion pour cette délégation de « s’inspirer des bonnes pratiques » et peaufiner un projet de loi de pays visant à structurer et encadrer l’ESS en Polynésie.
La semaine dernière a été marquée par un rendez-vous important de l’Économie sociale et solidaire dans l’Hexagone : l’organisation à Bordeaux du Forum mondial de l’ESS, une première en France rassemblant une centaine de pays, dont une forte délégation ultramarine menée par la branche Outre-mer d’ESS France.
S’en est suivi à Paris, en début de semaine, par des entretiens avec les principaux acteurs de l’ESS dans l’Hexagone, notamment le délégué interministériel à l’Économie sociale et solidaire, Maxime Baduel, le président d’ESS France, père de la loi nationale sur l’ESS, Benoît Hamon, le président d’ESS France Outre-mer, Kamaldine Attoumani, et le délégué Outre-mer, Ben Amar Zehgadi.
« Nous sommes particulièrement fiers d’avoir participé à cet événement d’envergure internationale et d’y avoir représenté la Polynésie française » résume Hinano Teanotoga, directrice de l’Agence de développement économique en Polynésie, chargé par le gouvernement de la Collectivité -notamment le Ministère des Finances et le président Moetai Brotherson- de travailler sur le projet de loi de pays visant à structurer, encadrer et organiser l’ESS sur le territoire.
« Le GSEF 2025, organisé à Bordeaux, a constitué pour nous une formidable opportunité d’échanges et d’apprentissage. Il nous a permis de rencontrer des élus, dirigeants, experts internationaux, agences de développement, réseaux et acteurs de terrain engagés dans la promotion d’une économie centrée sur l’humain et le respect de l’environnement » a-t-elle ajouté. « L’objectif était de partager les expériences, valoriser les innovations réussies à travers le monde, et s’inspirer des bonnes pratiques pour les adapter à notre réalité polynésienne ».
Un projet de loi de pays en 2026
« Les premières tentatives de structuration de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) en Polynésie remontent à 2007 ou 2008. À l’époque, un projet de texte avait même été élaboré, sans toutefois aboutir » rappelle la directrice de l’Agence de développement économique. En 2023, le Centre culturel - SARL Arioi, fondé et dirigé par Hinatea Colombani, a inscrit l’ESS dans ses statuts. « Une première en Polynésie, alors même qu’aucun cadre réglementaire n’existait encore ».
« Sous l’impulsion de l’AFD en Polynésie, et plus particulièrement de Mounia Aït Ofkir, sa directrice, une étude de préfaisabilité sur le développement de la filière Tapa, abordée sous le prisme de l’ESS, a été lancée », détaille encore Hinano Teanotoga. Et c’est en fin 2023 que le Ministère polynésien des Finances confie à l’Agence de développement économique et sa directrice « la mission de structuration de l’ESS en Polynésie française et d’élaboration d’un cadre règlementaire ».
L’objectif : structurer, encadrer et réglementer l’ESS en Polynésie sans perdre l’appétence naturelle du territoire vers ce mode d’entreprendre. Cette mission de deux semaines a d’ailleurs permis de confirmer « que notre territoire est naturellement favorable à l’ESS, porté par une population solidaire et tournée vers l’intérêt collectif », tout en constatant « la volonté de renforcer les collaborations et synergies entre les acteurs publics et privés ». « L’ESS doit s’intégrer à un véritable projet de territoire, garantissant cohérence et sens à nos actions » insiste Hinano Teanotoga
Depuis, une journée prospective de l’ESS en Polynésie a été organisée en juin 2024, puis une Semaine de l’ESS en novembre 2024, et le lancement d’une mission d’appui avec ESS France Outre-mer pour l’élaboration d’un état des lieux, d’un diagnostic et d’un cadre réglementaire de l’ESS, dont les conclusions sont attendues d’ici la fin de l’année. Entre-temps, « une large concertation qui a impliqué plus de 400 acteurs de l’ESS publics et privés, a permis d’établir le diagnostic de l’ESS polynésienne qui sera présenté dans les semaines à venir ».
« Je souhaite préciser que ces travaux sont fortement soutenus par le Président de la Polynésie française, M. Moetai Brotherson, et par l’ensemble du gouvernement, chaque ministère ayant désigné en son sein un référent ESS ce qui permet d’aborder tous les domaines, l’ESS étant transversale à tous les niveaux » souligne Hinano Teanotoga, qui salue aussi « le Ministère de l’Outre-mer, via le Fonds Outre-mer, ainsi que l’AFD, pour leur soutien financier déterminant à la réalisation de cette étude ».
« La prochaine étape de cette démarche vise à finaliser le cadre législatif et institutionnel de l’ESS en Polynésie française d’ici la fin de cette année pour introduire le projet de loi dans le circuit institutionnel au plus tard début 2026, et à définir l’écosystème d’accompagnement qui en assurera son déploiement » espère la directrice de l’Agence.
Si pour l’heure le texte est toujours en construction, Hinano Teanotoga assure que le « souhait est tout d’abord de ne pas opposer ce que nous appelons l’économie classique ou traditionnelle qui créer de la richesse et des emplois dans notre Pays, à ce nouveau mode d’entreprendre ». Il ne s’agit pas non plus « de décourager le bénévolat » mais « de soutenir une nouvelle forme d’entreprendre qui permet d’apporter, à une économie parfois informelle une meilleure justice sociale, l’accès à un revenu décent, à une couverture sociale plus favorable, mais bien évidemment nous devons également travailler sur un régime fiscal et social de l’ESS, adapté ».
Selon un diagnostic réalisé par Business France, l’ESS représente en 2024 en Polynésie un potentiel de près de 11 200 acteurs, principalement des associations dont 285 établissements employeurs (soit 3,16% des 8 290 établissements employeurs) regroupant 2 713 salariés (soit 3,67% des 74 000 salariés en moyenne) dont 65% de l’effectif est féminin entre 2023 et 2024 et représente une masse salariale estimée à plus de 10 milliards de Fcfp (+25% depuis 2019). « Ce sont des éléments que nous allons d’ailleurs affiner au fil du temps avec la mise en place à terme d’un observatoire de l’ESS ».
« Nous espérons donc au travers de cette loi mieux structurer l’écosystème de l’ESS, qui pourrait également permettre de faciliter la structuration de nos filières économiques à impact, pour accélérer la transition vers un modèle polynésien durable, inclusif et créateurs d’emplois, en valorisant les ressources locales et les savoirs faire traditionnels : secteur primaire, artisanat traditionnel, culture, notamment », ajoute la directrice de l’Agence de développement économique.
Ce projet de loi de pays aura aussi pour ambition de « renforcer durablement les capacités des structures de l’ESS pour améliorer leur gouvernance, leur pérennité financière, leur impact social, et leur contribution au développement local ». La directrice de l’Agence de développement économique évoque notamment un « accompagnement adapté, des moyens humains et de cadres juridiques spécifiques (SCOP, SCIC, CAE) encore inexistants localement ».
Le texte entend également « positionner l’ESS comme un véritable moteur central de la transition écologique et de la justice sociale favorisant des pratiques durables et solidaires, qui répondent aux enjeux environnementaux et sociaux du territoire ». Enfin, il s’agit aussi de « consolider et dynamiser la coopération entre les archipels de la Polynésie (d’où la présence des communes) et avec les partenaires régionaux du Pacifique, de l’Outre-mer et à l’international afin de renforcer les synergies économiques, sociales et environnementales ».
« L’ESS est l’économie qui nous rassemble et qui nous ressemble » conclut Hinano Teanotoga qui assure la volonté des acteurs institutionnels et politiques de « construire sans détruire, dans un esprit d’inclusion et de continuité ».























