Les élus du Congrès étaient réunis en commission, jeudi 27 novembre, pour débattre de la tenue d’une consultation anticipée sur l’accord de Bougival. Entre les difficultés à modifier le texte d’ici le vote des Calédoniens et la fragilité juridique de la consultation, une partie des défenseurs de l’accord n’hésitent plus à afficher leurs doutes sur la pertinence d’un tel scrutin. Le groupe UNI a annulé sa participation à la commission et menace de retirer son soutien à Bougival. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Dans les allées du Congrès, à quelques heures d’une commission très attendue sur la consultation citoyenne anticipée, le constat d’une partie des élus était cinglant, jeudi 27 novembre : « On ne comprend pas ce que fait l’État. Ce n’était déjà pas simple, là ça devient carrément compliqué », glisse un conseiller, inquiet des conséquences de la nouvelle manœuvre du gouvernement Lecornu sur un accord de Bougival déjà fragilisé.
L’idée, avancée par la ministre des Outre-mer Naïma Moutchou le 14 novembre juste avant son départ du territoire, d’organiser un vote « pour » ou « contre » l’accord avant même l’adoption de la réforme constitutionnelle avait été validée par les formations politiques signataires -hors FLNKS- sans provoquer un enthousiasme débordant. À mesure que le projet se précise, certains partis se montrent de plus en plus réticents.
L’État ferme la porte aux modifications
« Si on avance dans ce sens, on pourrait rapidement revoir notre position sur l’accord », prévient Jean-Pierre Djaïwé, signataire et président de l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) au Congrès. Ardent défenseur du texte, le groupe indépendantiste a récemment durci le ton envers l’État, accusé de faillir à sa parole.
Au cœur de la mésentente : la possibilité d’amender le compromis. « Lors de la venue de la ministre, nous avons listé un certain nombre de sujets sur lesquels nous souhaitions revenir. On est tombés d’accord avec les partenaires calédoniens, mais on attend toujours une réponse de l’État ». Or, ce dernier ne semble pas pressé de se saisir du sujet, malgré sa promesse de « poursuivre des discussions relatives à la mise en œuvre de l’accord, notamment à apporter les éclaircissements nécessaires ».
Auditionnée par le Sénat, la ministre des Outre-mer Naïma Moutchou a en effet indiqué que les Calédoniens se prononceront en mars sur « l’accord de Bougival tel qu’il a été publié au mois de juillet », fermant la porte à d’éventuels amendements. Le projet de loi sur la consultation anticipée, rendu public il y a une semaine, a confirmé cette ligne : le vote concernera exclusivement « la mise en œuvre de l’accord de Bougival publié le 6 septembre au Journal officiel de la République française ».
« Pour nous, c’est un vrai problème », affirme Jean-Pierre Djaïwé, dont la formation politique exige une révision des mécanismes de transfert de compétences prévues par l’accord. Il n’est pas le seul à se montrer dubitatifs.
Un vote sur une version provisoire
La consultation « ne peut être organisée, selon nous, qu’à la condition que certains compléments politiques soient intégrés audit accord, et qu’ils fassent consensus avec l’UC-FLNKS », avait déjà indiqué le groupe non indépendantiste Calédonie ensemble, au lendemain de l’annonce de Naïma Moutchou.
Outre les volontés de modification propres à chaque formation politique, l’enjeu est en effet de convaincre le mouvement de libération de revenir dans le giron de l’accord. L’Éveil océanien avait lui aussi estimé essentiel d’apporter « des compléments aux travaux [..] permettant un véritable accord consensuel ». Mais la ministre des Outre-mer a tranché, devant les sénateurs : les modifications ne pourront être discutées qu’au moment « de la mise en œuvre » de l’accord, donc « après la consultation ».
De quoi s’interroger sur la pertinence d’un vote qui pourrait porter sur un compromis rapidement obsolète. En cas de modifications majeures, quelle sera alors la réaction des Calédoniens, qui se seront exprimés sur une simple version provisoire ?
Dans ce contexte, le risque de paralysie des négociations jusqu’au 15 mars, date probable du vote, grandit. « On continue de discuter entre nous, mais pour acter des modifications, il faut la validation de l’État », souligne un élu. C’était justement l’objectif de la mission des hauts fonctionnaires, composée de l’ancien haut-commissaire Thierry Lataste et de Benoît Lombrière, ex-conseiller Outre-mer de Nicolas Sarkozy. Attendue ce vendredi en Nouvelle-Calédonie, elle a finalement été reportée, sans explication.
Une déconvenue de trop, pour le groupe UNI, qui a décidé de boycotter la commission organisée ce jeudi. « Si l’État ne nous donne pas des engagements clairs d’ici mercredi 3 décembre (date de l’examen du projet de loi sur la consultation au Congrès, NDLR), nous voterons contre », menace Jean-Pierre Djaïwé. Les Loyalistes et le Rassemblement ont émis un avis favorable, tandis que l’Éveil océanien et Calédonie ensemble ont réservé leur vote pour la séance publique.
Baptiste Gouret pour Les Nouvelles Calédoniennes























