TRIBUNE. Projet de loi-programme Mayotte : Le CESE demande « l’égalité républicaine » pour l’archipel de l’océan Indien

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TRIBUNE. Projet de loi-programme Mayotte : Le CESE demande « l’égalité républicaine » pour l’archipel de l’océan Indien

Saisi pour avis sur le projet de loi-programme pour la refondation de Mayotte, le CESE, sous la plume des représentants, rapporteurs, Nadine Hafidou, Alain Le Corre et Éric Leung, « se prononce en faveur d’une convergence des droits sociaux dans un calendrier accéléré ». Accès à la santé, convergence des droits, éducation, alimentation, logement : les rapporteurs plaident pour « l’égalité républicaine » et ce, « dans les plus brefs délais ».

Nous demandons l’égalité républicaine pour Mayotte

Le Conseil économique, social et environnemental a été saisi par le Premier ministre de l’article 1er du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Dans un avis rapporté par Nadine Hafidou (groupe des entreprises, CCI Mayotte), Alain Le Corre (groupe CGT) et Éric Leung (président de la délégation aux Outre-mer, représentant de l’océan Indien), le CESE se prononce en faveur d’une convergence des droits sociaux dans un calendrier accéléré.

La loi de programmation pour la refondation de Mayotte est très attendue de la population mahoraise. L’île connaît une situation de tension depuis des années liée aux inégalités sociales, au chômage, aux difficultés d’accès aux droits et aux services publics, qui génèrent un fort sentiment d’abandon. Le passage de deux cyclones ne fait que rendre encore plus urgente la réponse de l’État aux besoins de développement de l’île : eau, assainissement, traitement des déchets, protection de l’environnement, routes, nouvel aéroport, modernisation du port, construction de logements, raccordement au très haut débit.

Le CESE réclame à présent l’égalité républicaine pour nos concitoyens de Mayotte. Nous demandons de rendre effective l’égalité des droits et de l’ensemble des prestations sociales dans les plus brefs délais, et la date de 2031 proposée par le gouvernement doit rester une date butoir de fin de travaux. Cette convergence doit être assortie d’un échéancier à démarrage immédiat, établi et réalisé en pleine concertation avec les acteurs du territoire (élus et les forces vives, syndicats, employeurs, Conseil économique, social et environnemental de Mayotte).

Cet investissement à long terme pour la reconstruction et le développement durable de l’île doit prendre en compte les besoins actuels mais aussi futurs d’une population qui devrait doubler voire tripler dans les 30 ans à venir : selon l’INSEE, à l’horizon 2050, entre 440 000 et 760 000 habitants vivront à Mayotte. Les dotations budgétaires de l’État et des collectivités territoriales devront être rapidement réévaluées en conséquence pour faire face aux besoins éducatifs, de santé, de logements, d’infrastructures…

Les situations de mal-logement sont indignes de notre pays et le manque de logements, notamment sociaux, entrave considérablement le développement de l’île. La moitié de la population mahoraise vit dans des habitats précaires, sans eau potable, assainissement et électricité, sous la menace permanente de pénuries d’eau et de maladies hydriques. De plus, l'habitat illégal est très destructeur pour l’environnement et consommateur d’espace. Le CESE demande à l’État de faire de l’habitat une priorité politique, en associant les collectivités territoriales à un plan ambitieux de construction de logements sociaux.

Il faut aussi mettre l’accent sur le volet social de l’accès à l’eau en mettant en place d’un tarif social de l’eau. Le CESE demande à l’État d’apporter son soutien aux collectivités territoriales en mettant à disposition l’ingénierie nécessaire et l’aide au financement (AFD, CEREMA, ANCT, IRD, BRGM…) afin d’accélérer la mise en œuvre d’un grand plan pour le logement et le renouvellement en profondeur l’habitat existant.

La précarité alimentaire reste très préoccupante à Mayotte. Les prix des produits alimentaires sont 30 % plus élevés par rapport à l’Hexagone, alors que 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le CESE demande le renforcement du dispositif de « bouclier qualité-prix » afin de permettre l’accès aux biens de consommation à des prix abordables, et de développer les productions locales de fruits, légumes, élevage et pêche, en diversifiant les productions et en renforçant les filières pour mieux couvrir les besoins et créer des emplois locaux. Un assouplissement transitoire des modalités d’importation de produits agricoles issus de la zone régionale permettrait dans un premier temps de faciliter les approvisionnements et de faire baisser les prix.

Il faut rattraper le retard important pris dans la construction d’écoles, de collèges et de lycées pour scolariser tous les élèves dans de bonnes conditions. Les constructions scolaires doivent être mises aux normes sismiques, cycloniques et adaptées aux conséquences du changement climatique : espaces arborés, bâtiments traversant, économies d’énergie, brassage d’air et climatisation basse consommation. Le CESE approuve la mise en œuvre du plan d’urgence pour la construction scolaire financé par l’État afin de supprimer les rotations scolaires qui dégradent l’apprentissage des élèves. Un suivi annuel de la mise en œuvre de cet engagement devra être mis en place.

La formation professionnelle doit permettre de préparer une génération apte à prendre des responsabilités au service du territoire. La lutte contre le décrochage scolaire est un enjeu majeur car s’en suivent d’importantes difficultés d’insertion sociale. Il faut mettre en place des formations professionnelles adaptées aux besoins très importants en compétences du territoire et permettant l’accès à l’emploi. Le CESE demande ainsi de renforcer les moyens alloués aux Centres de formation d'apprentis (CFA) et au Service militaire adapté (SMA) pour développer les formations dans les nombreuses filières qui offrent des perspectives d'emploi.

Le CESE prend acte de la volonté du gouvernement d’avancer la convergence progressive des droits en vue d’une effectivité dès 2031. Cette convergence sociale doit consister pour le CESE à aligner l’ensemble du système de protection sociale : santé, famille, handicap, retraites, emploi, protection universelle maladie et complémentaire santé solidaire, sur le droit commun dans un calendrier resserré visant l’égalité des droits. Le CESE considère qu’avec 276 euros de pension moyenne, les retraités de Mayotte ne peuvent pas vivre dignement et sont contraints de recourir à la solidarité familiale. Une réforme s’impose pour une meilleure couverture et un relèvement des droits.

Le projet de loi annonce que la convergence du SMIC net sera effective au plus tard en 2031, et selon un calendrier défini en lien avec les acteurs économiques et sociaux. Le CESE approuve cette mesure et demande un accompagnement des entreprises. Le CESE demande aussi une application à Mayotte des conventions collectives nationales, adaptées à la situation locale.

L’accès à la santé et aux soins de qualité est un droit essentiel de notre pacte social. Pourtant celui-ci est loin d’être assuré. Le centre hospitalier de Mayotte (CHM) est dans une situation critique, sous-dimensionné, en sous-effectifs chronique et en manque de médecins. Avec le projet de loi, l’État s’engage à la fois à développer l’offre de soins et à renforcer sa politique de santé publique et de prévention. Le CESE ne peut que souscrire à cette mesure attendue depuis plusieurs années.

Il faut également développer la présence sur le terrain de la Protection maternelle et infantile compte tenu de la jeunesse de la population et de la forte natalité. Face à la pénurie de praticiens de ville, le CESE préconise à l’Agence régionale de santé (ARS) de faciliter l’installation de nouveaux praticiens étrangers diplômés et habilités (Praticiens à diplôme hors Union-Européenne), ainsi que la création de maisons de santé pluridisciplinaires.

Pour le CESE, le projet de loi comporte de nombreux points positifs qui peuvent installer Mayotte dans une voie de reconstruction, de stabilisation et de développement. Au-delà des délais qui doivent être tenus, l’État a une réelle obligation de mettre en œuvre ces engagements et d’assurer les financements nécessaires.

Nadine Hafidou, groupe des entreprises, CCI Mayotte

Alain Le Corre, groupe CGT

Éric Leung, président de la délégation aux Outre-mer, représentant de l’océan Indien