Tribune. Le génie d’Eugénie Eboué par Guillaume Villemot

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Tribune. Le génie d’Eugénie Eboué par Guillaume Villemot

 

Durant le mois d’Août de nombreuses personnalités se sont mobilisées entre autres sur les réseaux sociaux derrière le hashtag : #1génie2génie.

Derrière ces chiffres et ces lettres se cachent la volonté de rendre à Eugénie Éboué la place qui lui revient dans notre histoire nationale en exhaussant son vœu reposer aux côtés de son mari le Gouverneur Félix Éboué au Panthéon.

Au-delà de la volonté de la voir rejoindre son époux, les différents témoignages ont mis en avant toute les facettes de l’action d’Eugénie, comme institutrice, comme anthropologue avec le décryptage du langage tambouriné et sifflé des populations africaines, comme député et sénatrice se battant pour l’égalité des droits des enfants issus de parents nés dans les anciens territoires des colonies, Eugénie, c’est aussi la femme qui a milité pour les droits des femmes et des ultramarins. Mais aussi la mise en avant de son action comme femme de Félix Éboué où elle aura a été la première résistante de l’Empire coloniale, puis elle deviendra la passeuse de la mémoire de l’œuvre du gouverneur Éboué au travers de ses engagements associatifs et dans ses mandats d’élu locale comme à Asnières sur Seine où elle agira pour promouvoir le sport comme levier à l’éducation et à l’insertion avec par exemple la construction de la piscine.

Ces témoignages sont venus de tous les univers, pour Alain Malraux « 73 ans après l’entrée de son époux au Panthéon en même temps que l’abolitionniste Victor Schœlcher, il est impératif que cette pionnière exemplaire du féminisme et de l’émancipation rejoigne son époux ».

Pour la journaliste Mémona Hintermann « Derrière le grand homme Félix résistant de la France Libre, Eugénie l’ethnologue, les Éboué, un couple hors du commun, il l’attend au Panthéon ! ».

Mais c’est aussi Joël Destom qui a apporté un vibrant témoignage : « Pourquoi Eugénie serait-elle admise "à rejoindre son époux" au Panthéon ? Pourquoi ne serait-elle pas reçue pour ses combats, son intégrité, ses convictions et sa vision sur la France coloniale à l'issue de la seconde guerre mondiale ... quatre points cardinaux d'une boussole parfois oubliée.

Ses combats: Elle a connu le pire de son époque, s'est battue pour le rendre meilleur et a choisi l'engagement dans la première unité militaire féminine, créée par la France Libre. Sa Croix de Guerre, sa Médaille de la Résistance et les symboles associés par la République à son courage doivent être partagés avec toutes les françaises, avec tous les français à la recherche d'une certaine idée de la France.

Son intégrité : Après le décès de Félix Éboué, elle a privilégié la parole politique au silence d'une veuve éplorée. Sur la scène nationale puis locale, elle a toujours défendu l'intérêt supérieur ainsi que l'union. Le respect et la reconnaissance de toutes ses qualités par ses partenaires et opposants politiques doivent être partagés avec tous les françaises, avec tous les français à la recherche d'une certaine idée de la Politique.

Ses convictions : Cette institutrice a toujours cru que l'éducation grandissait l'homme et éclairait son destin. Elle a incarné une francophonie destinée à faire vivre la vertu d'universel. Son affirmation d'une volonté qui passe tous les obstacles pour défendre les droits des hommes et des femmes particulièrement (retraite, sécurité sociale, etc.) doit être partagée avec tous les françaises, avec tous les français à la recherche d'une certaine idée de l'Humanisme.

Sa vision: Sur les relations de la France avec ses colonies, elle a développé une approche pragmatique. "Il est en effet hors de saison de désigner sous le vocable de colonies des terres comme la Guadeloupe, française depuis 300 ans et dont les fils ont toujours donné généreusement leur sang pour la défense de la France"*. Ses convictions pour une réelle égalité et un destin commun doivent être partagées avec tous les françaises, avec tous les français à la recherche d'une certaine idée de l'Avenir.

*Bulletin hebdomadaire d'information du ministère des colonies, carton 112, dossier 53.

Pour l’écrivain Alexandre Jardin « Eugénie doit entrer au Panthéon pour unir sa grandeur à celle de son homme. Ils forment une double grandeur. Faire entrer l’amour dingue au Panthéon n’est-ce pas divinement français ? ».

Pour l’écrivain Jean-Claude Degras auteur de la seule biographie à ce jour sur Eugénie Éboué (Eugénie Éboué Histoire d’une passion édition Iggybook) : « À part nos sportifs qui ont largement démontré leurs qualités intrinsèques, nombre d'écrivains, de musiciens, de médecins, chercheurs etc.  Ont démontré leur capacité à répondre à l'exigence de notre République. Mais l'image d'Eugénie est attractive en ce qu'elle résume plusieurs pans d'histoire dont chacun a sa part de vérité, mais qui rendent bien compte de la nécessaire conjugaison entre centre et périphérie française à l'heure où les tendances politiques régionalistes tendent à inscrire un autre rapport politique et identitaire, face au néo-libéralisme. Il y a donc lieu de trouver un espace de dialogue et de communication mieux adapté aux idéaux de notre République et à la demande de reconnaissance des DOM.

Eugénie est indirectement et directement fille de cette histoire, mais aussi fille de cette résistance qui a redonné à la France ses lettres de noblesse, face à ceux qui ont fait le choix de trahir la patrie.

Il faut savoir faire sortir la République des ornières dans lesquelles elle se complait parfois par peur ou par indifférence. Il faut varier les présentations et les représentations dont peuvent s'inspirer les écrivains, les historiens, les musées, les bibliothèques, les centres de conférence, les écoles et le monde de l'Art. Le choix de Simone Veil, comme celle de Joséphine Baker est à ce titre exemplaire, une histoire d'héroïnes Françaises toutes couleurs et confessions confondues. Alors Eugénie la première sera-t-elle enfin reconnue dans notre histoire nationale. Il est temps de précipiter le temps. 

L'oublier serait la tuer deux fois et surtout oublier Félix Éboué dont le combat pour notre liberté est plus que jamais vivant dans notre histoire nationale »

Pour Annick Leroy, Secrétaire générale de l'Union des Guyanais et amis de la Guyane et Secrétaire générale du Comité National Félix Éboué : « Eugénie Éboué reste pour nous un exemple de femme exceptionnelle de par sa personnalité et son engagement sans faille aux côtés de son mari Félix Éboué. Cette grande dame, cette femme de conviction et d'héroïsme incarne le patriotisme, la passion et le courage.

Eugénie a su ne jamais rester "un second rôle" auprès de son époux et, après la disparition de ce dernier, continuer inlassablement son œuvre au service de la France et des Français.

Unis tout au long de leur vie dans un même combat pour la République, il me paraît logique, essentiel qu'elle le rejoigne pour l'éternité. Ils ne faisaient "qu'un" de leur vivant, qu'ils le demeurent et reposent ensemble au Panthéon.

Notre Histoire doit savoir reconnaître la femme d'exception et lui rendre hommage.

Et pour conclure comment ne pas reprendre le très beau témoignage de l’artiste C215 (Christian Guémy) qui au portrait d’Eugénie qu’il a spécialement réalisé a ajouté ces mots « Félix Éboué figure illustre de la France Libre a été panthéonisé sans son épouse Eugénie, dont le parcours est magnifique : résistante, députée, conseillère de la République et sénatrice de Guadeloupe… Eugénie a toute sa place au Panthéon ! ».

Alors oui en cette année où nous avons en juin célébré les 100 ans de mariage entre Eugénie et Félix et où en Novembre prochain nous commémorerons le 50ème anniversaire de la disparition d’Eugénie, il est important que le génie d’Eugénie soit reconnu du plus grand nombre et que la Nation reconnaissante lui permette de réaliser son souhait- le plus cher reposer auprès de l’homme de sa vie et bien sur #1genie2genie.

 

Guillaume Villemot