PORTRAIT. Du barreau de Paris, à Goldup et l'École 42 : les multiples vies de la jeune Guyanaise, Mélanie Dinane, engagée pour un numérique inclusif

PORTRAIT. Du barreau de Paris, à Goldup et l'École 42 : les multiples vies de la jeune Guyanaise, Mélanie Dinane, engagée pour un numérique inclusif

Originaire de Cayenne, Mélanie Dinane est l’une des figures montantes de la tech française. Cofondatrice de Pyxo, une start-up engagée dans l’économie circulaire, et de Goldup, un programme en ligne destiné aux femmes entrepreneures, elle poursuit aujourd’hui son engagement à l’École 42, où elle dirige les relations entreprises et pilote l’incubateur de l’école. À travers l’accompagnement de start-ups et de talents, elle défend une vision de l’innovation comme levier d’inclusion, de diversité et d’ouverture. Pour la jeune trentenaire, la technologie et l’entrepreneuriat se conjuguent aussi au féminin. Pour Outremers 360, elle partage ses engagements quotidiens qu'elle porte avec détermination et lucidité.

Un parcours résolument tourné vers la tech

Mélanie Dinane commence sa carrière comme avocate en droit public des affaires à Paris, mais son parcours prend rapidement une autre direction : attirée depuis l’enfance par le code et l’innovation, elle s’oriente naturellement vers la technologie. Elle cofonde Pyxo avec deux ingénieurs, une start-up dans l’économie circulaire, qui parvient à lever 7 millions d’euros et Goldup, un programme 100 % en ligne dédié à l’accompagnement des femmes entrepreneures.

Plongée dans l’écosystème tech, Mélanie fait un passage par Station F avant de rejoindre l’École 42, séduite par sa pédagogie innovante, libre et inclusive. Aujourd’hui directrice des relations entreprises, elle pilote également l’incubateur de l'École 42, installé à Station F, où elle accompagne des start-ups avec l’ambition de rendre la tech plus accessible, plus diversifiée et plus équitable.

Femmes et entrepreneuriat : les freins systémiques, la réponse communautaire

Mélanie Dinane ne cache pas les obstacles rencontrés en tant que femme issue des Outre-mer dans l’univers encore très masculinisé de la tech et de l’entrepreneuriat. Elle raconte les discriminations indirectes subies, comme l’impossibilité d’obtenir une assurance pour son entreprise là où ses cofondateurs masculins y parvenaient sans peine. Ces écarts de traitement ont éveillé chez elle une conscience aiguë des biais systémiques que vivent les femmes entrepreneures, notamment quand elles n’ont pas eu de modèles ou de réseaux entrepreneuriaux dans leur entourage, comme c'était son cas en Guyane. 

Cette réalité l’a menée à co-fonder Goldup, une communauté 100 % en ligne qui propose un programme de formation entrepreneuriale. Le passage au format numérique, notamment pendant la crise sanitaire, a permis de toucher une large audience, y compris des créatrices ultramarines éloignées physiquement des grands centres d’incubation. « En devenant entrepreneure, j’ai découvert à quel point il était difficile, en tant que femme, d’obtenir des réponses positives à des mails pourtant identiques à ceux de mes associés masculins. Ces écarts m’ont frappée, d’autant plus qu’ils étaient invisibles pour mes collègues hommes, mais immédiatement reconnus par d’autres femmes entrepreneures avec qui j’échangeais. C’est ce décalage d’expérience qui m’a poussée à co-fonder Goldup, un programme d’accompagnement dédié aux femmes entrepreneures, pour offrir le soutien et les ressources que j’aurais aimé trouver à mes débuts. En trois ans, nous avons accompagné plus de 500 projets portés par des femmes. Parmi lesquels Pickme, une plateforme de livraison collaborative entre voisins, ou encore Youzd, spécialisée dans l’achat et la livraison de meubles de seconde main. »

Technologie et territoires ultramarins : un levier d’avenir

A l’École 42, Mélanie Dinane poursuit son engagement pour un accès élargi et inclusif à la tech. Elle considère l’École 42 comme un modèle d’inclusion et d’innovation pédagogique. Sans exigence de diplôme, fondée sur une pédagogie active et orientée projet, l’école accueille près de 30 % d’étudiantes — un chiffre encore exceptionnel dans ce secteur. Pour Mélanie, ce format représente une réelle opportunité pour les jeunes ultramarins, notamment ceux qui n’ont ni les moyens ni la possibilité de quitter leur territoire : « L’École 42 a débuté à Paris en 2013, avec son campus original. Aujourd’hui, elle s’est transformée en un réseau mondial de 56 campus répartis dans plus de 34 pays. L’école continue de croître et vise l’ouverture de 200 campus dans les prochaines années. » et d’ajouter : « L’ouverture d’un campus en outre-mer n’est pas exclue et serait une initiative formidable. » 

Elle espère que de telles écoles pourront voir le jour en Outre-mer, soulignant que de nombreux métiers du numérique sont déjà accessibles : « Il existe de nombreuses opportunités et de belles initiatives sur nos territoires et en régions, particulièrement parmi les entrepreneurs ultramarins. Personnellement, je suis depuis des années des entrepreneuses comme Marina Royer en Guyane. Il se passe vraiment des choses intéressantes en Outre-mer. Il est important de ne pas se fermer des portes et de saisir l’opportunité qu’offre Internet, que ce soit pour se former ou découvrir de nouvelles perspectives. »

Mélanie Dinane avance avec ses mantras comme boussoles. Pour elle, « la vie n’est pas une autoroute », convaincue que les chemins détournés mènent souvent aux plus belles découvertes. Et quand le doute s’invite, elle oppose un élan d’audace avec une phrase qui claque comme un encouragement : « Vas-y, au pire ça marche ! ». Un état d’esprit résolument tourné vers l’action, l’ouverture et la confiance en soi.

EG