PORTRAIT. De Lifou à Bercy, le Calédonien Hmana Wawalaha trace sa voie dans les arcanes du droit public français

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PORTRAIT. De Lifou à Bercy, le Calédonien Hmana Wawalaha trace sa voie dans les arcanes du droit public français

C’est l’histoire d’un jeune homme qui ne se laisse pas définir par ses échecs. Hmana Wawalaha occupe depuis quatre mois le poste de consultant juridique au sein du bureau de la réglementation générale de la commande publique de la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. C’est pourtant sans détour que le Calédonien évoque ses deux tentatives au concours de la magistrature administrative, sa réorientation après une expérience mitigée à Sciences Po, ou encore ses projets de retour au pays qui n’ont pas abouti. Qu’à cela ne tienne : Hmana Wawalaha est bien déterminé à poursuivre ses objectifs. En attendant, c’est à Bercy qu’il met son expérience à profit, avec un objectif à plus long terme : mettre un jour ses compétences au service des institutions calédoniennes.

Quand on lui demande pourquoi avoir choisi le droit comme discipline de prédilection, Hmana Wawalaha se replonge dans ses premières années en Hexagone, après l’obtention de son bac en Nouvelle-Calédonie. « À Sciences Po, il y avait une matière sur les institutions politiques. C’est ce que je préférais. Quand j’ai quitté l’école, je me suis dit : pourquoi ne pas aller au bout de ça, et me former au droit ? » Cette décision marquera le point de départ pour le jeune étudiant. Après une expérience difficile à Sciences Po Paris, Hmana Wawalaha rentre en Nouvelle-Calédonie et reprend tout depuis le début. Là-bas, il valide une licence de droit. Il repartira de nouveau pour l’Hexagone où il sera cette fois diplômé d’un master 2 en contentieux public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Durant sa période universitaire, il multipliera les stages : au Conseil d’État, mais aussi au tribunal administratif de Paris. « Ce qui m’a marqué, c’est de voir comment s’articulent la loi, la jurisprudence et les réalités de terrain. Ce n’est pas théorique. C’est du concret, et c’est souvent complexe. »

À deux reprises, il tentera le concours de la magistrature administrative. Et à deux reprises, le résultat ne sera pas celui espéré. « À un moment, j’ai eu besoin de faire une pause. De voir autre chose. » Au début de l’année 2025, le jeune homme souhaite rentrer en Nouvelle-Calédonie. Là encore, le projet n’aboutira pas. « J’ai passé des entretiens, j’ai envoyé plusieurs candidatures, en vain. Je voulais rentrer, mais pas sans emploi. Il fallait que je m’assure d’avoir un travail, que mon retour soit utile. » Sans réponses favorables à ses demandes, Hmana Wawalaha fait le choix de postuler dans plusieurs ministères à Paris. C’est finalement au ministère de l’Économie qu’il sera retenu, à la Direction des affaires juridiques, en tant que consultant. Il prend alors son poste en avril 2025, pour un contrat de deux ans. « Ce n’était pas le plan initial, mais c’est une étape que j’assume. Mon objectif reste le même : rentrer au pays. Mais je veux y retourner avec une vraie expérience. Ce que j’apprends ici, je veux pouvoir le valoriser là-bas. »

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 Le droit au plus près de l’État

Au sein de la Direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’Économie, Hmana Wawalaha est consultant pour le bureau chargé de la fabrication des règles qui encadrent les marchés publics, pour l’État comme pour les collectivités territoriales. « C’est nous qui préparons les textes. On intervient très en amont : dès que le ministère a une intention politique, nous la transformons en propositions juridiques. » Le consultant calédonien rédige ainsi notes mais aussi fiches et avis techniques à destination des cabinets ministériels. Il participe également à la préparation des projets de loi, à leur vérification juridique et à leur présentation dans les instances parlementaires. « On a, par exemple, travaillé récemment sur le projet de loi de refondation pour Mayotte. Il y avait des dispositions spécifiques à inclure sur la commande publique. On a dû analyser si elles étaient compatibles avec le droit national, le droit européen et les règles propres aux Outre-mer. Parfois, on propose des formulations. Parfois, on dit clairement ce qui n’est pas faisable. C’est une discussion constante entre le juridique et le politique. » Ces échanges, autours des territoires ultramarins, sont déterminants. « Pour qu’une disposition législative s’applique en Outre-mer, elle doit souvent être mentionnée expressément. C’est une règle connue, mais qu’on oublie parfois. Nous, on doit s’assurer que ce soit bien précisé. Si on ne l’anticipe pas dès l’écriture de la loi, la disposition ne s’appliquera pas. On n’est pas là pour imposer, mais pour sécuriser, traduire, ajuster. »

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Préparer l’avenir

Même s’il a signé un contrat de deux ans à Bercy, Hmana Wawalaha ne considère pas cette parenthèse parisienne comme une fin en soi, mais comme une marche nécessaire. « Je veux m’investir jusqu’au bout ici. Ce que j’apprends ici, je n’aurais pu l’apprendre nulle part ailleurs. Ce sera une expérience de plus, que je pourrai faire valoir ensuite en Nouvelle-Calédonie. » 

Revenir sur son territoire serait donc la finalité. « Cela a toujours été mon objectif. » Quant au concours de la magistrature administrative, Hmana Wawalaha espère le réussir la prochaine fois qu’il le passera, même s’il sait que cela retardera encore son retour. « Je devrais probablement faire mes armes ailleurs avant, dans une autre région ou dans un autre territoire d’outre-mer.» L’hypothèse de ne pas repasser le concours en question pourrait également se faire une place dans ses futurs projets. « Le droit, c’est un outil pour faire avancer un territoire, mais le plus important est d’être utile. Dans les collectivités locales, les provinces, les mairies… J’aimerais travailler au service des institutions locales ; pas forcément dans un tribunal... »

Abby Said Adinani