Interview exclusive. Xavier Lédée, président de la collectivité de Saint-Barthélemy fait le point sur les grands projets de la rentrée : entre sécurisation des côtes, plan logement, urgence environnementale et fibre optique

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Interview exclusive. Xavier Lédée, président de la collectivité de Saint-Barthélemy fait le point sur les grands projets de la rentrée : entre sécurisation des côtes, plan logement, urgence environnementale et fibre optique

Xavier Lédée, président de la collectivité de Saint-Barthélemy, a accepté de s’exprimer pour Outremers 360 sur les dossiers majeurs qui structurent la vie de l’île. De la sécurisation des côtes à la crise du logement, en passant par la valorisation des sargasses, la gestion de l’eau, la finalisation du déploiement de la fibre optique, la reconstruction de l’hôpital… Il détaille les ambitions de la collectivité et les défis à relever pour garantir sécurité, résilience et qualité de vie aux habitants.

 

Sécurisation des côtes : le projet de « frontière intelligente » se précise

 « Nous sommes dans une zone où la question des stupéfiants est particulièrement présente. Notre priorité est donc de protéger la population et d’assurer la sécurité de l’île. C’est tout l’objet du projet de frontière intelligente », explique le président.

La première étape du projet a été matérialisée par la signature d’une convention avec la gendarmerie pour l’installation d’une première caméra, en cours d’acquisition. Celle-ci permettra de sécuriser le port de Gustavia et sa zone d’approche, sur une dizaine de kilomètres. L’objectif à terme : déployer un réseau complet de caméras couvrant l’ensemble du littoral.

Ce dispositif s’ajoute aux plus de 200 caméras déjà installées sur l’île et s’inscrit dans un plan de sécurisation plus large. Un centre de surveillance urbaine est également à l’étude. Parallèlement, la Collectivité réfléchit à la mise en place de fiches d’entrée simplifiées pour les voyageurs, avec quelques informations de base comme le lieu de résidence et la durée du séjour, afin de mieux anticiper les flux et éviter certaines situations problématiques.

La première caméra devrait être opérationnelle dans quelques mois. L’investissement, estimé à environ 400 000 euros pour une seule caméra, marque le début d’un projet ambitieux, qui pourrait permettre, d’ici trois à cinq ans, de couvrir l’ensemble de l’île malgré un relief accidenté.

 Logement : un plan d’urgence toujours en application

La crise du logement reste une préoccupation majeure. Adopté en 2023, le plan d’urgence logement peine à avancer : « En réalité, l’application de ce plan, et peut-être même son avenir, a souffert de l’absence de majorité forte », reconnaît Xavier Lédée. Avec trois groupes au Conseil territorial, les divergences ont freiné la marche à suivre et bloqué l’avancement du projet.

Malgré ces difficultés, une nouvelle étape s’ouvre. « Jusqu’ici, seule la partie urbanisme a été rédigée. Dans les prochaines semaines, nous allons lancer la rédaction des volets Construction et Habitation », explique-t-il. La Collectivité dispose en effet de la compétence pour établir un code spécifique à Saint-Barthélemy. Un autre chantier concerne l’adressage qui permet de donner une adresse officielle à chaque bâtiment et leur fléchage qui consiste à les identifier dans les bases administratives afin d’en assurer un meilleur suivi et ainsi comprendre la vie de chaque bâtiment : « Nous en sommes à la dernière phase de réajustement. Nous allons le représenter au Conseil territorial en septembre-octobre, pour procéder aux derniers ajustements des noms de rues demandés par certains riverains. »

En parallèle, la Collectivité mène des actions concrètes pour répondre à la crise du logement. Au cours des trois dernières années, elle a acquis une vingtaine de logements afin de répondre aux besoins en matière d’hébergement. Ces logements sont proposés à tarif préférentiel, notamment aux enseignants et aux personnels médicaux. En parallèle, plusieurs programmes de construction vont voir le jour avant la fin de l’année : « Ces opérations devraient permettre de livrer environ 15 logements supplémentaires dans les deux prochaines années. »

Les besoins demeurent importants, notamment pour les 300 fonctionnaires de la collectivité, les enseignants et les personnels médicaux. Aujourd’hui seule une quinzaine à une vingtaine bénéficie d’un logement mis à disposition par la collectivité. « En termes de besoins, il reste encore beaucoup à faire. Mais sans le travail de la Collectivité en matière de logement, la rentrée scolaire ne pourrait pas se dérouler et l’hôpital ne disposerait pas du personnel nécessaire », souligne le président.

Éducation : un nouveau groupe scolaire à Saint-Jean

Projet majeur de la précédente mandature, estimé à 20,5 millions d'euros, il a été entièrement retravaillé en début de mandat, comme l’explique Xavier Lédée : « car le projet tel qu’il avait été pensé ne nous semblait pas abouti. L’aménagement du quartier, notamment, n’avait pas été suffisamment réfléchi. Nous avons donc fait ce premier travail de fond, acquis de nouvelles parcelles afin de revoir les aménagements routiers et garantir leur bon fonctionnement. »

Les conditions d’accueil ont également été améliorées : Nous avons retravaillé le projet sur le plan énergétique, optimisé les espaces de stationnement et ajouté de nouvelles fonctionnalités. Un effort particulier a été fait sur l’inclusivité, avec des salles adaptées pour les jeunes enfants en situation de handicap », détaille Xavier Lédée.

Le groupe scolaire Saint-Jean comprendra vingt classes, regroupant école primaire et maternelle. Le dépôt du permis est prévu d’ici la fin de l’année, pour un début de construction en 2026. Le chantier devrait durer au moins trois ans.

Les sargasses : urgence et stratégie durable

Depuis juin, plusieurs plages ont été envahies par les sargasses. Le ramassage est coûteux : plus d’un million d’euros en juin, pour un budget annuel de 1,6 million. « Cette année a été exceptionnelle, plusieurs plages ont été impactées en même temps. Près de 12 000 tonnes ont été ramassées », rappelle Xavier Lédée.

Pour limiter les impacts, un nouveau marché de ramassage a été lancé le 1er août, et jusqu’à cinq barges ont été mobilisées. Les zones de stockage seront remises en état d’ici la fin de l’année, avec un budget estimé entre trois et quatre millions d’euros.

À moyen terme, un plan d’urgence prévoit d’intercepter et de dévier les sargasses en mer, en collaboration avec les pêcheurs. « Les côtes de Saint-Barthélemy sont particulièrement complexes, avec de nombreux fonds remontants, ce qui rend le ramassage des sargasses depuis des bateaux à fond plat toujours incertain », explique le président de la Collectivité. « Même si cela coûte cher, et compte tenu des coûts déjà élevés du ramassage et de la taxe associée, j’ai souhaité que l’on puisse tester des solutions en grandeur nature. »

Un comité a été mis en place, réunissant élus, services de l’environnement, agences spécialisées et pêcheurs. La première expérimentation a consisté à mobiliser ces derniers directement en mer pour ramasser les sargasses, ou les dévier lorsque c’était possible. « Cette initiative a été accompagnée d’un financement de 120 000 euros pour soutenir les pêcheurs », précise-t-il.

À moyen terme, la Collectivité envisage l’installation de filets et de déflecteurs afin de protéger les baies les plus exposées.

Enfin, des réflexions sont menées avec Saint-Martin et Anguilla pour envisager une filière industrielle de valorisation des sargasses, malgré la difficulté du foncier sur l’île. Un projet de station d’épuration innovante est également à l’étude, permettant de transformer les sargasses en énergie. « L’objectif premier reste d’éviter les échouages, mais nous savons qu’aucune solution ne sera parfaite tant que le phénomène persistera. L’idée est donc de mieux gérer et valoriser ce qui arrive sur nos côtes », conclut-il.

 Connectivité : port et aéroport en modernisation

Le port est actuellement divisé en trois zones : port de commerce, unité maritime et quais. L’an dernier, les quais de la gare maritime ont été rénovés et agrandis. « Nous avons également créé un nouvel appontement pour protéger la plage voisine et mettre à disposition des espaces pour la SNSM et la station maritime », précise le président.

Des travaux de comblement de darse sont en cours, ainsi que l’agrandissement du bâtiment de stockage et l’aménagement d’un parking en étage. De nouveaux pontons et la réfection de l’esplanade sont prévus pour les plaisanciers. « Les aménagements incluent également une gestion optimisée des ordures ménagères, à proximité immédiate de leur lieu de stationnement, pour plus de praticité et de sécurité » explique le président.

Du côté de l’aéroport, les travaux sont plus modestes mais essentiels : « Nous procédons notamment au nettoyage des dépôts et des résidus accumulés sur la piste lors des atterrissages successifs, afin d’assurer la sécurité et le bon fonctionnement des opérations aériennes », précise-t-il. Un système de coordination des vols est à l’étude pour sécuriser le trafic durant les périodes de forte affluence.

De nouveaux projets structurants : réservoir d’eau supplémentaire, fibre optique enterrée, reconstruction de l’hôpital

Afin d’améliorer le quotidien des Saint-Barths, la Collectivité engage plusieurs chantiers structurants. En janvier, elle a mis en service une unité de production d’eau supplémentaire, doublant la capacité à 9 000 m³ par jour. « Aujourd’hui, nous disposons d’une sécurité beaucoup plus fiable pour l’approvisionnement en eau », explique le président. « Il y a un an et demi, nous avions connu un incident majeur de production lié à la houle. Même si les réparations avaient été effectuées en une semaine, en pleine haute saison, nous n’arrivions pas à reconstituer rapidement les stocks. Le système fonctionnait, mais à flux tendu, avec des coupures fréquentes. » La collectivité prévoit également avant la fin de l’année la construction de réservoirs supplémentaires, dont un de 1 000 mètres cubes : « Ce stockage supplémentaire augmentera notre résilience face aux coupures et améliorera considérablement le service rendu aux habitants », conclut-il.

Le déploiement de la fibre optique se poursuit : « D’ici la fin de l’année, l’ensemble de l’île sera couvert et tous les réseaux téléphoniques auront été enterrés, ce qui représente un chantier d’envergure », souligne le président. La reconstruction de l’usine de production d’électricité est en discussions avancées avec EDF : « Les choses sont plutôt bien engagées pour trouver la formule la plus adaptée. La collectivité sera partie prenante de la reconstruction elle-même », précise le président. « L’objectif est que cette reconstruction soit définitive, sans nécessité de revenir ultérieurement pour demander plus de puissance ou effectuer de nouveaux ajustements. »

La collectivité s’engage également sur la reconstruction de l’hôpital : « l’investissement d’environ 30 millions d’euros, sera financé aux deux tiers par la collectivité », explique le président. « Les fonds restants proviennent du Fonds Ségur et de la capacité d’emprunt de l’hôpital. L’objectif est que le premier coup de pioche soit donné avant la fin de l’année prochaine, pour un démarrage concret des travaux en 2026. »

Lire aussi : Saint-Barthélemy : Reconstruction de l’hôpital de Gustavia, un projet structurant validé | Outremers360 

« Le modèle économique de Saint-Barthélemy fonctionne bien, mais il a ses limites », souligne Xavier Lédée. « Le développement permanent ne pourra pas se poursuivre indéfiniment. Il est donc essentiel d’anticiper un éventuel recul de la construction et de la plus-value immobilière, qui reste une source principale de revenus, mais par nature aléatoire. »

Pour limiter cette dépendance, la collectivité réfléchit à diversifier ses recettes, et à trouver de nouveaux modèles économiques. « Nous travaillons également sur la valorisation de la marque territoriale, qui possède aujourd’hui une certaine valeur qui n’est pas exploitée », conclut-il, soulignant l’ambition de Saint-Barthélemy de transformer son image en véritable moteur économique, à l’instar d’un Saint-Tropez des Caraïbes.