La Guyane dispose désormais de son propre Centre Hospitalier Universitaire (CHU). L’établissement a été officiellement créé lundi 16 juin 2025, à la suite de la signature d’une convention liant le Centre Hospitalier Régional, l’Université de Guyane et l’UFR des sciences médicales et de santé. La cérémonie s’est tenue en présence du ministre des Outre-mer, Manuel Valls. Ce nouveau CHU devient le 34ᵉ en France et le 4ᵉ en Outre-mer.
Le CHU de Guyane s’inscrit dans une volonté de renforcement de l’offre de soins sur un territoire confronté à des défis spécifiques : vastes distances, zones enclavées, diversité des pathologies et inégalités d’accès aux soins. L’établissement aura pour missions principales : le soin, la formation et la recherche. Il regroupe les sites hospitaliers de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent-du-Maroni, en lien avec les Centres délocalisés de prévention et de soins (CDPS) et les hôpitaux de proximité.
Christophe Bouriat, le directeur général par intérim du nouveau CHU, a souligné que « le CHU de Guyane ne sera pas une simple structure hospitalière. Il sera un symbole de dignité, de souveraineté sanitaire, d’égalité réelle. » Il est aussi le résultat « d’une aventure collective, le fruit d’une mobilisation des professionnels de santé d’abord, des chercheurs, des universitaires, des élus, des usagers, des patients. Il est aussi le fruit de l’écoute de l’État, qui a entendu l’appel de toute un territoire. »
Objectif : améliorer l’offre de soins sur le territoire
L’un des enjeux majeurs de cette nouvelle structure est de réduire la dépendance aux évacuations sanitaires vers l’Hexagone. En 2019, 3 631 évacuations avaient été recensées et 7 500 séjours hospitaliers avaient eu lieu hors du territoire, soit un taux de « fuite » de 9 %. Le CHU vise à renforcer la capacité locale de prise en charge, en particulier pour des soins jusqu’alors non disponibles sur place.
Le projet médico-soignant du CHU, élaboré fin 2023 par les présidents des commissions médicales d’établissement des trois hôpitaux principaux, a été validé par l’Agence régionale de santé. Il identifie quarante filières de soins et fixe dix-sept priorités d’action. Cette feuille de route constitue la base de la gouvernance unifiée du nouvel établissement.
Pour Manuel Valls, « ce CHU (…) doit être une manière de porter des avancées concrètes pour la vie des populations (…) Vous avez posé les bases d’un projet médico-soignant ambitieux, à l’échelle de tout le territoire. Au fond, c’est ça qui est essentiel. » .« C’est la meilleure manière que vous avez de renforcer l’offre de soins de manière très efficace, au service des habitants (…) Penser à l’échelle de plusieurs sites permettra une offre cohérente au bénéfice des citoyens (…) Grâce à l’alliance des professionnels de la santé et du monde universitaire, vous faites la démonstration de ce qu’il y a de mieux pour la France (…) avec cette volonté de mettre en œuvre l’égalité réelle, une véritable justice pour la Guyane et, en effet, cette souveraineté sanitaire qui s’impose dans ce territoire comme dans l’ensemble des territoires ultramarins. »
Former sur place les professionnels de santé
La création du CHU marque également une avancée dans la formation locale des professionnels de santé. Le territoire accueillera désormais une école de médecine à Saint-Laurent-du-Maroni, en complément du cycle de formation déjà entamé avec l’ouverture de la première année de médecine en Guyane en 2015. Des formations pour les infirmiers, kinésithérapeutes et manipulateurs radio sont également prévues.
Ce développement vise à répondre aux besoins locaux, tout en limitant la migration des étudiants vers l’Hexagone et en favorisant leur installation durable sur le territoire. « Pendant trop longtemps, nos jeunes, quand ils voulaient devenir médecins, devaient partir loin, trop loin, et souvent ne revenaient pas. Nous allons construire un écosystème de formation en santé, quasi complet, ancré régionalement, connecté nationalement. Nous pourrons, dès demain, dire à nos familles, à nos lycéens : « Venez, venez vous former aux métiers de la santé, venez vous accomplir, venez contribuer à transformer ce territoire. », a précisé Laurent Linguet, Président de l'Université de Guyane.
Un pôle de recherche en santé tropicale
Le CHU s’inscrit aussi dans une dynamique de recherche. Il collaborera notamment avec l’Institut Pasteur de Guyane et l’Université à travers l’unité ad hoc « Santé des populations en Amazonie », soutenue par l’Inserm. Les acteurs souhaitent y développer une recherche adaptée aux spécificités épidémiologiques et culturelles de la région, avec l’objectif de faire de la Guyane un pôle d’excellence en santé en milieu tropical et amazonien. Le CHU sera « un accélérateur scientifique, s'est réjouit le président de l’Université. Nous allons œuvrer pour une recherche adaptée à la réalité tropicale, pluriculturelle, amazonienne de notre territoire. Nous allons amplifier les collaborations qui existent déjà avec nos partenaires (…) pour faire de la Guyane un pôle d’excellence de la recherche en santé (…) Avec le CHU, nous allons avoir l’occasion de faire rayonner la recherche en santé en Guyane. »
Une gouvernance unifiée et territorialisée
Jusqu’à présent, les trois principaux établissements de santé de Guyane fonctionnaient sous la forme d’un groupement hospitalier de territoire, avec une gouvernance partagée parfois difficile à harmoniser. La création du CHU marque un tournant, en instaurant une structure unique dotée d’un projet commun et d’une gouvernance unifiée. Ce nouveau modèle entend mieux répondre aux besoins des populations sur l’ensemble du territoire guyanais. Christophe Bouriat a rappelé qu’avec ce travail sur le projet médico-soignant, les trois présidents de CME ont pu « fédérer les trois communautés médicales, rassembler tout le monde autour d’une table et faire travailler vers cet objectif collectif que tout le monde avait mais dont on ne savait pas très bien comment y aller : devenir universitaire (…) En l’espace de dix-huit mois, nous sommes passés de trois établissements formant un groupement hospitalier de territoire, sans trop de gouvernance identifiée et souvent en concurrence, à un établissement qui va devenir universitaire, sur trois sites certes, mais avec une gouvernance commune, un projet médico-soignant commun tourné vers la réponse aux besoins de santé de la population et sur tout le territoire. C’est un CHU qui a vocation à irriguer tout le territoire. Ce n’est pas seulement le CHU de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent mais celui de toute la Guyane avec nos CDPS et hôpitaux de proximité. »
La création du CHU constitue une étape stratégique pour la Guyane, dans l’optique de renforcer son autonomie sanitaire et de mieux répondre aux enjeux de santé publique spécifiques à son territoire
Damien CHAILLOT