Guadeloupe : comment adapter l’agriculture locale aux bouleversements climatiques en cours ?

©Ministère de l’Agriculture

Guadeloupe : comment adapter l’agriculture locale aux bouleversements climatiques en cours ?

Au mois d’avril, à Goyave en Guadeloupe, des universitaires, des représentants d’associations de producteurs, d’instituts techniques, des collectivités locales et des structures de l’Etat ont analysé les moyens de favoriser l’adaptation de l’agriculture du territoire au changement climatique. À cette occasion, une note d’orientation de chercheurs du CIRAD, de l’INRAE et de l’Université des Antilles a fait le point sur cette question cruciale de la transition écologique.

 

La note d’orientation (« Comment améliorer les politiques d’adaptation de l’agriculture au changement climatique en Guadeloupe ? ») présentée lors du séminaire est née du projet dit ANR ARTIMIX mené par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et l’Université des Antilles entre 2018 et 2022. Cette initiative a pour ambition de déterminer les conditions d'une conception et d'une mise en œuvre réussie de politiques qui favoriseraient à la fois l’adaptation au changement climatique et la transition écologique dans les zones tropicales agricoles vulnérables

L’étude constate que l’archipel fait face à de multiples enjeux : « La Guadeloupe est très vulnérable aux effets du changement climatique et concentre de fortes mutations environnementales et économiques à de petites échelles spatiales (insularité) et temporelles (vitesse d'évolution des phénomènes) ». Par exemple, la température moyenne du territoire a augmenté d'environ 1,5°C entre 1965 et 2009. Les différents scénarios prévoient également une diminution du volume d'eau en saison sèche de 10% à 40%, une augmentation de celui de la saison des pluies de 10% à 60% et une croissance de la fréquence des saisons des pluies intenses d'ici la fin de ce siècle. Si l’on en doutait encore, les fortes inondations qui ont frappé le centre de l’île à la fin du mois d’avril, déclenchant la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par le gouvernement, confirment ces perspectives. 

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Autre problème : la contamination de près d'un tiers de la surface agricole et de la chaîne alimentaire associée par le chlordécone. Cette spécificité provoque « une tension entre les objectifs nationaux de lutte contre les problèmes de changement climatique et les objectifs locaux orientés vers la diminution des pesticides, ce qui est devenu un défi pour les décideurs », soulignent les auteurs de la note. Ils déplorent également que le dialogue soit principalement centré sur la production et l’agro-écologie, cette dernière se déclinant principalement autour de la réduction des pesticides, et que l’investissement dans la recherche scientifique sur les effets du changement climatique sur la Guadeloupe et ses impacts sur le secteur agricole soit insuffisant.

Par ailleurs, l’étude relève que « les objectifs d’adaptation de l’agriculture au changement climatique sont affichés à la marge de la politique agricole, ce qui entretient la focale sur l’enjeu de production agricole », et que « la mise en œuvre de la politique agricole sans référence au changement climatique s’explique par la superposition d’enjeux agricoles », comme l’exportation vers des marchés extérieurs, la diversification dans le contexte insulaire, le recul du foncier agricole, l’installation des jeunes agriculteurs, les conflits d’usages, etc.

En conclusion de leur recherche, les auteurs font quatre recommandations à l’attention des autorités dans le but d’améliorer les politiques agroenvironnementales et climatiques : Intégrer concrètement les concepts de transition agro-écologique et de changement climatique dans la politique agricole ; Soutenir la recherche académique et technique sur les effets à attendre du changement climatique pour l’agriculture et le territoire (accès à l’eau, salinisation, érosion, chaleur, etc.) ; Renforcer les démarches collectives pour identifier les interdépendances et les intérêts communs à l’échelle du territoire ; et enfin Se doter d’outils pour analyser les effets des instruments politiques à l’échelle de l’exploitation agricole et en particulier les conséquences à la fois économiques et environnementales (réduction des émissions de gaz à effet de serre).

 

PM