EXPERTISE. La décennie des Océans sera-t-elle celle d'un développement durable en Outre-mer ? Par Joël Destom

EXPERTISE. La décennie des Océans sera-t-elle celle d'un développement durable en Outre-mer ? Par Joël Destom

Joël Destom, membre du Comité économique et social européen et nouveau Président de l'association Métamorphose Outremer, a souhaité dans cette expertise mettre en lumière les interrogations que l'évolution de la position française pourrait susciter, notamment dans les Outre-mer.

Le jeudi 30 juin 2022, lors de sa visite au sommet des Nations unies sur les océans à Lisbonne, Emmanuel Macron a déclaré : « Il faut un cadre légal pour stopper l’exploitation minière en haute mer ». Le vendredi 1er juillet, les médias ont relaté ces propos en soulignant l'importance d'un moment déterminant pour la planète. 

Très rapidement, la présidence de la Polynésie française s'est félicitée d'une volonté de clarification du chef de l'Etat français et a voulu rappeler les nombreuses initiatives prises par la Polynésie en faveur de la protection de l'océan, la préservation des ressources et la gestion durable de celles-ci.

Une déclaration contre toute attente et une exigence de preuves

Plusieurs organisations gouvernementales prennent acte de la déclaration d'Emmanuel Macron mais n'entendent pas donner un blanc-seing au Président de la République française. Si la fondatrice de Bloom souligne une "première victoire importante" pour l'océan et les animaux marins, Greenpeace exprime une grande prudence et demande à la France des engagements concrets.

L'idée d'une évolution de la position française est nourrie par une analyse de la publication de la stratégie nationale pour l’exploration et l’exploitation des grands fonds (janvier 2021), par un vote incompris ou plutôt une abstention lors du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (septembre 2021) et par un "en même temps" lors de l'annonce du plan d'investissement France 2030 (octobre 2021).

Désormais dans l'expectative, les experts attendent de savoir si la France va soutenir ou pas l'adoption d'un moratoire sur le code minier pour l'exploitation des ressources minérales, de savoir si elle va tempérer l’adoption d’un code et considérer l'exploitation minière des océans comme une menace.

Des considérations politiques, géopolitiques, économiques et militaires

Nos Outre-mer sont aux avant-postes de tous ces sujets, affirmaient les participants à un événement organisé début 2022 à la Maison de l'Océan, quoi de plus naturel pour ces territoires.

Concrètement, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ou encore Wallis et Futuna, possèdent un important potentiel avec trois types de gisements dans les sous-sols de leur domaine maritime: les “encroûtements polymétalliques” (richesse en cobalt et en platine), les “vastes plaines abyssales” (richesse en terres rares) et les "nodules polymétalliques" (richesse en nickel et en cuivre).

Dès lors, quand Emmanuel Macron parle de "stopper l'exploitation minière en haute mer", les ultramarins doivent associer d'éminentes considérations politiques, géopolitiques, économiques à toutes les interrogations qui se forment autour de ces "richesses inexploitées".

Champ de nodules polymétalliques 

Quid des prolongements du contrat d'exploration, valable jusqu'en juin 2026, dans la France dispose dans le Pacifique Nord? Quid des nuances dans les relations avec les puissances anglo-saxonnes très présentes dans la zone: la Nouvelle-Zélande longtemps en délicatesse à cause des essais nucléaires, et l'Australie en délicatesse à cause de la dénonciation du contrat passé avec Naval Group? Quid des relations avec la Chine ne cesse de multiplier les actions de coopérations amicales avec la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna? Quelles alliances internationales et quels moyens pour la surveillance maritime dans le Pacifique pour protéger cet immense potentiel?

Des gisements de développements dans les Outre-mer

Désormais, la décennie des Nations Unies pour l'océanographie au service du développement durable (2021-2030) est vraiment lancée. Les mots prononcés par Emmanuel Macron constituent une occasion pour les Outre-mer d'interroger leurs rapports au patrimoine commun de toute l'humanité qui partage, avec l'atmosphère, un statut unique.

Plus encore, et bien au-delà des perspectives électorales, c'est l'occasion d'imaginer de véritables feuilles de route stratégiques pour le "développement durable" assimilable dans le cas d'espèce au "développement tout court". La "nouvelle méthode" annoncée pourrait autoriser une co-élaboration avec les responsables politiques, les citoyens, les acteurs économiques, les organisations non gouvernementales et les scientifiques.

En effet, la crise pandémique Covid-19 a convoqué la science pour éclairer, prévenir, guérir, modéliser, comprendre les interactions, jauger l'efficacité des politiques. Dans les faits, on peut craindre que le vécu de ces deux années passées sur chaque territoire ultramarin représente un épiphénomène au regard des bouleversements socio-écologiques planétaires à venir.

Alors, nous avons grand intérêt à "imaginer des modèles" qui permettraient de développer une "approche rationnelle" sur l'optimisation de tous les gisements de croissance, forcément en lien avec un développement, un développement durable. Avons-nous, aujourd'hui, la capacité de présenter des travaux de prospective permettant d'établir, pour chaque territoire, les liens entre océan, biodiversité, climat, géopolitique, économie locale, transports, sécurité alimentaire, socio-écosystèmes, systèmes de défense, etc…

Joël Destom 

Membre du Comité économique et social européen et nouveau Président de l'association Métamorphose Outremer