Le congrès des élus de Martinique qui devait durer deux jours s'est finalement achevé dès ce mercredi 8 octobre. Après une journée de travail, les élus se sont prononcés à l'unanimité pour dessiner le projet d'un pouvoir normatif autonome, domicilié en Martinique. Un sujet de notre partenaire RCI Martinique.
Le congrès appelle de ses vœux la domiciliation locale d’un pouvoir normatif autonome en Martinique, condition d’une autonomie réelle dans la république, permettant d’adapter et d’édicter des normes différentes du droit commun. Il s’agit de l’article 1 de la résolution qui a été votée à l’unanimité hier soir lors du congrès des élus.
Près de 80% des élus locaux étaient présents à l’hôtel de l’Assemblée pour ce rendez-vous censé poser les bases des nouvelles relations entre la Martinique et l’Hexagone. Tous les élus n’avaient qu’un mot à la bouche : consensus. Un mot d'ordre qu'ils ont appliqué puisque c’est dans une ambiance assez cordiale que les travaux se sont déroulés.
Nouvelle phase de travail
A l’issue de ce congrès s’ouvre désormais, une nouvelle phase de travail afin de préciser quel cadre choisir et pour quels pouvoirs dessineront ce nouveau mode fonctionnement. L’idée est de finaliser cette nouvelle phase de travail d’ici la fin de l’année afin de la faire remonter au président de la République. La date du 31 décembre 2025 a été retenue comme ultime délai. Si la résolution du congrès franchit tous les obstacles législatifs et politiques, les élus martiniquais seraient dotés du pouvoir de modifier certains textes de loi pour les adapter aux réalités locales.
Satisfaction des élus
Tous les groupes et partis politiques sont sortis assez satisfaits des travaux d’hier. Ils se disent tous déterminés à sortir du statu quo.
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C'est notamment le cas de Béatrice Bellay, député de la 3e circonscription : « Déjà une plus ou moins large unanimité sur un certain nombre de sujets, et notamment sur ce besoin que nous avons, non pas simplement d'adapter, mais de créer des législations qui s'appliquent à nos spécificités, mais surtout à nos réalités. Aujourd'hui, en tout cas pour mon expérience de parlementaire, je me rends compte à quel point il est compliqué, dans le cadre de l'examen des lois, de pouvoir bouger des choses de sorte à ce qu'elles correspondent à nos besoins, aux besoins de la population martiniquaise. Donc, c'est vrai que le champ des possibles est désormais ouvert dans la négociation ».
Catherine Conconne, sénatrice de Martinique, se veut quant à elle rassurante : « Que je rassure tout le monde, on n'est pas en train de déclarer la guerre de sécession avec la France. Non, on est en train de voir comment, parce que les temps changent, parce que les pratiques de politiques publiques changent également, voir comment on peut mieux les exercer. Je répète qu'aujourd'hui, nous sommes juste dotés de compétences. Nous faisons à la place de l'État, avec les règles de l'État, les obligations de l'État et les financements de l'État. La subtilité qui va être apportée aujourd'hui, au fruit de ce congrès, c'est de dire comment, une fois que nous exerçons une compétence quelque part, comment on peut mieux écrire la règle une fois que la loi a été votée en France. Aujourd'hui, c'est le régime de l'aléatoire ».
Marcelin Nadeau, député du Nord et coprésident de Peyi-a, a salué la sérénité des débats : « Il y avait cette volonté de trouver un consensus. Je crois que de chaque côté, des concessions ont été faites. Et je trouve ça très bien parce qu'au-delà des discussions que nous pourrons avoir entre nous, au-delà aussi des discussions que nous pourrons avoir avec le gouvernement français ou le président de la République, je crois qu'il y a aussi ce combat de l'opinion à gagner. Et le fait de donner une image de sérénité, de débat fructueux, serein, je pense que c'est de nature à convaincre aussi la population de notre volonté d'aller vers une évolution institutionnelle, pas pour renforcer nos pouvoirs respectifs, mais pour, au contraire, avoir les leviers nécessaires pour transformer la société martiniquaise de manière à répondre effectivement aux difficultés que nous connaissons, à un certain nombre de problématiques que nous connaissons depuis longtemps, que ce soit la question de l'emploi, que ce soit la question de la souveraineté énergétique, que ce soit les défis à la fois écologiques en matière de la transition énergétique à relever ».
Daniel Marie-Sainte, chef du groupe du Gran Sanblé, explique pourquoi son groupe a adhéré à la résolution : « Nous avons pu faire admettre que ce qui fondent notre revendication, c'est que l'histoire a fait de nous un peuple. Nous sommes un pays, un peuple avec une nation. Effectivement, nous avons le droit à l'autodétermination. Nous sommes encore colonisés, mais ça, ça a été reconnu et c'est mis dans la résolution. C'était pour nous une condition essentielle que nous nous associons à cette démarche. Mais ça a été obtenu, voté à l'unanimité. J'étais agréablement surpris. Maintenant, il va falloir que la commission ad hoc précise bien nos revendications, les nouveaux pouvoirs qu'il nous faut pour répondre aux demandes du peuple. Parce que c'est ça le but de nos politiques. Le peuple a des problèmes pour le transport, pour l'eau, etc. Il y a ça qui remonte en permanence. Nous avons fait l'expérience pendant 10 ans qu'il y a des pouvoirs que nous devons avoir pour faire des règles adaptées à notre pays. Nous appelons ça le pouvoir législatif. Les autres appellent ça le pouvoir normatif. Mais on ne va pas se battre sur le vocabulaire. Nous voulons avoir la permission que nous adaptons des règles pour pouvoir répondre aux demandes de notre peuple ».
Didier Laguerre, maire de Fort-de-France et président de la commission Ad-hoc du congrès des élus précise que rien ne sera fait sans la population : « Le congrès des élus, avec une forte participation, 80% des élus présents, a voté à l'unanimité la résolution finale qui demande la domiciliation de pouvoir normatif en Martinique pour pouvoir édicter ou modifier la règle dans des domaines qui pourraient être une série de compétences propres ou partagées avec l'État. Ce que ça veut dire concrètement, c'est qu'aujourd'hui, s'ouvre une période de discussion avec l'État sur les moyens d'arriver à cette volonté, mais s'ouvre surtout une phase de concertation, de construction avec le peuple martiniquais sur ce qu'il veut réellement et ce qu'il souhaite en matière de compétences et de pouvoir en Martinique, que cette phase de concertation va permettre de finaliser la demande martiniquaise et qu'ensuite, ça va se conclure par un nouveau congrès qui va entériner les choses et une consultation populaire, parce que c'est la volonté des élus affirmée dès le départ, mais que c'est aussi une obligation. Tout changement et toute évolution, même tout transfert de compétences, doit faire l'objet d'une consultation ».
RCI Martinique