Comment porter des projets structurants pour les Outre-mer ?
C’est autour de cette question essentielle que Carole Delga, présidente de Régions de France, a donné le coup d’envoi, mercredi 5 novembre, d’une séquence entièrement consacrée aux Outre-mer, à la veille du 21ᵉ Congrès des Régions de France.
A ses côtés, présidents de collectivités, élus, entrepreneur et responsables dans les territoires et institutions ont partagé une conviction commune : les Outre-mer détiennent une formidable énergie de transformation, à condition de lever les freins et d’activer les bons leviers. Ensemble, ils ont esquissé des réponses concrètes, portées par une même ambition : accélérer la réalisation des grands projets ultramarins et réaffirmer la volonté de placer les Outre-mer au cœur du dynamisme, de la souveraineté et de la cohésion de la France.
Une République une et solidaire
Carole Delga a ouvert la séquence en réaffirmant une conviction partagée : l’unité de la République se prouve par les actes. « Je suis très attachée à démontrer que la République est une et diverse, nous ne devons oublier aucun citoyen », a-t-elle déclaré.
Ben Issa Ousseni, président du département de Mayotte, a salué « la solidarité des Régions, toujours au rendez-vous », tout en soulignant l’urgence d’une « programmation claire des 4 milliards d’euros promis pour la refondation de Mayotte ».
En toile de fond, les territoires ultramarins, en première ligne face aux défis climatiques, économiques et sociaux, appellent à une différenciation territoriale et à un ajustement des accompagnements pour construire leur développement sur mesure.
Les grands projets structurants des territoires ultramarins : cap sur la transformation
Les initiatives se multiplient en Outre-mer portées par ses acteurs déterminés à construire un développement durable, équitable et endogène. Gabriel Serville, président de la Collectivité territoriale de Guyane, insiste sur l’urgence de concrétiser le cyclotron et le TEP-Scan dont « les besoins sont trop criants sur le territoire ».
Ben Issa Ousseni, président du Département de Mayotte, place la refondation des mobilités terrestres et maritimes au cœur de sa mandature et réclame un rôle décisionnaire sur l’utilisation des 4 milliards promis par l’État.
L’ancienne ministre des Outre-mer, Marie-Luce Penchard, vice-présidente de la Région Guadeloupe, a exposé la construction de la Cité scolaire de Bainbridge, 217 millions d’euros d’investissement pour deux lycées, un internat et des équipements collectifs, dont le remise des clés est prévue en 2031.
Alexandre Ventadour, conseiller à l’Assemblée de Martinique, défend un projet de circuit alimentaire intégré, soutenu par un contrat territorial de transition écologique et alimentaire (CTEA) pour relocaliser la production, soutenir 1 000 agriculteurs et lever 50 millions d’euros.
Enfin, Jean-Pierre Chabriat, conseiller régional de La Réunion, présente le « Réunion Express », un réseau ferroviaire de 140 km reliant le nord et l’ouest de l’île, de Saint-Benoît à Saint-Joseph. Avec 77 % de la population favorable, ce projet s’inscrit dans une vision à long terme, pensée pour l’horizon 2040-2050. Un projet d'aménagement à long terme pour ce territoire.
Des leviers concrets pour soutenir les Outre-mer
La réalisation de grands projets ultramarins reste un défi complexe, entre contraintes administratives, normes inadaptées et multiplicité des acteurs. Olivier Benoit, sous-directeur des affaires juridiques et institutionnelles au ministère des Outre-mer, plaide pour une coordination renforcée, avec un rôle accru des préfets et des contrats pluriannuels État-Région adaptés aux réalités locales.
Pour Azmina Goulamaly, dirigeante du groupe Océinde, seule représentante du secteur privé, les Outre-mer offrent des opportunités uniques pour développer des projets structurants. Elle a rappelé l’importance de l’entraide et de la coopération, citant La Réunion et sa filière de dessin animé 3D, primée à l’international, ainsi que le marché de la fibre optique à Mayotte. Elle a également présenté un projet ambitieux : un institut international de sûreté et sécurité maritime dans l’océan Indien, visant à former, coordonner et mettre en réseau les partenaires régionaux pour la sécurité maritime, la protection des océans et la gestion des données, avec des retombées économiques et emploi significatives. Selon elle, les Outre-mer sont un atout stratégique pour la France et l’Europe, à condition d’avoir stabilité, lisibilité et décisions politiques affirmées pour concrétiser ces initiatives.
Mais les obstacles persistent comme le rappelle Micheline Jacques, sénatrice, présidente de la de la délégation sénatoriale aux Outre-mer, l’accès aux fonds européens est trop complexe, les normes nationales peu adaptées, et la coopération régionale insuffisante. Matthieu Discour (AFD) mise sur une approche facilitatrice, combinant financement public et privé et ingénierie technique pour accélérer les projets. Et pour Dominique Vienne président du CESER Réunion, il faut « créer les conditions d’acceptabilité et de redevabilité. Ressort qu’il nous appartient de faire les choses en nous reliant les uns aux autres. » Autant de leviers qui permettront de transformer les ambitions ultramarines en réalisations concrètes et durables.
Souveraineté, équité et confiance : les clés du développement ultramarin
Tous s’accordent sur les points de convergence : les investissements doivent être justes, proportionnés et adaptés aux réalités locales. Carole Delga a alerté sur les conséquences des ponctions budgétaires envisagées : « Sur les 4,7 milliards d’euros de prélèvements envisagés, nous demandons une enveloppe de l’ordre de 2 milliards », a rappelé la présidente des Régions de France. « Tout le monde doit participer, bien sûr, mais cet effort doit être équitable. Pour les Régions, une telle ponction représenterait une baisse de nos investissements, nous ramenant au niveau de 2019. Dans ces conditions, une réduction aussi brutale serait intenable : l’effort doit être juste et proportionné. »
Au-delà des chiffres, le débat touche à la gouvernance. Tous réclament une simplification des procédures européennes et un maintien de la gestion des fonds par les régions. « Renationaliser les crédits européens serait une erreur », prévient Carole Delga, « car cela nous ferait basculer dans une technocratie trop complexe ».
Au terme des échanges, une dynamique s’affirme : celle d’un modèle fondé sur la différenciation, la confiance et la coresponsabilité. « Les difficultés doivent devenir des opportunités pour innover et proposer », conclut la Présidente des Régions de France. Gabriel Serville, lui, y voit une promesse : « Changer le regard sur nous-mêmes et sur nos territoires. » afin d’en faire des acteurs pleinement innovants et inspirants de la République.























