Des coraux et des mots : En Polynésie, le lexique de la langue tahitienne va s’étoffer

©DR

Des coraux et des mots : En Polynésie, le lexique de la langue tahitienne va s’étoffer

Après avoir remporté les trophées To’a Reef 2024 de l’Ifremer avec son projet scientifique Connected by the Reef, l’association Tama no te tairoto est de nouveau candidate cette année avec une nouvelle initiative : ‘A parau te to’a - Dire le corail. Ce projet vise à créer un lexique illustré en tahitien dédié aux coraux, que ce soit en précisant certains termes ou en créant de nouveaux mots, qui seront validés par l’Académie tahitienne. Le projet aboutira à un nouveau répertoire disponible en ligne et un livret papier distribué gratuitement dans les écoles, vers fin 2026. D’autres tomes dans d’autres langues polynésiennes devraient suivre. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti. 

Lauréate des trophées To’a Reef 2024 pour son projet Connected by the Reef – Te Firi A’au, l’association Tama no te tairoto ne s’arrête pas là. Après avoir lancé une étude participative internationale sur la ponte du corail Porites rus -un projet labellisé « événement de la décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030) » et récompensé d’un million de francs-, l’association revient cette année avec une nouvelle initiative : ‘A parau te to’a – Dire le corail.

« Que tout le monde s’approprie les bons termes en tahitien »

L’objectif de ce projet est de créer un lexique illustré en langue tahitienne regroupant tous les termes liés au corail. « On a pu recenser actuellement plus de 70 termes en tahitien autour du corail, explique Vetea Liao, directeur et co-fondateur de l’association Tama no te tairoto. « Sauf que tout le monde ne sait pas exactement à quoi ça correspond parce que des fois il y a des subtilités.  Et ce qu’on souhaiterait, c’est de mettre en face de tous ces termes soit des photos, soit des illustrations pour que tout le monde s’approprie les bons termes en tahitien. Et en plus, on va créer des nouveaux mots qui n’existent pas encore, par exemple le blanchissement corallien, le bouturage, la restauration récifale, etc. ».

Des livrets distribués gratuitement dans les écoles

Le projet, mené par trois membres de l’association -Vetea Liao, Ihirau Jordan et Cecil Berthe-, avance déjà bien. Le premier recensement des mots est terminé et les premières associations entre mots et images ont débuté. « Les prochaines étapes, c’est faire des ateliers de concertation avec des acteurs diversifiés comme des linguistes, des pêcheurs, des scientifiques, etc. pour qu’on se mette d’accord sur ce que chaque thème représente », avant la validation finale par l’Académie tahitienne, qui soutient officiellement l’initiative, explique le directeur de l’association.

Une fois finalisé, le lexique sera consultable en ligne sur le site de l’association, puis édité sous forme de livret papier, qui sera distribué gratuitement dans les écoles (leur nombre dépendra des fonds récoltés), en priorité celles à proximité des aires marines protégées. « Maintenant, il y a plein de projets qui se montent autour des coraux, aussi bien éducatifs que des projets d’association. Et on aimerait bien que ce lexique puisse être une base pour que, dans ces projets, on se réapproprie un peu la langue tahitienne », souligne Vetea Liao.

Ces mots « méritaient d’avoir un document officiel »

Comme chaque année, Tama no te Tairoto organise en juin une exposition mêlant photographies, œuvres d’art et conférences. C’est lors de la dernière édition, consacrée au thème du corail, que l’idée du lexique a émergé. Parmi les intervenants, Ihirau Jordan, président de l’association Reo-UPF, avait présenté les différents mots tahitiens relatifs au corail. « Cette conférence, elle a été unique, vue uniquement par les gens qui ont assisté à la présentation », rappelle le biologiste, qui estime que ces mots « méritaient d’avoir un document officiel ».

« D’autres tomes en d’autres dialectes locaux »

Pour illustrer ce lexique, l’équipe utilisera en priorité les photographies prises par ses membres. Les images manquantes seront possiblement réalisées par un illustrateur. Coût estimé du projet : environ 800 000 francs, incluant la création graphique, l’impression et les ateliers de concertation.

« On aimerait bien aboutir, fin 2026, à un produit qu’on puisse diffuser », indique le biologiste marin. « Autant le processus d’association des mots avec les photos ou illustrations peut se faire en quelques réunions, autant le processus de création de mots est un peu plus long. Et ensuite, il y aurait probablement aussi une version en pa’umotu à faire, parce qu’aux Tuamotu, les termes seront peut-être différents. Donc, il y aura peut-être une évolution d’autres tomes en d’autres dialectes locaux. »

Nanihi Laroche pour Radio 1 Tahiti