Polynésie : À Papeete, l’eau du robinet s’appelle désormais « Vai’ete »

©Radio 1 Tahiti / Charlie René

Polynésie : À Papeete, l’eau du robinet s’appelle désormais « Vai’ete »

Vai’ete, Te pape ora no Papeete. Ça n’est pas le nom d’une nouvelle marque d’eau en bouteille, mais celui de l’eau du robinet de la ville de Papeete, tout juste rebaptisée. Une initiative inédite en Polynésie, mais qui suit une tendance mondiale à valoriser l’eau de ville, 100% potable dans la capitale, mais aussi 1 500 fois moins chère, et plus économe en plastique que l’eau en bouteille. La nouvelle marque, avec son logo évoquant la reine Pomare et la Fautaua, ne va rien changer aux factures, mais elle s’affichera dans une grande campagne de communication, sur les écrans, dans les écoles, voire dans des événements sportifs à l’avenir. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

C’est une première en Polynésie, mais pas en France ni dans le monde, où de grandes municipalités donnent depuis quelques années un nom -souvent déposé- à leur eau courante. Après « l’Eau de Paris », la « Grand’O de Lyon », la « Cuvée 47 » de communes du champenois, la « Acqua Veritas » de Venise ou la « Chicagwa » de Chicago, Papeete a donc présenté début juin « Vai’ete » (littéralement « corbeille d’eau »). 

La nouvelle « identité » donc, de son eau du robinet. Un nom sous-titré par une phrase -Te pape ora no Papeete, « L’eau de vie de Papeete »- et qui fait référence à l’ancienne rivière qui alimentait les bassins de la reine et traversait Tarahoi pour se jeter dans la rade. Un nom qui est, surtout, accompagné d’un logo bleu en forme de goutte évoquant la reine Pomare, la cascade de Fautaua, vallée où l’essentiel de l’eau de Papeete est capté par la Polynésienne des eaux.

1 500 litres de Vai’ete pour le prix d’une bouteille

Le visuel pourrait aisément décorer une bouteille d’eau minérale. Ce ne sera pas le cas : Vai’ete restera, comme le rappelle le directeur général des services de la mairie Rémy Brillant, distribuée à tous les administrés par le service de l’eau, sans changement sur les factures, autre que ce logo.

Mais alors pourquoi cet effort de communication ? Pour « valoriser la qualité de notre eau » et le travail effectué « pour avoir une eau de ville potable à 100% depuis plus de 30 ans à Papeete ». Michel Buillard rend au passage hommage aux anciens tavana (maires) qui ont, avant lui, racheté l’immense domaine de la Fautaua pour le préserver de toute activité polluante, et construit petit à petit -aux côtés de la Polynésienne des Eaux à partir de 1992- un réseau aujourd’hui reconnu comme le plus performant de Polynésie.

Il s’agit surtout de convaincre ceux, encore nombreux parmi les 27 000 habitants de la capitale et les 100 000 Tahitiens qui y circulent en journée, qu’il n’y « aucune raison de ne pas la boire » et de préférer les bouteilles ou bonbonnes sur une base quotidienne. « Pour les gens, il y a déjà un intérêt économique : avec les 60 francs d’une bouteille d’eau, on peut avoir 1500 litres d’eau du robinet, c’est sans commune mesure », note le dauphin de Michel Buillard pour les élections de 2026, qui estime à 140 000 francs par foyer l’économie réalisée par la consommation exclusive d’eau du robinet. « Il s’agit également d’agir pour notre fenua et pour notre environnement : ça fait beaucoup moins de plastique distribué ».

Pour s’assurer que Vai’ete soit connu de tous, la mairie et la Polynésienne des Eaux prévoient des campagnes de promotion, avec film institutionnel, actions de sensibilisation auprès des écoliers, des visites sur les sites SPEA de Titioro ou de la Fautaua. Mais aussi, à terme, des parrainages de manifestations sportives ou Vai’ete pourra s’afficher au même titre que d’autres marques de boisson. La mairie espère même voir figurer le nom sur la carte des snacks et restaurants, légalement contraints de proposer de l’eau du robinet à leur client, et, depuis peu, d’afficher cette possibilité.

« Plus de 2000 paramètres analysés »

Difficile de dire si cette offensive convaincra tout le monde : beaucoup de Polynésiens, par habitude, par crainte ou par goût préfèrent toujours l’eau en bouteille ou en bonbonne. Côté goût, même si l’eau puisée à la Fautaua est propre, du chlore est utilisé, dans les limites réglementaires, pour s’assurer de sa potabilité au long terme. Il s’évapore rapidement une fois l’eau servie ou mise en carafe.

Quant à la sécurité sanitaire, Mathieu Desetres rappelle que « l’eau du robinet, c’est le produit le plus contrôlé en Polynésie, comme en métropole ». « Pour l’eau de Papeete, la Polynésienne des eaux réalise plus de 150 prélèvements par an, il y a plus de 2 000 paramètres analysés, liste le directeur général de la société. On a une eau qui provient du fond de la vallée de la Fautaua, une eau très pure, avec zéro polluant. Je n’irai pas comparer avec d’autres eaux, mais on sait que c’est une eau d’une très bonne qualité qui arrive au robinet des usagers ».

Ce baptême inspire : l’île de Bora Bora a également baptisé son eau « Vaitehi », certaines autres communes y réfléchissent. En tout cas parmi celles qui affichent 100% de potabilité. Aux derniers relevés publiés par le Centre de santé environnemental de la Direction de la santé, datés de 2023, elles ne sont que 12 en Polynésie.

Bora Bora, les trois communes de l’île de Raiatea, ainsi que toutes les communes entre Mahina et Papara… À l’exception notable de Paea, seul mauvais élève de la zone urbaine. Au-delà, certaines communes comme Taiarapu Est ou Moorea garantissent la potabilité de l’eau sur une partie de leur territoire et améliorent leur couverture chaque année. Dans les archipels éloignés, Rurutu est souvent salué pour son réseau.

Au global, 63 % de la population a accès à l’eau potable en Polynésie, un taux qui grimpe à 69% aux îles du Vent (Tahiti et Moorea), 77% aux Raromatai (Huahine, Raiatea, Tahaa, Bora Bora, Maupiti), qui ne dépasse pas les 25% aux Australes, et qui reste quasi-nul aux Marquises et aux Tuamotu-Gambier.

Charlie René pour Radio 1 Tahiti