Les élus du Congrès ont adopté, ce vendredi 25 juillet, deux propositions de loi du pays visant à encadrer les structures relevant de l’économie sociale et solidaire, et de leur assurer des moyens de se développer. Ce secteur, fondé sur la solidarité et l’utilité sociale, est perçu comme un levier de relance économique pour la Nouvelle-Calédonie. Explications avec notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Elle représenterait, en Nouvelle-Calédonie, 14 000 structures, soit environ 8 % du tissu économique privé et 1,7 % du PIB. L’économie sociale et solidaire (ESS), un mode d’entreprendre alternatif fondé sur des principes de solidarité, de coopération et de démocratie, n’a pourtant jamais été véritablement reconnue sur le territoire. Au contraire de l’Hexagone, qui a offert un cadre juridique à ce secteur aux nombreuses particularités dès 2014, les structures calédoniennes concernées ont toujours évolué dans un environnement informel. Ce ne sera bientôt plus le cas.
Vendredi 25 juillet, les membres du Congrès ont adopté à l’unanimité deux propositions de lois du pays portées par Omayra Naisseline (UC-FLNKS et Nationalistes) et Naïa Wateou (Intergroupe Loyalistes), afin d’encadrer la pratique de l’économie sociale et solidaire en Nouvelle-Calédonie, mais aussi d’assurer son développement futur. L’aboutissement d’un travail entamé en 2019.
Politique de rémunération stricte
Le premier texte, déposé sur le bureau du Congrès en septembre 2022, visait avant tout à offrir une définition claire de l’ESS, en intégrant les spécificités calédoniennes tout en conservant une proximité avec celle de l’Hexagone, afin de garantir aux structures du Caillou des liens avec leurs homologues nationaux et internationaux. La proposition fixe ainsi les trois grands principes auxquelles doivent répondre les structures se revendiquant de l’ESS : un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices, une gouvernance démocratique et une gestion responsable. Les bénéfices doivent, en outre, être majoritairement consacrés au maintien de l’activité ou à son développement, et des réserves "ni partageables ni distribuables" doivent être constituées. En Nouvelle-Calédonie, ces structures relèvent en grande majorité d’activités traditionnelles, telles que l’agriculture, la pêche ou l’artisanat local, et sont très représentées en tribu.
Le texte examiné par les membres du Congrès ce vendredi liste également les types de structure qui peuvent prétendre à l’étiquette ESS : les associations loi 1901, les coopératives, les mutuelles, les fondations et une partie des sociétés commerciales qui répondent aux grands principes de l’ESS. Spécificité calédonienne, la proposition de loi prévoit d’y intégrer les Groupements de droit particulier local (GDPL), ce statut juridique créé pour répondre à la réforme foncière de 1988 et généralement constitués de coutumiers. Autre innovation locale : les structures de l’ESS devront respecter une politique de rémunération stricte, puisque la moyenne des cinq plus hauts salaires ne pourra pas être sept fois supérieure à la rémunération la plus basse.
Outil de relance économique
Le statut d’acteur de l’économie sociale et solidaire sera consacré par la délivrance d’un agrément. Intitulé "Esus NC", pour "entreprise solidaire d’utilité sociale", il sera délivré par les provinces "sur la base du volontariat". "Ce ne sera pas une injonction", veut rassurer Naïa Wateou. En dehors d’une reconnaissance offerte aux structures de l’ESS, la création d’un cadre juridique va surtout leur permettre de profiter de financements dont elles sont aujourd’hui privées, pourtant bien utiles à ces organismes qui subissent de plein fouet la crise économique calédonienne. "Des structures comme Hanvie, qui soutient des personnes en situation de handicap par l’insertion dans le monde du travail […], n’ont pas pu être éligibles à des financements nationaux et européens, pourtant vitaux en situation de crise", remarque la rapporteure du texte.
Le secteur pourrait, d’autre part, représenter un outil de relance économique non négligeable pour le territoire, estiment les autrices des deux propositions de loi. "Dans un territoire où 11 500 salariés ont perdu leur emploi depuis 2024, où les fractures économiques et sociales s’aggravent, nous avons le devoir de mobiliser tous les leviers disponibles pour redonner du sens, du travail, de la dignité, et de la cohésion", affirme Naïa Wateou.
Une "forme hybride" de société
C’est l’ambition du second texte soumis aux membres du Congrès. Il propose "de soutenir et de développer l’ESS" à travers une série de mécanismes. Le premier d’entre eux consiste à créer un haut conseil de l’ESS, chargé d’entretenir le dialogue entre ses acteurs et les pouvoirs publics. Surtout, la proposition de loi introduit un nouveau statut juridique en Nouvelle-Calédonie : la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), une "forme hybride" d’entreprise, "à mi-chemin entre l’association et la société commerciale classique", indique le texte. Si elles peuvent prendre des formes connues (SA, SARL, etc.), elles doivent obligatoirement présenter un caractère d’utilité sociale. Ce nouveau statut offre des avantages fiscaux, puisque les SCIC seront exonérées d’impôts sur les sociétés et de contribution de patentes. "L’ESS peut et doit être un levier puissant pour accompagner les structures qui souhaitent renforcer leur impact social, économique et écologique", estime Omayra Naisseline. C’est également une "des réponses crédibles, pragmatiques et porteuses d’avenir", selon Nadine Jalabert, du Rassemblement, qui a salué deux textes "porteurs d’une ambition collective".
Par Les Nouvelles Calédoniennes