Les pays du Pacifique ont « assez mal perçu » la déclaration d’Emmanuel Macron comme quoi ils ne seraient pas « faits pour les référendums », a noté le président de la Polynésie française, pour qui « c’est typiquement une réflexion occidentale ». Quant aux critiques françaises sur l’influence de la Chine dans la région, leur réponse est simple : que la France et l’Europe investissent davantage dans la région. Un sujet de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
C’était lors du sommet Pacifique-France qui s’est déroulé en marge de l’UNOC-3 à Nice. Emmanuel Macron expliquait alors que « ni la culture pacifique, ni la culture océanienne ou mélanésienne ne sont totalement faites pour les référendums ». Pour lui, ce sont des cultures de « concertation » où, « la circularité est plus adaptée qu’un caractère tranché du oui ou non ».
Une réflexion qui a suscité quelques interrogations. Au même moment, le dialogue sur la décolonisation faisait l’actualité au tribunal où la délibération d’Anthony Géros, président indépendantiste de l’Assemblée territoriale de la Polynésie, était annulée (ce texte adopté par l’assemblée en décembre devait permettre à son président d’attaquer la France en justice), et à l’Assemblée nationale où la députée Mereana Reid-Arbelot interrogeait le ministre des Outre-mer sur le refus de la France de s’inscrire dans le processus de décolonisation.
L’avocat du Tavini, Me Thibault Millet, interrogé mardi, estimait « qu’avec ce genre de déclaration, on ne risque pas d’aller très loin ». Et depuis Nice, le président du Pays a également jugé sévèrement les propos du Président de la République : « Je pense que c’est typiquement une réflexion occidentale, de non océanien. Auprès de mes collègues du Pacifique, tout le monde a été un peu perplexe. Il a évidemment le droit de le penser, mais je crois qu’il n’a pas réellement pris la mesure de ce qu’il a dit. Ça a été assez mal perçu, à vrai dire, par les pays du Pacifique. »
Cela dit, on peut comprendre d’où vient la maladresse. Le Forum des îles du Pacifique a, pendant des années, promu le « Pacific Way », une culture du « consensus » mise en avant comme une particularité culturelle régionale, plutôt axée sur la diplomatie et le temps long que sur la confrontation. Devant les États du Pacifique, Emmanuel Macron a aussi promis « un projet nouveau » pour la Nouvelle-Calédonie, assurant éviter « les mêmes erreurs » faites ces dernières années.
La question de la présence de la Chine et des États-Unis dans le Pacifique a aussi provoqué beaucoup de débats, puisque certains pays insulaires du Pacifique sont plutôt, historiquement et politiquement, reliés aux États-Unis. D’autres ont beaucoup d’échanges avec la Chine, politiquement peut-être pas, mais en tout cas économiquement.
Alors comment la France peut-elle contrer cette présence ? Par des investissements, selon Moetai Brotherson, qui rapporte le message porté par les îles du Pacifique : « Je crois que le message qui a été envoyé de manière très claire par les pays insulaires, c’est que plutôt que de regretter l’influence chinoise dans le Pacifique, il faudrait qu’il y ait plus d’investissements dans l’économie des pays insulaires, à la fois par la France, mais aussi par les pays de l’Union européenne. Et c’est comme ça qu’on arrivera finalement à trouver un équilibre. »
Le président du Pays explique que la France a « plusieurs projets d’académies régionales de formation des forces de sécurité et des forces de police » notamment sur des problématiques régionales où la France peut « jouer un rôle d’assistance ».
Lucie Rabreaud pour Radio 1 Tahiti
Les propos du chef de l’État ont aussi fait réagir en Nouvelle-Calédonie. Le parti non-indépendantiste modéré, Calédonie ensemble salue « que le Président de la République considère désormais que dans la culture océanienne le mode de décision, c’est le consensus ». « Le problème, ça n’est pas les référendums » ajoute toutefois le parti qui rappelle s’être « opposé à de nouveaux référendums binaires sur l’accession à la pleine souveraineté », préférant « un référendum de projet, rassemblant indépendantistes et non indépendantistes, susceptible de nous permettre de construire un OUI collectif ».
Le parti regrette aussi le maintien du 3ème référendum, parmi les sources selon Calédonie ensemble, des émeutes de mai 2024, avec la loi sur le dégel du corps électoral. « Le Président ne nous éclaire pas sur les « déclencheurs » des évènements du 13 mai. C’est dommage », estime Calédonie ensemble, qui appelle à « aborder le chemin qui a conduit à ce désastre politique, économique et social sur lequel figure en bonne place le référendum organisé en 2021 par Sébastien Lecornu, au mépris des déclarations de l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, qui avait affirmé, à l’occasion du Comité des signataires de 2019, qu’eu égard à la période électorale (Présidentielle et Législatives de 2022), « il n’y aura pas de référendum entre le milieu du mois de septembre 2021 et la fin du mois d’août 2022 » ».
Selon Calédonie ensemble, Emmanuel Macron « aurait pu identifier les vraies « erreurs » qui ont constitué autant d’éléments déclencheurs de « la violence qui s’est déchainée », avec quelques contributions locales incontestables, indépendantistes et non indépendantistes ».