Expertise.Nouvelle-Calédonie : une autre voie pour l'avenir des Outre-mer?  Par Joël Destom

Expertise.Nouvelle-Calédonie : une autre voie pour l'avenir des Outre-mer? Par Joël Destom

La semaine écoulée a placé la Nouvelle-Calédonie au premier plan de l'actualité ultramarine. À l’invitation du Premier ministre, Jean Castex, et du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, des représentants politiques calédoniens (indépendantistes et non indépendantistes) se sont retrouvés à Paris pour travailler sur les conséquences de l'après référendum d'auto-détermination. Le Président de la République, Emmanuel Macron, a  souhaité pouvoir «entendre» les représentants calédoniens après une semaine de «discussions». Joël Destom, membre du Comité économique social et européen, fait un arrêt sur images et s’interroge sur une approche inédite.

 

Octobre 2020, Sébastien Lecornu a probablement transformé une contrainte en opportunité. Quelques jours après le deuxième référendum d'autodétermination, il se rend à Nouméa dans un contexte sanitaire le soumettant à une quatorzaine qui, d'une certaine façon, place sa visite dans un temps calédonien. Il se l'approprie et dessine les contours d'une méthode qui tient compte du caractère «océanien» de ce territoire. Les calédoniens n'auraient pas assimilé trente années de complexité s'ils n'avaient pu acquérir une expérience du temps et s'ils n'avaient pas été rendus forts par cette expérience.

Durant une semaine, le Ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a échangé avec les formations politiques de Nouvelle-Calédonie sur les conséquence du « oui» et du « non » © Ministère des Outre-mer 

 

Juin 2021, lorsque le ministre des Outre-mer présente un document détaillant les implications du «oui»  ou du «non» et évoque une démarche qui consiste à l'approfondir, il y a quelque chose d'inédit !

Cette semaine d'échanges donne le sentiment que la volonté d'assumer une «responsabilité de l'Etat» est associée à une sincère considération de ce qu'est la Nouvelle-Calédonie. L'histoire de ce territoire se nourrit de la "parole qui dure", celle qui lie ... non pas les personnes mais les communautés, les générations. 

Les délégations calédoniennes au Ministère des Outre-mer © Ministère des Outre-mer

 

Décembre 2021, au lendemain du troisième référendum d'auto-détermination, les calédoniens devront préparer la sortie de l'Accord de Nouméa avec un "projet consensuel", selon les termes du ministre des Outre-mer. Comprendre que les calédoniens sont fiers de leur grande diversité et ne peuvent se voir appliquer une grille de lecture binaire, c'est manifester un véritable intérêt pour un avenir qui doit s'exprimer dans une dignité exemplaire. 

L'approche de Sébastien Lecornu, qui s'est régulièrement entretenu avec Emmanuel Macron (y compris quand celui-ci était en déplacement au Rwanda) éclaire un socle de traditions républicaines passées.

Il aurait été intéressant que la collectivité nationale s'exprime, en 1988, non pas uniquement sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, mais sur celui de l'ensemble des Outre-mer. Il y a fort à parier qu'aucune famille politique n'aurait pu présenter une vision claire sur le sujet.

L’unique prisme institutionnel et statutaire est insuffisant pour répondre aux multiples et véritables aspirations des populations, dans les trois bassins océaniques.

Dès lors, jusqu'à quel point des adaptations, en rupture avec ce que la République a pu promouvoir, sont-elles acceptables pour autoriser l'association des populations ultramarines a un projet global, politique, économique, social, culturel, ...?

Les délégations calédoniennes ont été entendues par le Président de la  République Emmanuel Macron © Outremers360

 

La Nouvelle-Calédonie, avec son statut de Pays et territoires d'Outre-mer (PTOM), est l'une des plus lointaines périphéries de l'Union européenne. En faisant le choix de partager les enjeux géostratégiques autour de l'axe indo-pacifique avec les représentants locaux présents à Paris, Sébastien Lecornu affiche une volonté de faire autrement. S'agit-il d'un tournant, d'une nouvelle méthode, d'une nouvelle voie pour l'avenir des Outre-mer? 

D'autres territoires pourraient être sensibles aux propos du ministre, interviewé par Outremers360 ...

«Je n'ai pas le caractère pour incarner un Etat faible (...). Néanmoins, il faudrait manquer de culture et d'empathie pour ne pas comprendre d'où vient le combat des indépendantistes. Inversement, il faudrait manquer de culture et d'empathie pour ne pas comprendre la peur de certains concitoyens attachés à la République (...)».

Écrire une histoire c'est faire un effort sur soi-même, c'est prendre sa part et c'est respecter tous les combats! S'agit-il d'un tournant, d'une nouvelle méthode, d'une nouvelle voie pour l'avenir des Outre-mer?

Lire aussi : Avenir de la Nouvelle-Calédonie. Sébastien Lecornu : « On a un rapport à la décolonisation différent »

Lire aussi :