Essais nucléaires en Polynésie : L’enquête Toxique maintenant disponible en format poche

Essais nucléaires en Polynésie : L’enquête Toxique maintenant disponible en format poche

Le livre Toxique : Enquête sur les essais nucléaires en Polynésie française, co-écrite par le chercheur Sébastien Philippe et le journaliste Tomas Statius, est paru mercredi 14 février en format poche, aux éditions Alpha.

 

Le 9 mars 2021, Sébastien Philippe et Tomas Statius, avec Interprt et le média d’investigation Disclose, avaient publié une enquête sur les essais nucléaires français en Polynésie et leurs conséquences sanitaires sur la population, civile ou militaire. Une publication qui avait eu l’effet d’une déflagration dans la société polynésienne, sur un sujet qui suscite encore de vives douleurs et des tensions entre l’État et la Collectivité d’Outre-mer.

L’enquête révèle notamment une sous-estimation des contaminations ou encore, un cluster de cancers aux îles Gambier, archipel proche des atolls de Moruroa et Fangataufa. « Ce projet est né il y a deux ans de la rencontre entre le collectif de chercheurs et d’architectes Interprt et le média d’investigation Disclose. Notre objectif, simple et pourtant inédit à ce jour : écrire les pages manquantes de l’histoire des essais nucléaires en Polynésie française » nous confiait le journaliste et co-auteur Tomas Statius, dans une interview quelques jours après la parution.

Depuis, l’enquête a fait son chemin, tout en faisant bouger certaines lignes entre l’État et la Polynésie. Quelques semaines après sa parution, en réponse à l’enquête et à la colère qui s'ensuit, l’ancien président de la Polynésie annonce une « table ronde de haut niveau sur les conséquences des essais » à Paris, début juillet. Une initiative du chef de l’État qui devait permettre de rassurer, « d’objectiver » et faire passer des annonces en amont d’une visite officielle prévue fin juillet 2021.

Si les auteurs de l’enquête n’y sont pas conviés, les principales et historiques associations des victimes des essais le sont, tout comme les représentants politiques locaux, et face à eux, des « hauts administrateurs de l’État (…) mais aussi militaires, ingénieurs du CEA (dont les résultats avaient été mis à mal par l’enquête, ndlr) et historiens ». À l’issue de cette table ronde, des annonces -politique « d’aller vers » les victimes, fonds pour la caisse locale de prévoyance sociale qui a pris en charge les maladies radio-induites ou encore, comité de suivi pour la déclassification des archives-.

Malgré cela, la table ronde n’avait pas convaincu les associations et organisations -politiques ou religieuses- historiquement engagées contre les essais nucléaires et pour la reconnaissance des victimes. Celles-ci avaient auparavant annoncé leur non-participation, mobilisant à Papeete, le même jour, quelques milliers de personnes, comme pour illustrer la rupture entre la société polynésienne et l’État sur ce sujet. Une nouvelle manifestation est organisée quelques jours avant la venue d’Emmanuel Macron. Là encore, plusieurs milliers de personnes sont rassemblées à Papeete.

Lors de son déplacement officiel en Polynésie, le sujet est évidemment au programme. Le chef de l’État est plusieurs fois interpellé par des responsables associatifs. « J’assumerai jusqu’au bout » leur avait-il lancé, sur un bord de route de l’île de Moorea. « Il y a eu pendant très longtemps du silence et un refus de partager l’information, d’assumer les choses, de dire, d’être transparent » a-t-il ajouté. Reconnaissant le soir-même « la dette » de la France à l’égard de la Polynésie, il s’était engagé à ce que l’État indemnise mieux.

Dans la préface inédite qui accompagne ce nouveau format poche de l’enquête, les auteurs racontent l’ensemble de ces péripéties, « contre-feu » et tentatives de dé-crédibilisation qui ont accompagné leur publication. En vain, car en septembre 2022, la communauté scientifique et universitaire internationale valide les résultats de l’enquête, finaliste du prix Albert Londres et lauréate du prix Sigma. Plus récemment, en novembre 2023, le Dr Florent de Vathaire, directeur de recherche à l’Inserm, confie à France Culture que les résultats de ses travaux « sont exactement les mêmes » que l’enquête Toxique.

Enfin, « les résultats de Toxiques sont utilisés dans plusieurs procédures devant les tribunaux administratifs intentés par des personnels civils pour faire reconnaître leur statut de victimes des essais nucléaires, notamment lors de l’essai Centaure », écrivent Sébastien Philippe et Tomas Statius. Le « champignon atomique » de cet essai, le 58ème, aérien et tiré le 17 juillet 1974, a pris la direction de Tahiti qu’il a touché le 19 juillet, contaminant potentiellement 110 000 personnes. Sébastien Philippe et Tomas Statius y ont consacré une modélisation précise dans leur enquête, à découvrir ou redécouvrir en format poche.