Cancers en Polynésie : l’Institut national du cancer présente ses recommandations au président du territoire

Vue du siège de l’Institut national du cancer à Boulogne-Billancourt ©DR

Cancers en Polynésie : l’Institut national du cancer présente ses recommandations au président du territoire

Une mission composée de représentants du CHU et de l’université de Bordeaux, en lien avec le réseau Unicancer et sous l’égide de l’Institut national du cancer (INCa), s’était rendue en Polynésie en décembre 2021 pour y rencontrer l’ensemble des acteurs du monde de la santé. La mission vient de remettre son rapport au président du territoire Edouard Fritch, avec des recommandations précises concernant l’observation des cas de cancers, de prévention, d’offre de soins et de maîtrise des dépenses médicalisées.

L’état des lieux tout d’abord. Selon l’INCa, les données du registre des cancers polynésiens mériteraient d’être « fiabilisées ». Cependant, dans une analyse en date d’avril 2021, 806 tumeurs malignes ont été rapportées en 2016. La même année, 365 décès ont été imputés à un cancer. « L’incidence du cancer en Polynésie française apparaît nettement inférieure à celle de la métropole, chez les hommes (249 cas pour 100 000 personnes/années en 2016, contre 330,2 en métropole en 2018), et chez les femmes de manière moins marquée (266 cas pour 100 000 personnes/année en 2016 vs 274 en métropole en 2018) » relève les auteurs du rapport.

Les localisations principales de cancer en Polynésie pour les hommes sont le poumon, la prostate, le côlon-rectum et le foie. Pour les femmes, il s’agit du sein, de la thyroïde, du poumon et de l’utérus (corps et col). L’étude relève que l’incidence du cancer du poumon était en baisse nette chez les hommes et plus modérée chez les femmes, « ce qui dans le contexte de tabagisme important montre la fragilité de ce registre (polynésien, ndlr) » s’inquiètent les auteurs. Le cancer de la prostate chez les hommes, bien qu’inférieur au taux de l’Hexagone, apparaît en constante augmentation, note également le rapport.  

Le cancer du sein chez la femme augmente, mais de façon plus progressive, avec un niveau demeurant plus faible que dans l’Hexagone. De même, le cancer du côlon-rectum, qui était plutôt élevé chez les hommes, reste stable et nettement inférieur à ce qui a été observé en France hexagonale. Toutefois, « l’incidence du cancer de la thyroïde, en particulier chez les femmes, est, sur l’ensemble de la période 1985-2010, beaucoup plus importante en Polynésie française qu’en métropole et que dans les autres territoires du Pacifique, à l’exception de la Nouvelle-Calédonie. Sur la période 1998-2002, elle est même la plus élevée au monde, avec celle de la Nouvelle-Calédonie, et fait l’objet de recherches spécifiques », précise l’étude.

Nombre de patients enregistrés dans le dispositif « longues maladies » par pathologie en Polynésie (2017)

En ce qui concerne la stratégie organisationnelle de la Polynésie en oncologie, le rapport constate que le recueil des cas de cancers a débuté en 1980, mais que le registre n’a été créé qu’en 1985. Sur la période antérieure à 1990, seuls 50% des cas étaient enregistrés, 90% après 1990. « Le registre avait obtenu la qualification par le Comité national des registres, mais il l’a perdu en 2003, n’ayant pas sollicité son renouvellement. Bien qu’actif, le registre n’est plus évalué et n’est donc actuellement plus qualifié, ce qui risque de rendre difficiles les comparaisons avec les autres territoires, et mérite donc d’être corrigé », estime l’étude.

L’absence de conseil scientifique constitue également un obstacle au bon fonctionnement du registre et à sa progression, regrettent les auteurs du rapport, car il serait le garant de la qualité scientifique des travaux du programme de travail partenarial qui lui sont soumis. « Il pourrait proposer des études et des travaux à conduire dans les champs de la surveillance et de l’observation des cancers ou s’autosaisir sur des sujets en relation avec ces champs. »

Le texte formule une multiplicité de recommandations à l’attention de l’Institut du cancer de Polynésie française (ICPF) ainsi qu’au président du territoire. Sur le plan de la prévention, par exemple : renforcer l’action dans la lutte contre le tabagisme, et la gouvernance de cette politique publique ; renforcer l’action dans la lutte contre la consommation excessive d’alcool en encadrant les conditions de vente ; et démultiplier les messages de promotion d’une alimentation saine. D’autres préconisations incitent au développement des compétences en matière d’épidémiologie et de biostatistique, et à l’établissement d’un programme annuel de publications, incluant des articles soumis à des revues à comité de lecture, entre autres.

L’intégralité du rapport de l'INCa est disponible ici

PM