C’est ce lundi que commence à s’envoler la délégation de la Polynésie pour la Conférence des Nations-Unies. Composée de 109 personnes, elle doit représenter un cinquième de la délégation française. Le Pays n’est pas le seul à envoyer des représentants à Nice : associations, organismes scientifiques, haussariat, et acteurs privés du milieu maritime sont aussi du déplacement. Leur objectif commun : placer le fenua en « moteur de la conservation océanique », décrocher des financements et plaider pour davantage de régulation de la pêche dans les eaux internationales. Le point de notre partenaire Radio 1 avec le ministre des Ressources Marines et de l’Environnement, Taivini Teai.
Rarement on aura vu une délégation polynésienne si importante s’envoler pour la métropole. 109 représentants du Pays, des services de l’État, d’associations environnementales, d’organismes scientifiques ou de représentants des entreprises de la filière maritime, s’envoleront à partir de ce 2 juin pour la Conférence des nations-Unies sur les Océans. Une mobilisation sans précédent – à comparer, par exemple, avec les 131 athlètes qui s’envoleront quelques semaines plus tard pour les Mini-Jeux de Palau -, et qui clairement assumée par le Pays. Moetai Brotherson insistait, sur le plateau de l’Invité de la Rédaction la semaine dernière, sur les enjeux fondamentaux d’une telle conférence. Taivini Teai, en charge entre autres des Ressources marines et de l’Environnement, enfonce le clou : la Polynésie a, dans ce sommet mondial où se croiseront 150 délégations nationales, des centaines d’ONG, des scientifiques et au total, évènements secondaires compris, 30 000 participants, l’opportunité de « faire entendre sa voix sur la scène internationale », et de « valoriser son modèle de gestion durable des ressources marines ».
Mettre en avant les initiatives locales
Ni Moetai Brotherson ni Taivini Teai n’interviendront en séances plénières de l’Unoc, réservée aux représentants étatiques, format onusien oblige. L’État, qui coorganise l’évènement, leur a toutefois réservé une place de choix dans des évènements de la « zone bleue », réservée aux délégations officielles. Le président du pays parlera ainsi de la protection réglementaire des océans, le ministre de l’Environnement et ancien universitaire débattra, lui, du lien entre science et politique. Jordy Chan, ministre des Grands Travaux en charge des transports maritimes, représentera lui le Pays au Blue Economy and Finance Forum, prévu les 7 et 8 juin à une quinzaine de kilomètre de là, à Monaco.
Mais la majorité de la délégation va surtout prendre part aux événements parallèles de la « zone verte », accessible aux professionnels et même au grand public. Il profiter de l’espace d’exposition de plus de 100 m² qui leur est offert au sein du pavillon français – soit 25% de l’espace d’après le Haut-commissaire Éric Spitz – pour mettre en avant les initiatives locales en matière d’environnement, d’énergie avec le Swac ou les futurs ETM, de transport ou de suivi scientifique des milieux. Parmi les intervenants, des représentants de la Fape, la Tetiaroa society, la Mokarran Protection Society, les associations Vai ma Noa Bora Bora ou Reva Atea, et bien sûr des professionnels membres du cluster maritime.
« Nous voulons montrer que la Polynésie peut être un exemple en matière de gestion de son espace maritime, avec des pratiques respectueuses des écosystèmes et ancrées dans nos savoirs traditionnels, comme les rahui, » précise le ministre Taivini Teai. « On a une pêche qui est durable en Polynésie Française. Je parle là de pêche hauturière évidemment avec des techniques de pêche qui sont 100% polynésienne que ça soit au niveau de la construction que des équipages. C’est aussi une pêche qui est respectueuse des prises avec une pêche au long line qui permet , lorsque l’on a ces espèces emblématiques capturées de type requin par exemple, de les relâcher. »
Outre les discussions sur la pêche, le Pays coorganisera une conférence sur les grands fonds marins du Pacifique, dans un contexte de débat politique régionale, et de court-circuitage des initiatives internationales par l’administration américaine de Donald Trump. La Polynésie participera aussi à un Sommet de la coalition sur la montée des océans et la résilience côtière.
Des financement pour « accroitre les moyens de surveillance »…
Le Pays cherchera surtout à marquer les esprits sur les questions de protections des aires marines. Moetai Brotherson l’a annoncé sur Radio1 : l’aire marine « gérée » créée en 2018 sur les plus de 5 millions de kilomètres carrés de la ZEE va devenir une aire marine protégée de classe 6, un statut reconnu internationalement. Ce qui permettra à la Polynésie – et dans le même temps à la France – d’afficher des résultats sur les objectifs de classement mondiaux qui seront réaffirmés à Nice : l’objectif « 30×30 » prévoit de protéger 30 % des océans d’ici à 2030.
Une évolution stratégique à entendre le ministre: « Le fait d’avoir un équivalent international, va nous permettre à ce moment-là, en effet de pouvoir bénéficier de soutien financier, c’est bien l’objectif du déplacement l’Unoc. Pourquoi ? si on veut protéger des zones, il est important de les surveiller et donc il faut des moyens et le but ça va être notamment de chercher des collaborations pour augmenter, optimiser, accroître les moyens de surveillance ».
Et par surveillance, le ministre n’entend pas seulement les patrouilles navales déjà assurées par l’armée, mais aussi la surveillance scientifique, biologique, et l’utilisation de technologies satellitaires, de drones, ou même de l’intelligence artificielle dans le traitement des données… Cette protection est aussi, pour le gouvernement, nécessaire pour crédibiliser les demandes de régulations dans les espaces internationaux et dans les ZEE de Pays moins bien dotés. DCP, prises massives de thonidés, vente de licence à des armements étrangers… Autant de sujets qui doivent eux aussi animer les débats à l’Unoc.
… Et du débat à prévoir en local
Du débat, il y en aura aussi au sein même de la délégation. Car au micro de Radio1, Moetai Brotherson a aussi annoncé la « finalisation » prochaine de discussions sur la création d’aires marines protégées de classe 2 – un niveau de protection bien plus important, donc – au sein de la ZEE. Le président a parlé de « quatre zones d’aires marines protégées, avec des zones de no-take, où la pêche sera interdite » et qui totaliseront « entre 1,5 et 2,5 millions de kilomètres carrés de ZEE ». Une annonce d’ores et déjà jugée « incompréhensible » par les armateurs de pêche et une partie de la filière maritime. Qui pointent les contradictions du gouvernement : si la pêche est durable et bien gérée au fenua, et que le problème vient de l’extérieur, pourquoi serait-ce au pêcheurs polynésiens de limiter leur zone d’activité ?
Par Radio 1