Accès défaillant à l'eau, violences quotidiennes, immigration incontrôlée, habitats insalubres, sous-développement des services publics et des infrastructures: le projet de loi-programme pour "refonder Mayotte", examiné à partir de lundi au Sénat, entend répondre aux crises multiples qui traversent un archipel dévasté.
Le texte gouvernemental s'articule autour de plusieurs blocs thématiques, allant des objectifs d'investissement à la "convergence" sociale en passant par un important volet migratoire et sécuritaire.
Voici les principales mesures de ce projet de loi dont le vote solennel est prévu le 27 mai à la chambre haute.
3,2 milliards sur six ans
Le titre premier se distingue par sa forme: un rapport annexé au projet de loi, doté d'une valeur juridique, qui impose des objectifs à l'exécutif.
Il recense les priorités de l'État pour Mayotte et prévoit 3,2 milliards d'euros d'investissements publics entre 2025 et 2031, fléchés vers l'eau, l'éducation, la santé, les infrastructures ou la sécurité.
Il contient aussi des engagements plus généraux, comme la fin des rotations scolaires avant 2031, alors qu'aujourd'hui, de nombreux élèves doivent partager leur salle de classe avec un autre groupe, faute de places disponibles.
Les sénateurs ont relevé des manquements dans ces engagements de l'exécutif et entendent contraindre le gouvernement à décliner ses objectifs d'investissements de manière pluriannuelle. Ils prôneront aussi la mise en place d'un "comité de suivi" de cette loi programmatique.
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Immigration, habitat illégal et sécurité
Le titre II s'attaque à "deux fléaux identifiés depuis longtemps": l'immigration clandestine et l'habitat informel.
Le texte durcit les conditions d'accès au séjour, centralise les reconnaissances de paternité à Mamoudzou et augmente les peines pour reconnaissance frauduleuses de paternité.
Il facilite aussi les expulsions de bidonvilles, en supprimant l'obligation d'annexer une offre de relogement à l'arrêté d'évacuation, en augmentant de 96 heures à sept jours le délai de flagrance pour constater la construction d'un habitat informel et en augmentant le nombre d'agents habilités pour ces contrôles.
Absente du texte - mais au coeur de certaines revendications locales -, la question des visas territorialisés, qui empêchent les détenteurs d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone. Leur suppression est souhaitée par la gauche, le gouvernement s'y oppose.
Le titre III, à "dimension plus sécuritaire", prévoit des régimes juridiques spécifiques: renforcement des contrôles sur les armes, lutte accrue contre l'emploi d'étrangers sans titre et retrait possible des titres de séjour aux parents d'enfants considérés comme menaçant l'ordre public.
Cette dernière mesure, très encadrée, irrite fortement la gauche: elle permettra l'éloignement des familles - parents et enfants -, y compris lorsque la défaillance des parents compromet la "moralité" ou "l'éducation" de leur enfant.
Convergence sociale et levier économique
Le titre IV rassemble des mesures économiques et sociales. Il inclut un article sur la convergence sociale, très attendue par les Mahorais. Le RSA y est encore deux fois plus bas que dans l'Hexagone et le SMIC horaire y est inférieur. Le projet fixe l'horizon 2031 pour atteindre cette convergence, mais les modalités pour y parvenir sont renvoyées à des ordonnances du gouvernement.
Il facilite aussi les constructions d'infrastructures essentielles, avec un article simplifiant les procédures foncières et les expropriations, souvent sources de blocage sur l'île. Mal reçue localement, cette mesure sera vivement débattue au Sénat.
Par ailleurs, le texte prévoit la création d'une zone franche globale à 100%, étendue à toutes les entreprises et tous les secteurs d'activité, pour stimuler l'économie mahoraise.
Gouvernance locale renforcée
Nouveauté: Mayotte deviendra une collectivité unique "Département-Région". Ce changement institutionnel, acté dans une loi organique parallèle, vise à donner plus de leviers aux élus mahorais, notamment pour gérer les fonds européens et piloter le développement de leur archipel.
Le projet instaure un scrutin de liste pour l'élection de 52 conseillers à l'assemblée de Mayotte, ainsi que des incitations pour attirer les fonctionnaires, comme une bonification d'ancienneté et une priorité de mutation au retour.
Avec AFP