INTERVIEW. Katy Hoarau première femme réunionnaise Présidente du Comité Outre-mer au Conseil National de l’Ordre des Experts-Comptables

© Sandrine Hubert de Lisle

INTERVIEW. Katy Hoarau première femme réunionnaise Présidente du Comité Outre-mer au Conseil National de l’Ordre des Experts-Comptables

Katy Hoarau a été élue le 2 février dernier présidente du Comité Outre-mer et Corse du Conseil National de l’ordre des experts-comptables. Elle succède aux Réunionnais Abdoullah Lala et Marcelino Burel. Kathy Hoarau  accorde à Outremers 360 sa première interview dans laquelle elle évoque sa mission et sa vision de l’Outre-mer.


Vous venez d’être élue au Comité Outre-mer. Quelle est la mission de ce Comité ?

Le Comité outre-mer existe depuis 6 ans. Il réunit les présidents des régions de Corse, de
Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion, de Martinique et de Mayotte ainsi que les élus ultramarins du Conseil National. Au-delà d’accompagner les actions des experts-comptables basés dans les Outre-mer, ce Comité a pour vocation de valoriser ces territoires au niveau national en les faisant connaître et en acculturant la profession et son écosystème. Notre Comité se veut être une force de proposition sur les sujets économiques concernant les Outre-mer.

Les axes de mandatures du Comité pour 2023-2024 vont être l’attractivité, la formation et l’ancrage de la profession comptable dans l’écosystème économique ultramarin au niveau national et européen. Nos territoires se vident de manière plus ou moins significative de nos talents. La profession comptable comme toutes les filières en souffre. Il s’agit pour, nous, représentants du Comité Outre-mer d’organiser des actions qui mettent en relation nos entreprises et les jeunes talents qui veulent être solidaires du destin économique de nos territoires. La formation de nos confrères et de nos équipes est aussi un enjeu. Le contexte du financement de la formation professionnelle devrait être adapté aux réalités des territoires d’outre-mer. Les outre-mer font souvent l’objet de débats sur la fiscalité : en tant que représentants de la profession comptable, nous devons participer activement à ces débats en apportant une perspective professionnelle basée sur l’expérience du terrain.

Katy Hoarau lors du campus  des professions du chiffre de La Réunion en novembre 2022 © © Ordre des Experts-Comptables de La Réunion 

Quel regard portez-vous sur les outre-mer ?

J’aime les outre-mer. Je me sens chanceuse d’avoir grandi à La Réunion, d’avoir eu à partir pour faire mes études, d’avoir rencontré d’autres ultramarins, d’avoir travaillé avec des gens du monde entier et d’être rentrée. Je crois que les handicaps naturels de nos territoires, qui sont de réels freins, nous obligent, nous, ultramarins à être plus imaginatifs, combatifs, résilients, bienveillants, pragmatiques et peut-être plus humbles aussi. Et ça tombe bien car dans le contexte actuel d’inflation, de problèmes de transports, de réchauffement climatique, de pénuries de ressources …il va falloir être débrouillards ! Par ailleurs, les outre-mer comme le reste des territoires doivent se mettre en ordre de marche pour relever les défis de la transition écologique et numérique. L’accompagnement et la formation des chefs d’entreprise, comme des salariés est donc essentiel afin de développer les compétences et les connaissances pour faire face aux défis actuels et futurs. En tant que représentants des experts-comptables, nous devons embarquer la profession et nos clients dans cette aventure en les aidant à se développer dans un environnement en constante évolution !

C’est quoi l’utilité d’un expert-comptable quand on est une entreprise ultramarine ?

Le tissu économique des outre-mer est essentiellement constitué de petites et moyennes
entreprises. Ces dernières n’ont pas forcément les ressources financières pour internaliser la fonction administrative et financière. Les experts-comptables sont là pour les aider au quotidien, à remplir leurs obligations comptables, fiscales, sociales et juridiques. Au-delà des missions de conformité, l’expert-comptable se veut le conseil privilégié du chef d’entreprise. En confiance, le chef d’entreprise nous sollicitera pour l’assister dans la création d’une entreprise, son développement et sa transmission. Lorsque le chef d’entreprise est en difficulté, c’est aussi vers nous qu’il doit se tourner.

Souvenez-vous, pendant la crise covid, les experts-comptables et leurs équipes ont été aux côtés des chefs d’entreprises pour décrypter, diffuser, traduire et appliquer les dispositifs proposés par le gouvernement. Cette crise a montré que nos compétences sont nécessaires au développement économique des territoires.

Katy Hoarau, présidente de l’Ordre des Experts Comptables  de La Réunion signe une convention partenariale avec l’Ordre des Infirmiers. © Ordre des Experts-Comptables de La Réunion 

Les experts-comptables ultramarins sont confrontés à des problématiques particulières en raison des handicaps naturels, qui ont un impact significatif dans les modèles et la vie des affaires économiques de ces territoires. De plus, la réglementation spécifique aux des territoires d'outre-mer qui évolue régulièrement. Ils sont. en mesure de comprendre les besoins spécifiques des entreprises ultramarines et de maintenir une veille fiscale et juridique approfondie afin d’aider les entreprises à faire face aux défis qui leur sont propres. Pour continuer à jouer leur rôle, les experts-comptables ultramarins ainsi que leurs équipes doivent se former en permanence.

Notre implication quotidienne sur le terrain économique nous permet également d’être force de proposition auprès des pouvoirs publics. C’est ce que nous faisons au travers de nos instances représentatives.

Quelle est la première mesure ou réforme, que vous souhaiteriez voir mettre en place pour les Outre-Mer ?

En plus de leurs handicaps naturels, les territoires ultra-marins souffrent aujourd’hui de pénurie de ressources humaines. Les jeunes ultramarins qui partent pour leurs études ne rentrent pas forcément travailler en outre-mer. Or, si on arrivait à faire revenir nos talents, ou à attirer des compétences venues de métropole ou ailleurs, les entreprises de taille moyenne pourraient se constituer un encadrement intermédiaire. Ce « top management » leur permettrait de booster leur développement et de faciliter les transmissions d’entreprises des baby-boomers. Pour attirer ces jeunes qualifiés, il faudrait que les entreprises puissent leur proposer une rémunération et un plan de carrière satisfaisants. Prévoir dans la « Lodeom » un « dispositif par tranche » permettrait aux entreprises d’agir sur le volet rémunération sans alourdir le poids des charges sociales. Ainsi, dotées d’un « top management », les entreprises pourraient dépasser certains plafonds de verre et offrir des plans de carrière plus attractifs.
Dans la continuité de cette mesure, la question de, la formation professionnelle continue en Outre- mer s’impose. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que des salariés formés est un avantage compétitif pour une entreprise et que l’investissement dans la formation professionnelle des salariés est un enjeu stratégique. Toutefois, la réforme du financement de la formation professionnelle n’a pas été adaptée aux entreprises d’Outre-mer. Elle est tombée comme un couperet et les entreprises, y compris les cabinets d’expertise-comptable n’ont pas eu le temps d’adapter leur budget. Aussi, je regrette compte tenu des besoins de formation des salariés en Outre-mer, et la spécificité de nos tissus économiques l’absence de dispositif transitoire…La création de valeur générée par la formation continue en entreprise a compensé, pendant longtemps, la réalité tardive de l’école obligatoire pour tous en outre-mer…Cette dynamique a été cassée brutalement.

© Ordre des Experts-Comptables de La Réunion 

Pour conclure

A mes yeux, les Outre-mer sont les phares de La France et de l’Europe partout dans le monde, c’est une chance et une responsabilité pour nous, acteurs locaux. Notre rôle est de continuer à faire briller ces lumières en travaillant main dans la main avec les instances nationales et européennes. Il s’agit de continuer à éclairer le monde en montrant le champ des possibles qu’offrent, à La France et à l’Europe, nos territoires d’Outre-mer. Il s’agit pour les Outre-mer de prendre leur place. C’est mon engagement et celui des membres du Comité Outre-mer du Conseil National de l’Ordre des Experts-Comptables.