Les particularités du marché bancaire antillais, entre restructuration et diversification

Les particularités du marché bancaire antillais, entre restructuration et diversification

Si les banques de Guadeloupe et de Martinique opèrent dans le même cadre juridique que celles de l’Hexagone, elles s’en distinguent par des problématiques spécifiques : un marché local étroit, une clientèle fragile et des coûts proportionnellement plus lourds qu’au niveau national, qui réduit leur profitabilité. Sous ces contraintes, les banques locales ont dû faire preuve d’adaptation et revoir leurs stratégies, d’après une récente étude de l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (IEDOM, janvier 2021).

Premier constat de l’IEDOM, la baisse démographique continue en Martinique et en Guadeloupe, qui ont perdu respectivement 0,8% et 0,5% de leur population par an en moyenne entre 2011 et 2016, selon les derniers chiffres. Principales causes : un chômage élevé et l’insuffisance de l’offre d’enseignement supérieur qui contraignent de nombreux jeunes à partir travailler ou étudier dans l’Hexagone ou à l’étranger.

« Ce sont autant de clients potentiels en moins pour les établissements de crédit : moins d’usagers, donc a priori moins de débouchés en termes d’équipements en produits et services (crédits, assurance et prévoyance, épargne, etc.) », relève l’institution. « L’exiguïté du marché est par ailleurs amplifiée par le caractère insulaire des deux territoires : les banques antillaises peuvent difficilement être sollicitées par des prospects issus d’un département voisin, contrairement à ce qui peut être observé dans l’Hexagone ».

Deuxième constat, la clientèle antillaise est financièrement plus fragile, et de ce fait plus risquée pour les banques. Son niveau de revenu est inférieur à celui répertorié au niveau national. Le produit intérieur brut (PIB) moyen par habitant, en Martinique comme en Guadeloupe, s’établit à 69% du PIB moyen pour la France entière. Le chômage y est beaucoup plus important que dans l’Hexagone, avec un taux 1,9 fois plus élevé en Martinique, et 2,6 fois plus élevé en Guadeloupe.

« En conséquence, 74% des foyers martiniquais et 77% des foyers guadeloupéens ne sont pas imposables, contre 56% des foyers nationaux », précise l’étude. « De même, le revenu de solidarité active (RSA) est versé à 22% des foyers martiniquais et 24% des foyers guadeloupéens, contre moins de 6% des foyers nationaux. Seuls 17% des foyers fiscaux guadeloupéens et 19% des foyers fiscaux martiniquais bénéficient d’un revenu annuel supérieur à 30.000 euros, soit 10 à 12 points de moins qu’au niveau national (29 %) ».

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Dans ce contexte, l’IEDOM note que la rentabilité du modèle d’affaire traditionnel pour les banques s’est affaiblie. Les marges d’intermédiation (différence entre rendement et coût des fonds prêtés) sont en baisse en raison d’une politique monétaire durablement accommodante, les commissions sont limitées par le plafonnement des frais bancaires, et le poids des charges demeure très important. Ce dernier aspect implique un coefficient d’exploitation plus élevé.

« En 2016, le coefficient net d’exploitation bancaire ressort ainsi à 74% aux Antilles, contre 63,3 % au niveau national », souligne l’institution. Par ailleurs, le coût du risque crédit reste élevé pour les banques locales. « Les créances douteuses sont proportionnellement plus importantes aux Antilles. Bien que leur poids tende à diminuer depuis quelques années, elles représentaient encore 5,9% de l’encours brut de crédits en Martinique et 3,7% en Guadeloupe en 2019, contre 2,3% au niveau national ».

Charges élevées, débouchés limités, réduction de la rentabilité du secteur, les établissements bancaires ont donc été amenés à évoluer et engager des mutations structurelles. « La plupart des banques antillaises ont mis en œuvre des stratégies visant à réduire leurs coûts, que ce soit en s’engageant dans des processus de rapprochement ou en réorganisant leurs réseaux », explique l’IEDOM.

Cela s’est traduit par des opérations de concentration ou de rapprochement avec les maisons-mères, la restructuration de réseaux d’agences (fermetures ou regroupements), et des réductions d’effectifs pour diminuer les coûts d’exploitation. Ainsi, « les effectifs du secteur bancaire s’établissent en 2019 à 1409 en Martinique et 1663 en Guadeloupe, soit respectivement -118 et -318 par rapport à 2014 (-8% en Martinique et -16% en Guadeloupe, en 5 ans) ».

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Toutefois, agir simplement sur les coûts n’est pas suffisant pour la plupart des banques antillaises, qui recherchent de nouveaux relais de croissance. Aussi, nombre d’entre elles proposent « des offres élargies et plus attractives de produits et services bancaires (taux d’appel, conditions de prêt avantageuses, marketing et partenariats, etc.) », pour augmenter leur base clientèle, en s’appuyant notamment sur la digitalisation. Afin de diversifier leurs sources de revenus et de trouver de nouvelles commissions, la vente de produits d’assurance a également pris de l’ampleur.

Par ailleurs « certains établissements vont plus loin et se positionnent sur des activités relativement éloignées des activités bancaires classiques, comme la télésurveillance. De même, quelques établissements étudieraient la possibilité de se lancer dans la vente de produits numériques (téléphonie mobile et fixe, internet et télévision), voire dans le commerce automobile grâce à la mise en place de partenariats avec des acteurs traditionnels sur ces marchés ».

L’étude de l’IEDOM est disponible ici 

PM