L'Assemblée nationale invite le gouvernement à se pencher sur la restitution de la « double dette » imposée à Haïti

L'Assemblée nationale invite le gouvernement à se pencher sur la restitution de la « double dette » imposée à Haïti

L'Assemblée nationale a approuvé jeudi une proposition de résolution appelant à « étudier le processus de restitution de la « double dette » imposée à Haïti », il y a 200 ans, en échange de la reconnaissance par le roi Charles X de l'indépendance de l'ancienne colonie.

Le texte, proposé par le groupe GDR (communistes et ultra-marins) dans le cadre de sa niche » parlementaire, la journée annuelle consacrée à ses textes, a été approuvée par 53 députés contre 9, issus du RN et de son allié le groupe UDR.

Il invite le gouvernement à reconnaître l'injustice faite à Haïti, considérer ses conséquences, et sur la question des réparations, l'invite à une « prise en considération des demandes de remboursement et à étudier le processus de restitution de la « double dette » ». Il appelle à la mise en place d'une commission indépendante et à « soutenir les initiatives s'inscrivant dans une démarche de justice réparatrice et particulièrement les initiatives franco-haïtiennes à portée mémorielle ».

Après avoir proclamé leur indépendance en 1804 à l'issue d'une victoire militaire contre le corps expéditionnaire napoléonien, les nouvelles autorités de Haïti acceptèrent, le 17 avril 1825, sous la menace des canons de la flotte française, de payer 150 millions de francs-or d'indemnité aux anciens propriétaires de terres et d'esclaves, en échange de la reconnaissance de l'indépendance par le roi Charles X. La somme sera ramenée en 1838 à 90 millions.

Pour s'en acquitter, la jeune république noire et caribéenne dut s'endetter à des taux très élevés auprès de banques françaises. Le règlement de cette « double dette » s'étala jusqu'en 1952. Selon la Fondation pour la mémoire de l'esclavage (FME), l'engrenage financier déclenché par l'ordonnance de Charles X a entraîné Haïti « dans une spirale de dépendance néocoloniale dont le pays ne parviendra jamais à s'extraire ».

Le président de la République Emmanuel Macron a lancé le 17 avril un travail de mémoire, annonçant qu'une commission franco-haïtienne devrait étudier « l'impact » sur Haïti de la « très lourde indemnité financière » imposée par la France à Haïti. Mais il n'a pas fait référence directement aux réparations financières réclamées par les autorités haïtiennes. Dans la foulée d'une campagne lancée en 2003, l'ex-président haïtien Jean-Bertrand Aristide avait évalué cette « double dette » à 21,7 milliards de dollars.

Le gouvernement, représenté par Thani Mohamed Soilihi, le ministre chargé de la Francophonie, a donné un avis de sagesse sur la proposition de résolution communiste. Se distinguant du reste de l'hémicycle, le député RN Emeric Salmon a estimé que la demande de réparation soulevait des « risques de précédent dangereux d'autres nations pour exiger réparation pour des faits historiques similaires menaçant l'équilibre diplomatique et économique mondial ».

Durant sa niche parlementaire, le GDR, qui compte le plus de députés ultramarins, a aussi fait voter une proposition de loi visant à expérimenter l’encadrement des loyers dans les DROM et Saint-Martin, et la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’accès au droit pour les Ultramarins. Autre texte à valeur symbolique : le groupe a réussi à faire adopter une résolution demandant l’abrogation de la réforme des retraites. 

Avec AFP