Interview Politique – Younous Omarjee, Député européen : « Cette défense du budget du POSEI ne doit pas nous faire perdre de vue que ce programme mérite d’être amélioré»

Interview Politique – Younous Omarjee, Député européen : « Cette défense du budget du POSEI ne doit pas nous faire perdre de vue que ce programme mérite d’être amélioré»

© Facebook Younous Omarjee

Fonds POSEI, soutien supplémentaire face à la crise du Covid, Conférence des Présidents des RUP, la situation des territoires ultramarins a été au coeur de nombreuses discussions européennes ces deux précédentes semaines. Des régions ultra-périphériques qui obtiennent suite à une mobilisation forte des députés européens deux engagements importants : le maintien du budget du Posei et une enveloppe supplémentaire de près de 48 milliards d’euros du programme REACT-EU pour lutter contre les conséquences de la crise Covid-19. Pour Outremers 360, le député européen Younous Omarjee, président de la commision REGI revient sur l’ensemble des dossiers (POSEI, journée internationale de l’esclavage, Interreg, Fonds de cohésion…). qu’il a ardemment défendu dans l’hémicycle 

Le Parlement européen vient de conclure un accord sur un soutien supplémentaire de 47,5 milliards d’euros afin de lutter contre les conséquences de la crise : que peut-on attendre pour les Outre-mer (RUP et PTOM) ?

Younous Omarjee : Ces fonds supplémentaires qui ont été mis à disposition par le Parlement européen lors de la phase de négociation ont deux répercussions majeures pour les Outre-mer. Tout d’abord, j’avais demandé et nous avons obtenu une dotation spécifique pour les RUP pour se mettre à l’abri des mauvais coups de l’Etat. Ces crédits vont permettre de contribuer à contrer la crise économique qui a largement impacté les territoires ultramarins. Ceci est notamment dû à la fermeture des liaisons aériennes qui forme la base de plusieurs secteurs phares de l’économie ultramarine tel que le tourisme. Les compagnies aériennes n’ont pu assurer que 5% de leurs programmes de vols tout en continuant d’assumer d’importantes charges fixes. Les fonds supplémentaires vont ainsi permettre de contrecarrer cette mise à l’arrêt brutale de l’économie et de relancer les secteurs qui ont été directement impactés. Deuxièmement, ces fonds vont venir en additionnalité aux fonds structurels pour appuyer les objectifs de croissance durable et juste Une partie importante des fonds vont ainsi servir d’assistance technique aux territoires ultramarins qui de par leur nature et insularité sont fortement dépendant des énergies fossiles. Enfin et surtout, partout dans les Outre-mer la pauvreté a explosé. Ces fonds pourront être fléchés pour venir en aide aux plus démunis et augmenter le nombre de colis alimentaires. Ainsi que venir appuyer l’emploi des jeunes.
Je veux ajouter que dans toutes les négociations de la politique de cohésion que j’ai l’honneur de présider, celles qui relèvent de la compétence de la commission du développement régional , les demandes des RUP ont été satisfaites. C’est le cas notamment dans le règlement FEDER ou Interreg. Les négociateurs savaient tous que je ne laisserai rien passer contre nous. La vigilance a été totale à tous les moments et elle se poursuit dans les négociations actuellement en cours qui ne sont pas achevées.

Lire aussi : COVID-19 : Le Parlement européen conclut un accord sur un soutien supplémentaire de 47,5 milliards d’euros afin de lutter contre les conséquences de la crise

Le fonds POSEI avait suscité beaucoup d’inquiétudes. Un accord a finalement été trouvé. Qu’est-ce qui a rendu cette victoire possible ?

Le maître-mot ici est la pression. Nous n’avons pas seulement mis une pression politique lors des négociations avec le Conseil afin de maintenir le budget POSEI aux niveaux initiaux mais également une pression médiatique lors de notre mobilisation au sein du Parlement européen en octobre dernier, derrière une banderole indiquant en grand « NON aux coupes POSEI ». Cet évènement avait recueilli un soutien inédit avec plus de 60 députés européens de tous groupes politiques confondus alors que la plénière était déserte en raison des mesures Covid. Nous pouvons conclure que cette mobilisation a été couronnée de succès et qu’une fois encore le Parlement européen se fait LE défenseur des Régions Ultrapériphériques. Je veux ajouter aussi qu’une fois de plus l’unité transpartisane des RUP et des députés européens est la bonne et la seule méthode En tant que Président de la commission du développement régional, je salue l’accord trouvé. Il s’agit d’un accord provisoire trouvé dans une situation de pagaille budgétaire et qu’ il conviendra de consolider. Cette défense du budget du POSEI ne doit cependant pas nous faire perdre de vue que ce programme mérite d’être amélioré. Il faudra avoir le courage de s’attaquer enfin à quelques dérives pour qu’il serve réellement tous les agriculteurs, tous les secteurs et son principal objectif qui demeure la diversification.

Capture d’écran 2020-12-04 à 16.59.25

Lire aussi : Agriculture Outre-mer : « Le budget POSEI est sauvé » salue l’eurodéputé Omarjee

EXPERTISE.Agriculture et résilience pour les régions ultrapériphériques … Oui, mais comment ? par Joël Destom, Membre du Comité économique et social européen

Avec le veto de la Pologne et de la Hongrie, craignez-vous un nouveau blocage de l’adoption du budget européen ? Quels sont les préjudices pour les RUP françaises ?

Nous verrons. Je pense que les solutions seront trouvées. Tout le monde s’active.

Younous Omarjee présidant de la Commission REGI © DR

Younous Omarjee présidant de la Commission REGI © DR

Après avoir participé au Forum des RUP le 5 novembre, vous avez participé à la 25ème conférence des présidents des RUP qui s’est tenu à Mayotte les 26 et 27 novembre. Quel message avez-vous souhaité faire passer ?

Que je ne suis pas au Parlement européen pour plaire ni aux gouvernements, ni aux institutions européennes mais pour dire les choses comme elles doivent être dites, et toujours pousser les uns et les autres dans leurs retranchements. C’est ainsi que nous avons gagné tous nos combats.
Que notre unité d’action et de combat est exemplaire et qu’ils peuvent compter totalement sur la Commission que je préside maintenant.
Que cette législature ne doit pas être perdue pour les RUP et malgré la crise ne pas perdre de vue les objectifs de long terme. Car les retards pris aujourd’hui pour construire le futur ne seront que plus difficilement rattrapables demain. Que nous ne sommes pas condamnés à être toujours en retard comme on dit, mais dans un certain nombre de domaines nous avons les atouts pour prendre une longueur d’ avance. C’est ce à quoi aussi nous ne devons nous employer.

Lire aussi : Mayotte accueille la 25ème conférence des Présidents des RUP le 26 et 27 novembre

L’Europe a célèbré sa première « Journée européenne de commémoration de l’abolition de la traite des esclaves ». Qu’attendez-vous de cette journée pour les années à venir ? 

En juin dernier, le Parlement européen, suite à mon initiative et à mon discours en séance plénière, est devenue la première institution internationale à reconnaitre la traite négrière des esclaves et l’esclavage comme des crimes contre l’humanité. Ce fut un vote historique. Mais il faut aller au delà du déclaratif et c’est pourquoi la résolution proposait une série de mesures ainsi que de consacrer une journée officielle, celle du 2 Décembre, afin de rappeler aux citoyens européens et à nos institutions que la bataille contre le racisme et les discriminations commence par la déconstruction du continent mental qui favorise le racisme. C’est un enjeu primordial pour l’Union Européenne car la montée de la xénophobie et du racisme accompagne la montée en Europe des nationalismes. Cette journée doit être l’occasion de réaffirmer les valeurs qui fondent l’Europe et son unité. Elle rappelle que l’histoire de l’esclavage est une histoire européenne. Elle rappelle également à ne pas reproduire les erreurs du passé. Enfin, les récentes violences policières en France pour lesquelles on a manifesté ce samedi dernier, confirment l’importance que soit mis en oeuvre le plan d’action antiraciste ambitieux de la Commission européenne pour que les États membres combattent enfin le racisme structurel tel qu’il est dénoncé aujourd’hui par la Commission européenne.

JournéeUE-eSCLAVAGE

Les intérêts des RUP satisfaits avec l’accord trouvé sur le règlement général des fonds régionaux, de cohésion et sociaux pour 2021-2027

Ce mercredi 2 décembre, le Parlement européen a obtenu des fonds pour le développement économique, social et territorial de 330 milliards d’euros à l’issue de plusieurs heures de négociations.  Younous Omarjee, Président de la Commission REGI qui a présidé ces négociations et l’équipe de négociation conduite par Andrey Novakov et Constanze Krehl (co-rapporteurs) sont parvenus à un accord politique avec le Conseil européen sur le règlement général des fonds régionaux, de cohésion et sociaux pour 2021-2027.

Les régions moins développées et les régions ultrapériphériques (RUP) continueront de bénéficier d’un soutien important de l’UE avec des taux de cofinancement (part du budget financée par l’Europe dans un projet) de 85%. Le taux de cofinancement pour les régions en transition et les régions plus développées a été fixé respectivement à 60% et 40%. Le Président de la Commission REGI, Younous Omarjee a déclaré à son issue : « les régions de toute l’Europe peuvent commencer à travailler en toute sérénité sur la future période de programmation. C’est un bon accord : nous avons préservé les principes qui fondent la cohésion, nous avons simplifié les règlements, avec REACT EU  (le mécanisme pour répondre à la crise du Covid19) nous avons maintenu les financements à la hauteur, nous avons suspendu les conditionnalités liées à la règle d’or, nous avons fait des fonds de cohésion des fonds pleinement alignés sur les objectifs climatiques et environnementaux. Les RUP sortent gagnantes de ces négociations, nous pouvons dire que nous avons fait notre part de travail et respecté nos engagements. ». Pour garantir aux régions un démarrage sans retard le Parlement européen a obtenu que l’allocation des ressources financières puisse s’appliquer rétroactivement à compter du 1er janvier 2021.

Les priorités des RUP placées au premier rang de cet accord

Toutes les Régions Ultrapériphériques quelle que soit leur catégorie (moins développées ou transition) bénéficieront d’un taux de cofinancement à 85%. Une enveloppe additionnelle de 1,9 milliards d’allocation a été obtenue pour les RUP, dont 472 ,9 millions pour le FSE+. Aussi, une enveloppe de 271 millions pour la coopération RUP a été obtenue.  1% supplémentaire que ce qui a été obtenu pour les autres régions pourra être utiliser pour l’assistance technique dans les RUP. La flexibilité de gestion est maintenue dans l’enveloppe additionnelle pour les RUP, et les opérations déjà terminées – y compris pour les infrastructures – pourront continuer à être financées. C’est un gage de flexibilité. L’ensemble des fonds de cohésion devront suivre une trajectoire écologique et climatique claire. 30% des fonds devront viser les objectifs climatiques de l’Union (neutralité d’ici à 2050), et le principe du « do-no-harm » (agir sans nuire à l’environnement) tel que défini par l’accord de Paris devra s’appliquer à tous les projets.