INTERVIEW. Esclavage : Les excuses du Pays-Bas ne sont « pas un point final » dans les relations avec les Outre-mer du Royaume néerlandais

Quelques semaines après les excuses officielles du gouvernement des Pays-Bas pour le rôle de l'État néerlandais dans 250 ans d'esclavage, et à quelques semaines d'une visite d'Emmanuel Macron au Pays-Bas, la secrétaire d’État aux Relations au sein du Royaume et à la Numérisation, Alexandra van Huffelen, a accordé une interview à notre rédaction, dressant les perspectives d’avenir dans les relations entre l’État néerlandais et les six îles qui font parties du Royaume du Pays-Bas.

Le 19 décembre 2022 à La Haye, le Premier ministre des Pays-Bas, Mark Rutte, présentait des excuses officielles du gouvernement pour le rôle de l'État néerlandais dans 250 ans d'esclavage, qu'il a qualifié de « crime contre l'humanité ». Quelques jours plus tard, le Roi des Pays-Bas saluait ces excuses, qui marquent « le début d’un long chemin ».

« Personne ne porte aujourd'hui la responsabilité pour les actes inhumains qui ont été infligés à la vie d'hommes, de femmes et d'enfants », avait déclaré le roi Willem-Alexander depuis le palais résidentiel Huisten Bosch à La Haye. « Mais en affrontant honnêtement notre passé commun et en reconnaissant le crime contre l'humanité qu'est l'esclavage, nous jetons les bases d'un avenir commun », avait-il ajouté, appelant à « un avenir (…) contre toutes les formes contemporaines de discrimination, d'exploitation et d'injustice ».

Reçue à l’Ambassade du Pays-Bas à Paris, la rédaction d’Outremers360 s’est entretenue avec la secrétaire d’État Alexandra van Huffelen. « Les excuses sont une virgule, pas un point final », a-t-elle notamment assuré, reconnaissant « un débat difficile » sur ce sujet, que ce soit aux Pays-Bas ou dans les îles du Royaume : Curaçao, Aruba, Sint-Maarten, Saba, Saint-Eustache et Bonaire. « Ça a enlevé un voile sur ce sujet » a-t-elle poursuivi, « on a créé la possibilité de discuter beaucoup plus sur ce sujet, ce qui est important pour les défis du quotidien, pour l’avenir ». 

Et pour l’avenir justement, Alexandra van Huffelen et le gouvernement des Pays-Bas mise sur la connaissance et l’histoire. « On va faire beaucoup plus : sur l’éducation, sur la mémoire à travers les musées, ouvrir les archives, échanger les textes, restituer les objets d’arts », explique-t-elle. « Il faudra aussi aider à améliorer la vie quotidienne des gens qui habitent dans les îles », ajoute la secrétaire d’État, assurant que « ce n’est pas le Pays-Bas qui décidera ce qu’il faut faire, c’est ensemble que nous déciderons ce qu’il faut faire ».

Et l’avenir des territoires outre-mer du Royaume des Pays-Bas, c’est aussi la coopération régionale avec les Antilles françaises, entre autres. Et pour cela, la secrétaire d’État a multiplié les rencontres et les réunions de travail avec les équipes du ministre délégué chargé des Outre-mer. Chaque année, France, Pays-Bas, Sint-Maarten et Saint-Martin se retrouvent d’ailleurs pour une réunion quadripartite portant sur la coopération et les relations entre les parties françaises et néerlandaises de l’île caribéenne. 

« Il est important que nous puissions travailler davantage ensemble, que nous développions ces îles ensemble, que nous utilisions mieux les fonds européens », estime la secrétaire d’État qui cite les « défis économiques, environnementaux, climatiques, énergétiques ou liés aux télécommunications » communs à ces îles. « Pour faire mieux, améliorer la vie quotidienne des populations de ces îles, c’est important que nous puissions mieux travailler ensemble », insiste-t-elle. 

Les six îles du Royaume affichent, comme les Antilles françaises, des spécificités statutaires et institutionnelles bien particulières. Saba, Bonaire et Saint-Eustache sont des « communautés spéciales, comme des municipalités du Pays-Bas européen », explique Alexandra van Huffelen. Curaçao, Aruba et Sint-Maarten, qui partage la même île avec la Collectivité territoriale de Saint-Martin, sont des pays indépendants au sein du Royaume du Pays-Bas, au même titre que l’État du Pays-Bas par exemple.

« Il y a une différence entre les trois îles qui forment des municipalités néerlandaises et les trois pays indépendants, qui ont leur propre parlement, leur propre législation, mais qui sont tout de même une partie de notre Royaume. Nous travaillons très étroitement » ajoute-t-elle. Précisons que les six îles sont, aux yeux de l’Union européenne, des Pays et Territoires d’Outre-mer, au même titre que la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre et Miquelon. 

En d’autres termes, « les PTOM ne sont pas directement soumis au droit de l’Union, mais bénéficient du statut d’associé en vertu du traité de Lisbonne ». En outre, « les ressortissants des PTOM sont des citoyens européens, mais les PTOM ne font pas partie du territoire de l’Union ».