Innovation Outre-mer : La start-up calédonienne Terciel NC signe un accord d’aéroport flottant international avec la Malaisie et vise l’Indonésie

Innovation Outre-mer : La start-up calédonienne Terciel NC signe un accord d’aéroport flottant international avec la Malaisie et vise l’Indonésie

Spécialisée dans les aéroports flottants pour hydravions, la start-up calédonienne Terciel NC, fondée en 2018, accélère son expansion. Après avoir signé récemment un protocole d’accord avec Pahang Aerospace City à Kuantan pour construire un aéroport international, l’entreprise déploie ses infrastructures multimodales en Malaisie, où plusieurs autres chantiers s’apprêtent à voir le jour. Au-delà du transport de passagers, Terciel NC entend faciliter l’accès aux services d’urgence, garantir la régularité des soins médicaux et favoriser l’accès à l’éducation notamment dans les îles éloignées. Forte de cet ancrage, la start-up se tourne désormais vers l’Indonésie, un marché stratégique où l’hydravion pourrait devenir un outil clé pour désenclaver les 17 000 îles de l’archipel. Dans un entretien accordé à Outremers360, son fondateur Hervé Thomas détaille les contours de ce projet visionnaire, pensé pour répondre aux besoins des populations tout en intégrant innovation et durabilité.

Ancrage en Malaisie

Le 11 septembre dernier, la Malaisie a signé quatre protocoles d’accord (MoU) avec des entreprises françaises, dont l’un entre Terciel NC et Pahang Aerospace City. Objectif : construire à Kuantan un aéroport international intégré dans un vaste complexe multimodal. « Terciel développe différents types d’hydroports, adaptés aux besoins locaux », explique Hervé Thomas, fondateur et dirigeant. « Dans les grandes villes, nous installons des hubs principaux, autour desquels se déploient des satellites : de petits hydroports beaucoup moins coûteux, permettant aux collectivités d’accéder à une infrastructure simple et sécurisée. »

Cette dynamique régionale repose également sur une collaboration professionnelle, devenue une véritable amitié entre Hervé Thomas et Jean-Bernard Boura, martiniquais fondateur de Pen Aviation, entreprise française spécialisée dans la commercialisation de drones et basée à Kuala Lumpur. Ensemble, les deux entreprises développent une technologie innovante : des pistes dynamiques matérialisées par des drones marins, capables de s’adapter aux conditions météorologiques.

Cap sur l’Indonésie

Désormais c’est l’Indonésie qui représente un marché stratégique pour Hervé Thomas : « J’y passe beaucoup de temps, peut-être un peu trop pour une première visite, mais c’est nécessaire ». Car s’implanter dans la région n’a rien de simple : présence, patience et régularité sont essentielles. « Les rythmes ne sont pas les mêmes selon que l’on traite avec des entreprises privées ou avec les institutions. Dans notre cas, soumis aux règles strictes de l’aviation civile, impossible d’avancer sans constance. »

Un pari exigeant mais porteur. L’Indonésie attire aujourd’hui les convoitises du Japon, des États-Unis, du Canada ou encore du Brésil. « Tous cherchent à s’y implanter », souligne Hervé Thomas. Dans ce contexte, le soutien institutionnel français constitue un levier précieux. L’ancien ministre chargé du Commerce extérieur avait présenté Terciel NC à son homologue indonésien, suscitant un intérêt marqué. L’ambassade de France a depuis pris le relais, jusqu’aux échanges bilatéraux du 14 juillet dernier à Paris. Autant de signaux qui placent l’entreprise calédonienne en position favorable pour réussir son pari en Asie du Sud-Est.

Signature des protocoles d’accords

Un modèle économique innovant

Terciel NC entend se distinguer en proposant un modèle économique original. L’aéroport flottant n’est pas uniquement financé par les compagnies aériennes : le développement de zones commerciales et hôtelières vise à attirer les non-passagers. Dans cette logique, les aéroports deviennent de véritables hubs, combinant commerces, hôtels et services générant des revenus indépendamment des hydravions, souvent peu nombreux au départ. Les zones commerciales sont conçues pour séduire à la fois les voyageurs et les populations locales, maximisant le retour sur investissement.

Un aéroport flottant construit en 15 mois sans béton

Dans cet environnement concurrentiel, Terciel NC a su créer son « océan bleu » : la force de l’entreprise réside dans sa capacité à proposer un produit clé en main, intégrant aspects techniques, environnementaux et études anthropologiques pour que les populations locales soient pleinement associées au projet. De la conception architecturale à la construction, en passant par l’intégration dans l’espace aérien et maritime, chaque étape vise à harmoniser l’infrastructure avec son environnement. 

« Si l’on ne considère que la construction, en excluant les études environnementales, le processus prend entre quinze et dix-huit mois, ce qui reste très rapide. Un des principaux avantages réside dans le fait que l’aéroport est en grande partie préfabriqué en usine, selon un principe de construction sèche. Cela permet de réduire significativement les travaux sur site, d’éviter le bétonnage et de limiter les déchets résiduels. Le produit arrive donc prêt à être monté, ce qui simplifie et accélère l’implantation tout en minimisant l’impact environnemental. »

Réduire l’impact environnemental

Terciel NC collabore avec des partenaires spécialisés pour évaluer l’impact environnemental et choisir des sites qui n’empiètent pas sur les terres agricoles. L’approche durable permet de réduire l’empreinte carbone : contrairement aux aéroports classiques nécessitant d’importantes quantités de béton, les infrastructures flottantes s’adaptent à la montée des eaux, protégeant populations et environnement. 

Jean-Bernard Boura, CEO de Pen Aviation et Hervé Thomas, CEO de Terciel NC

« Dans certaines zones de la région, cette élévation est jusqu’à quatre fois plus importante que dans nos territoires habituels. Chaque année, on observe des phénomènes qui menacent de submerger de petites îles et d’emporter des débris, rendant certaines initiatives d’implantation d’aéroports tout simplement ahurissantes. Nous avons eu un exemple frappant : une île dont le point culminant ne dépassait pas cinq mètres, et pourtant on envisageait d’y installer une piste. » explique Hervé Thomas.

Les aéroports flottants de Terciel NC répondent directement à ce défi. Conçus sur le principe de « marina », ils montent et descendent avec la marée. Là où d’autres infrastructures seraient complètement inondées, ces installations restent opérationnelles, offrant une solution adaptée aux populations vivant dans des zones sensibles tout en respectant l’environnement et le rythme naturel des lieux. 

Outre-mer et perspectives régionales

Les projets de Terciel NC s’étendent également aux territoires ultramarins, notamment aux îles du Pacifique. Des initiatives ont été étudiées pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, proposant des solutions de transport innovantes, comme les navires à effet de sol et les stations hydro-portuaires pour les bus et les trajets scolaires, afin de renforcer la connectivité dans des zones géographiquement dispersées et souvent difficiles d’accès. « La Polynésie française avait été envisagée comme un client potentiel, mais le projet n’a pas abouti : le gouvernement n’a pas repris les prérogatives des administrations précédentes. Néanmoins, le marché reste intéressant », explique Hervé Thomas.

En Nouvelle-Calédonie, la situation est aujourd’hui beaucoup plus complexe. Les perturbations politiques et le manque de visibilité freinent les investisseurs, rendant toute projection difficile. « Les besoins existent, mais leur mise en œuvre reste incertaine, d’autant que des contraintes comme l’assurance compliquent la construction et l’exploitation d’infrastructures ».

Face au changement climatique et à la montée des eaux, repenser nos modes de transport n’est plus une option, mais une nécessité. En première ligne, les archipels doivent anticiper ces mutations. Comme l’alerte Hervé Thomas : « Nous entrons dans une ère où la mobilité doit s’adapter aux défis climatiques et sociaux. Nos aéroports flottants sont pensés pour relier, développer et protéger. »

Plus d’infos :

Après le succès de Pen Aviation en Malaisie, l’entrepreneur martiniquais, Jean-Bernard Boura vise une expansion internationale | Outremers360